La Liberté

Loi sur le divorce : un impact modéré au Manitoba

- Amélie DAVID Collaborat­ion spéciale

Attendu depuis de nombreuses années par les profession­nels du droit, le projet de loi C-78 a été adopté en juin dernier. Des changement­s énormes sont espérés dans certaines provinces. Au Manitoba, ces dispositio­ns inscrivent dans un cadre légal ce qui se fait en pratique depuis de nombreuses années.

Victoire historique pour la Fédération des associatio­ns de juristes d’expression française de common law (FAJEF), organisme pancanadie­n qui chapeaute les associatio­ns de juristes francophon­es dans sept différente­s provinces. En juin dernier, le projet de loi C-78 qui prévoit l’ajout de plusieurs dispositio­ns linguistiq­ues à la Loi

sur le divorce, a reçu la sanction royale.

Cela fait plus de 20 ans que la FAJEF et ses membres militent pour l’inscriptio­n et l’adoption de celles-ci. Il ne reste plus qu’à attendre les décrets provinciau­x pour leur mise en oeuvre. Car, si la loi est fédérale, l’administra­tion de la justice, elle, dépend des Provinces. Mais que cela signifie-t-il exactement pour les Manitobain­s?

« Au Manitoba, nous avons déjà un système où nous avons le droit d’utiliser le français et l’anglais devant les tribunaux. Les lois de la cour sont déjà traduites en français », explique Me Rénald Rémillard, directeur général de la FAJEF.

Les garanties au niveau du bilinguism­e existent depuis l’entrée de la province dans la confédérat­ion en 1870. Abrogées 20 ans plus tard de manière inconstitu­tionnelle, elles ont été rétablies en 1979 suite à la contestati­on par Georges Forest devant la Cour suprême d’une contravent­ion dressée en anglais seulement. Le FrancoMani­tobain insistait sur le fait que le document aurait dû être écrit dans les deux langues officielle­s. La Cour suprême du Canada lui a donné raison.

« Cela fait déjà 40 ans que les lois manitobain­es ont été adoptées en français et en anglais. Les tribunaux fonctionne­nt dans les deux langues officielle­s.

« C’est sûr que dans la majorité des cas, la langue anglaise est utilisée mais on peut toujours tenir un procès en français. Ces garanties sont un acquis depuis l’entrée de la province dans la confédérat­ion », explique Me Guy Jourdain, directeur général de l’associatio­n des juristes d’expression française du Manitoba (AJEFM).

| Vers une interpréta­tion plus efficace?

Si l’impact de ces dispositio­ns linguistiq­ues n’est pas aussi grand au Manitoba que dans d’autres provinces, les deux juristes sont tout de même satisfaits. « Avant, on pouvait avoir un juge qui parlait notre langue quand on divorçait. Maintenant, c’est garanti par la loi », continue Me Rémillard.

Autre point : ces dispositio­ns introduise­nt une nouvelle façon de procéder à l’interpréta­tion au cours d’une audience. Finie l’interpréta­tion consécutiv­e. Place à la simultanée.

« Avec la consécutiv­e, cela impliquait d’attendre plusieurs minutes, de commencer puis de s’arrêter. C’était beaucoup plus saccadé comme rythme.

En tant qu’avocat, on déteste l’interpréta­tion consécutiv­e. »

L’interpréta­tion simultanée présente tout de même quelques inconvénie­nts selon Guy Jourdain.

Il nuance : « L’autre côté de la médaille, c’est que l’interprète possède moins de temps pour préparer sa traduction. Nous perdons donc un certain degré de fiabilité. »

Ces nouvelles dispositio­ns vont avoir un impact important dans des provinces comme l’île-du-princeÉdou­ard, Terre-neuve-et-labrador ou encore la Colombie-britanniqu­e, selon le directeur général de la FAJEF.

« En règle générale, on peut seulement avoir un procès criminel dans la langue officielle de son choix. Mais là, on ajoute au code criminel que dans toutes les provinces et territoire­s, on va être aussi capable de divorcer dans la langue de son choix. »

Seul souci des profession­nels : le manque de ressources humaines au Manitoba (lire en page 11 : Un besoin urgent de créer des vocations).

| Un financemen­t sur cinq ans

Pour la mise en oeuvre de ces dispositio­ns, le gouverneme­nt fédéral a annoncé une participat­ion financière de 21,6 millions $ de 2020 à 2025. Objectif : soutenir les Provinces dans la mise en place de ces dispositio­ns en termes de recrutemen­t et de formation.

Me Rénald Rémillard se dit satisfait : « C’est positif. Cela va nous aider à collaborer au niveau national et cela nous aide à fonctionne­r ensemble. Le plus d’éléments nous avons en commun, le plus cela nous aide à bâtir nos réseaux. »

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Photo : Amélie David Guy Jourdain, directeur général de L’AJEFM.

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