Mettre en musique les émotions
La musique est une part essentielle pour renforcer l’émotion du texte et le jeu des comédiens. Andrina Turenne, musicienne et chanteuse depuis les années 1990, dédie maintenant une partie de son temps à la conception sonore au théâtre.
Comme pour tous les professionnels dans le monde du théâtre, du metteur en scène au musicien en passant par la costumière, le travail des concepteurs sonores est au service du texte et des personnages. Andrina Turenne : « Si l’ambiance d’une scène est sobre, heureuse, mystérieuse ou agressive, il faut que je trouve des musiques qui provoquent ces émotions chez les spectateurs. Je marie la conception sonore à l’émotion du texte. »
La conceptrice se nourrit aussi des lieux géographiques de la pièce. En 2017, la musicienne a créé la conception sonore de la pièce Je m’en vais, jouée par la troupe de l’université de SaintBoniface Les Chiens de Soleil et mise en scène par Gabriel Gosselin. Elle raconte le départ de Saint-boniface d’une jeune femme, Sophie, pour la première fois. Elle part à Grand Forks.
« J’ai voulu créer l’atmosphère de chez nous, de SaintBoniface. J’ai incorporé des musiques franco-manitobaines comme le groupe des années 1990 Les Mouches Noires ou encore Gilberte Bohémier. J’ai aussi demandé à ma nièce de 15 ans, Annika Turenne, d’interpréter J’ai quitté mon île, du Franco-manitobain Daniel Lavoie, pour la toute dernière chanson de la pièce, quand Sophie part avec sa valise. »
Andrina Turenne a l’expérience et la vision du métier de musicien en groupe. Elle a été membre de Rudimental, Madrigaïa et plus récemment, Chic Gamine. Pour le théâtre, l’artiste reste elle-même. Elle explore simplement une autre partie de son talent.
« Je dois faire des choix à l’intérieur du cadre que me donne le metteur en scène. Quand tu es un musicien en dehors du théâtre, c’est différent. Tu n’as pas de limites pour créer. Et, dans mes précédents groupes, je devais faire des compromis avec les autres membres. Aujourd’hui, je travaille seule et il faut que je me fie à ma vision et que je prenne confiance en moi. »
Entre concevoir un album avec un groupe de musique et créer la musique d’une pièce, la technique de travail est différente également note- t-elle : « Je prépare les séquences dans l’ordre de la pièce. Je propose trois scénarios. Je ne vais pas jusqu’au bout, j’esquisse des idées. Je présente l’ébauche au metteur en scène et on en discute. Ensuite, je teste la conception sonore sur scène avec les comédiens ».
Pour elle, la musique est d’une certaine manière, « indispensable au théâtre ». « Et si un metteur en scène choisit de ne pas en mettre, c’est un choix audacieux. C’est qu’il recherche le silence dans sa pièce ».
Je m’en vais était sa deuxième expérience au théâtre. Elle avait composé une première fois pour le théâtre en 2017, pour le Wild West Show de Gabriel Dumont, mis en scène par Mani Soleymanlou. Elle a joué ses compositions sur scène, en direct.
« Le spectacle était un show burlesque, composé de saynètes. Le rythme était rapide, avec beaucoup de montages sons. En bref, la musique créait l’énergie de la pièce. Par exemple, je me souviens qu’il y avait eu un concours de tir au fusil à un moment. Alors je faisais les roulements de tambours pour renforcer le suspens. »
« La particularité du Wild West Show de Gabriel Dumont était que la musique était en direct, ce qui facilitait le jeu du comédien. Ce n’était plus à lui de s’adapter et de suivre une musique enregistrée. C’était à moi de le suivre. Et en plus, on pouvait se permettre de faire quelques improvisations. »