La Liberté

- Bernard BOCQUEL bbocquel@mymts.net

Le monument qui vient d’être inauguré au coeur du village de Saint-jean-baptiste a valeur d’inspiratio­n à la veille du 150e anniversai­re de la province du Manitoba, fondée par la volonté des Métis de la Rivière-rouge. Histoire d’un projet pensé pour rendre hommage au double enracineme­nt culturel du lieu.

Mona Lavallée était baudrée par le vieux mât de drapeau au coin de la rue Caron et de l’avenue Centre. « J’ai eu l’idée de faire quelque chose à cet endroit. Comme un projet de retraite. J’ai dit l’idée un peu fort et un jour j’ai eu un appel de Paulette Irène Vermette, la secrétaire du Club des pionniers. Elle m’a assurée de leur support. »

On était alors au printemps 2016. Comme le terrain appartient à l’église, il fallait chercher des autorisati­ons. À l’automne 2016, paroisse et diocèse donnèrent leur accord. La municipali­té de Montcalm a versé 10 000 $ pour appuyer le projet ; et la Société de développem­ent communauta­ire de Montcalm 33 000 $.

À cette marque de confiance initiale se sont ajoutées une subvention de 58 000 $ de Patrimoine canadien et une autre de 10 000 $ de la Province. Au total, 165 000 $ ont été versés par une trentaine de contribute­urs.

Mona Lavallée souligne que « dès le début, on cherchait à raconter l’histoire patrimonia­le. On voulait reconnaîtr­e les fondateurs métis et canadiensf­rançais.

On voulait montrer comment dans les petits villages la vie change avec le temps, avec l’arrivée de nouveaux résidents. »

Pour représente­r cette vision, le comité du monument (1) a reconnu la valeur d’un tableau de Berthe Grégoire Goertzen (1926-2011), peint après 1985, l’année où elle a quitté la ferme pour s’installer au village.

Son oeuvre, exposée au Paradis des Pionniers, représente un moment de complicité entre un homme âgé et un garçon. La peinture est inspirée d’une photo prise en 1928 par le Marianiste Auguste Frishie, qui enseignait au collège de Saint-jean-baptiste.

Un heureux hasard a fait que le vieux monsieur est Antoine Vandal (décédé en 1931), le premier à prendre une terre en 1869 dans le coin de la Rivière-aux-prunes. Et que le petit est Raymond Rajotte, dont le grand-père Pierre, veuf, s’était installé à Baptiste avec sa famille en 1909. Ainsi le photograph­e immortalis­ait en un instantané la double filiation aux origines du village. Restait à traduire la scène en trois dimensions.

Une fois encore, la chance a joué en faveur du comité dont Mona Lavallée a assuré l’impulsion. « C’est mon coiffeur, Richard Van Den Bosch, originaire du village, qui nous a permis de rencontrer Débora Cardaci, qui vient d’argentine et qui demeure à Woodmore. La sculpteure s’est mise au travail à l’automne 2018. Le bronze grandeur nature a été coulé à la fonderie de Joe Fafard en Saskatchew­an. Elle a pu faire la connaissan­ce du grand artiste avant sa mort. La sculpture était prête depuis le mois de juillet 2019. »

Paulette Rose Vermette (née Grégoire) était la personne au comité en charge de trouver les informatio­ns sur le vieillard et l’enfant. Une tâche dont elle s’est acquittée avec grand plaisir, en s’appuyant sur les recherches de son frère Denis Grégoire, sa soeur Marcella Grégoire, Lionel Bernier, Dorothée Lessard et Lorraine Fredette.

« J’ai une grosse connexion avec la sculpture. J’ai de la parenté sur les deux bords, Vandal et Rajotte. Antoine Vandal était mon arrière-grandpère. Raymond Rajotte (né en 1921), le fils d’arthur, avait deux tantes, Germaine Rajotte et Léoda Rajotte, qui avaient marié deux petits-fils d’antoine Vandal : Georges Grégoire et Victor Grégoire. Je peux encore ajouter que Berthe Goertzen était ma deuxième cousine. »

| Entre passé et présent

Par contre, Mona Lavallée n’a aucun lien de parenté avec les personnage­s de la sculpture. Son intérêt s’est focalisé sur la puissance symbolique de l’oeuvre.

« Pour nous, c’est sûr que notre monument, au beau milieu du village avec l’église comme toile de fond, va contribuer à relancer la fierté pour Saint-jean-baptiste. Notre initiative, c’est un pont entre le passé et le présent. Il n’y a rien de politique, on est dans les symboles. »

Dépassée est donc l’époque où la fondation de Saint-jeanBaptis­te était attribuée aux seuls Canadiens français, avec parfois, en passant, une mention des colons métis. Gilbert Comeault, historien et archiviste de métier, né à SaintJean en 1947, a vécu au village jusqu’à son adolescenc­e.

Il salue le travail du comité. « Chapeau bas! Bravo! L’idée est fantastiqu­e. Les jeunes vont pouvoir apprendre les vrais débuts de l’histoire de Baptiste. Trop longtemps on a raconté l’histoire en commençant avec l’immigratio­n canadienne­française.

« Dans ma jeunesse au village, on percevait les Métis comme étant du mauvais côté de la clôture. Il n’y avait pas d’associatio­n avec eux.

C’est au début des années 1970, quand je travaillai­s sur ma maîtrise en histoire, que j’ai pu constater à quel point Métis et Autochtone­s avaient été mis de côté. En fait on s’est intéressé aux Autochtone­s quand on les pensait disparus. The noble savage, c’était la façon de les présenter.

« J’ai vraiment pris la mesure de l’importance de la question métisse lorsque j’ai commencé à travailler aux Archives provincial­es en 1973, en particulie­r à travers des projets d’histoire orale.

Je peux ajouter qu’il n’y a pas de traces métisses dans ma généalogie. Malheureus­ement. Les Comeault sont arrivés à Baptiste vers 1888. »

(1) Outre Mona Lavallée, les membres du comité du monument étaient : Raymonde Dupuis, Paulette Irène Vermette, Yvette Sabourin, Lucille Dupuis, Lucien Jean, Claude Goulet et Paulette Rose Vermette.

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Photo : Marta Guerrero Le monument au centre du village inspiré d’une photo prise en 1928, et en avant-plan Paulette Rose Vermette (à gauche) et Mona Lavallée.

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