Le financement participatif entre exigences de souplesse et risques assumés
Alors que le Fédéral a mis en place des fonds d’urgence pour aider des secteurs de l’économie, certains acteurs ont préféré faire appel à la générosité de leurs clients par le biais du sociofinancement. L’expert Ivan Tchotourian revient sur ce canal parallèle de financement apparu il y a une dizaine d’années.
Ivan Tchotourian, professeur de droit à l’université Laval et codirecteur
du Centre d’études en droit économique, cerne le sujet ainsi :
« La philosophie de base, c’est l’idée de don. Le sociofinancement, dit aussi financement participatif, est un processus qui permet à une entreprise, un organisme ou une personne de recueillir de l’argent auprès d’un public. Généralement, le processus se fait par une plateforme en ligne.
« C’est un moyen assez simple pour un acteur de l’économie de recueillir de l’argent. Par sa nature même, le sociofinancement est souple et facile à utiliser. C’est ce qui en fait un choix si attrayant.
« Il complète les canaux traditionnels de financement, comme les fonds propres, les prêts de banques et les anges investisseurs. À la différence de ces canaux classiques, le financement participatif permet aux donateurs d’accéder aux services ou aux produits proposés. »
Pour illustrer son propos, Ivan Tchotourian donne un exemple de financement participatif très répandu dans les débuts de ce mouvement.
« Imaginons un musicien qui veut lancer son album. Il est possible qu’il ne trouve pas assez de financement par les canaux traditionnels. C’est à ce moment-là qu’il sollicite le financement participatif. En contrepartie, il peut proposer d’inscrire le prénom des donateurs sur la pochette de l’album, ou toutes sortes d’autres choses. »
D’autres formes de financement participatif sont apparues avec le temps. Avec leurs développements, des questions techniques sont survenues.
« On comprend que trois parties participent dans ce type de financement : l’individu, l’entreprise et la plateforme. Il y a d’abord eu une préoccupation juridique concernant la plateforme :
Quelle est sa part de responsabilité en permettant à une entreprise qui n’est pas forcément viable de demander du financement?
« Le législateur a donc demandé que les plateformes vérifient certaines données pour que l’individu ne se fasse pas arnaquer. De toute façon, les plateformes ont compris que pour attirer des dons, il fallait une mesure de transparence.
« Cependant, il reste toujours un vide juridique pour protéger les personnes qui donnent. Alors la question surgit : Que peut faire l’individu en cas d’arnaque?
« Prenons le cas d’un individu qui donne de l’argent pour aider une entreprise à but lucratif, parce qu’elle a subi des pertes à cause de la COVID-19. Imaginons que cette entreprise se serve de l’argent pour autre chose que redresser son affaire. Elle le pourrait puisqu’elle n’a aucun compte à rendre, vu qu’il s’agissait d’un don.
« Il est évident que la logique du sociofinancement pour une entreprise à but lucratif s’éloigne de l’idée originelle. »
Pour Ivan Tchotourian, le financement participatif est coincé à cause de ses principes de base fondés sur la souplesse et la facilité d’obtenir de l’argent.
« L’enjeu, c’est de trouver un équilibre en assurant à l’individu une protection sans que les coûts n’augmentent pour les plateformes.
« Si l’on demande aux plateformes de vérifier où est allé l’argent, un coût additionnel va être nécessaire et il va devoir être répercuté soit sur le donateur individuel, soit sur l’entreprise ou l’organisme qui demande l’aide.
« Quelles que soient les faiblesses de ce système, il fonctionne plutôt bien parce que c’est simple, contrairement aux canaux traditionnels comme les banques qui sont rigides.
« C’est un type financement assez récent. Tous les acteurs de l’économie ont intérêt à surveiller son évolution dans l’avenir, à commencer par l’autorité des marchés financiers, les législateurs, et les entreprises. »