UZOMA ASAGWARA NPD, GARE UNION
C’est inacceptable qu’il ait fallu attendre 2019 pour qu’une personne noire soit élue. Il y a bon nombre de personnes noires capables de faire le travail et de bien le faire.
Élue députée néo-démocrate de Gare Union à l’âge de 34 ans, Uzoma Asagwara va bientôt devoir prendre congé de sa carrière d’infirmière en psychiatrie. Membre des communautés nigérienne, africaine, queer et tant d’autres, elle ne s’arrête pas à son vécu et souhaite que toutes les communautés soient représentées au Palais législatif, sans exception. Pourquoi êtes-vous devenue infirmière en psychiatrie?
J’avais peu de connaissances et de compréhension de ce milieu et j’étais curieuse. Et puis j’ai réalisé que ce manque d’informations était général.
Aussi, j’ai grandi dans plein de communautés. Dans la communauté nigérienne et celle d’afrique de l’ouest. On n’avait pas beaucoup de conversations autour de la santé mentale, de la dépression, de l’anxiété. C’était important pour moi de commencer ces conversations à l’intérieur même de mes communautés, de parler des ressources qui existent. Et tenter d’enlever le stigma autour de la santé mentale.
D’où votre côté revendicateur…
Je pense effectivement que c’est la façon dont j’ai été éduquée. Mes parents nous ont élevés, mes soeurs, mon frère et moi, à être très fiers de nos identités, comme Africains et comme première génération de Canadiens. Ils nous répétaient à quel point on était intelligents, capables, forts. Et que les femmes peuvent tout accomplir. Mais le message le plus fort peut-être, c’était : Levez-vous et exprimez-vous face aux injustices!
Votre père, Prince Asagwara, a un parcours marqué en sciences politiques. Ça vous a sûrement influencée aussi…
Peut-être. C’est vrai que mes parents suivaient tout le temps l’actualité, parlaient tout le temps de politique avec nous, leurs amis, leurs collègues. On ne remarque pas vraiment l’impact de ces choses jusqu’au moment où on est adulte en train de revendiquer. Un jour, j’ai réalisé que je pouvais contribuer de manière efficace en utilisant mes habiletés. Et la politique semblait être une étape naturelle.
Quels étaient vos tout premiers pas en politique?
(Rires) Bonne question. Quand j’étais enfant, je pense. J’ai été présidente de ma classe au secondaire. J’ai toujours été impliquée dans les comités étudiants, ça m’intéressait vraiment. J’adore le leadership, mais j’ai aussi toujours aimé faire partie d’une équipe, que ce soit comme athlète, infirmière ou membre d’une communauté. En fait, je suis sur ce chemin depuis bien plus longtemps que je ne le pensais.
Vous parlez souvent de « communautés mal desservies ». À quelles communautés faites-vous référence?
Je pense aux gens de couleur, aux Autochtones, aux communautés LGBTQ et bi-spirituelles, aux communautés de femmes. Parce que si vous n’êtes pas représentés dans les sphères où les décisions sont prises, vous en subissez les conséquences. Si vous n’y êtes pas pour partager votre vécu et votre perspective, vos besoins ne sont pas pris en compte.
Autour de la question LGBTQ, les besoins de cette communauté ne semblaient être à l’agenda d’aucun parti…
C’est un bon point. Je répète souvent : si les gens qui sont affectés par les politiques ne s’impliquent pas ou ne participent pas au processus politique, leurs préoccupations ne sont pas reflétées. J’espère vraiment les mettre à la lumière pendant mon mandat de députée.
Comme l’indicateur de genres non-binaires sur les papiers d’administration du gouvernement. C’est quelque chose qui existe ailleurs au Canada. Au niveau fédéral, cette initiative a été arrêtée par les conservateurs. On est en 2019, il faut que l’on avance avec notre temps.
C’est une des raisons pour lesquelles j’aime le Parti néo-démocratique. Ce parti est ouvertement allié des communautés LGBTQ et bi-spirituelles.
En étant une des trois premiers députés élus noirs au Manitoba, vous voilà entrée dans l’histoire…
Je pense que c’est important de le souligner : c’est inacceptable qu’il ait fallu attendre 2019 pour qu’une personne noire soit élue au Palais législatif. Il y a bon nombre de personnes noires capables de faire ce travail, et de bien le faire. Bien sûr, je suis heureuse de marquer l’histoire. Mais je sais que nous avons été élus pour notre expertise, nos milieux professionnels, nos capacités. C’est une question de mérite.
Mais d’après vous, pourquoi cela n’est pas arrivé plus tôt?
Ça peut être difficile d’aspirer à un certain poste si vous n’avez jamais vu quelqu’un qui vous ressemble y accéder. Et c’est valable pour n’importe qui. Il y a de vraies barrières systémiques pour plusieurs communautés. En fait, peut-être que la raison pour laquelle il n’y a jamais eu de député noir auparavant est que le racisme systémique est réel. Et on doit être capable d’en parler, sans pointer du doigt.
Pour s’assurer que toutes les communautés soient représentées au Palais législatif du Manitoba, on doit identifier les raisons pour lesquelles ça a pris tant de temps. Et je pense à tout le monde, à toutes les communautés.
Ensemble, on peut s’assurer que la Législature manitobaine reflète tous les Manitobains. Je pense que chaque Manitobain devrait y aspirer.