Les enseignants
Avec la mobilisation sanitaire qui a nécessité que les enfants restent à la maison, certaines préoccupations du corps enseignant ont été accentuées. Tour d’horizon des principaux obstacles des éducateurs francophones avec Lillian Klausen, nouvelle présidente des Éducatrices et Éducateurs francophones du Manitoba.
Lillian Klausen, la 27e présidente des ÉFM élue à L’AGA début mai, a pris ses fonctions en juin. « C’est assez intéressant de prendre le relais de Valérie Rémillard dans cette situation exceptionnelle. C’est stimulant. Heureusement, la présidente sortante m’a initiée au poste depuis deux ans.
« Je viens d’un village bilingue au sud-ouest de Winnipeg, Somerset. J’ai enseigné au rural : à NotreDame-de-lourdes pendant un an, à Thompson pendant six ans, avant de prendre un poste en 1999 au Collège PierreElliott Trudeau à Winnipeg.
« J’ai fait des va-et-vient dans cet établissement, puisque pendant ma carrière j’ai aussi travaillé de 2012 à 2015 au Bureau de l’éducation française (BEF). Cette expérience m’a permis de voyager partout dans la province et d’identifier les besoins nécessaires sur le plan pédagogique.
« J’ai toujours aimé aider les gens de toutes les manières possibles. Depuis 2006, je suis impliquée dans les ÉFM à divers niveaux, comme dans des comités. En 2017, j’ai été élue au poste de conseillère. Par la suite, je suis devenue vice-présidente. »
Les ÉFM sont une agence de la Manitoba Teachers’ Society qui existe depuis plus de 50 ans. Quelques 2 000 éducateurs et éducatrices sont membres. Environ 500 enseignent le français langue première, les 1 500 autres enseignent en immersion. (1)
« Chaque année, on voit davantage de membres se joindre à nous. L’année dernière, nous étions 1 800. L’immersion a vraiment pris de l’ampleur ces dernières années. Sur 37 divisions scolaires dans la province, 23 offrent un programme en français. »
| Éviter le stress
Pour Lillian Klausen, l’étroite collaboration des enseignants de français langue première et langue seconde est une force pour le Manitoba. « Avec la COVID-19, on voit beaucoup d’enseignants partager des ressources, des conseils. La communication s’est davantage développée et améliorée. Il faut dire qu’au départ, on s’était préparés pour deux semaines. Avec l’allongement de la durée de fermeture des écoles, il fallait réfléchir à des stratégies stables pour les enseignants, les élèves et les parents. Nous voulions éviter trop de stress chez tous.
« En dehors du Manitoba, il y a des groupes sur Facebook où des enseignants se rassemblent à travers tout le Canada pour partager ce qui fonctionne chez eux, ce qui ne fonctionne pas. Il y a une vraie entraide. »
Au coeur de toute cette coopération, il y a un moteur, assure Lillian Klausen. « Les enseignants veulent pouvoir bien jouer leur rôle, mais ce rôle est fonction des ressources disponibles.
« La pandémie a mis en lumière les inégalités en termes d’accès à des ressources équivalentes en français et en anglais. Nos homologues anglophones ont des ressources bien plus importantes que nous. Pour notre part, nous avons des partenariats avec l’université de Saint-boniface, le BEF et la DREF (2) pour nous permettre d’obtenir du matériel pédagogique en français.
« La Province a certes donné accès à du matériel pédagogique, mais une partie limitée est disponible pour l’enseignement en français. Il faut parfois le traduire. C’est un désavantage pour l’éducation en français. Cependant, le BEF travaille déjà à palier ces difficultés. »
En plus du manque de ressources, Lillian Klausen souligne l’incertitude dans laquelle les éducateurs se trouvent présentement. « Un enseignant aime planifier. Là, il n’a encore aucune idée claire sur comment les choses vont s’organiser pour septembre. C’est stressant.
« Surtout que de nouvelles tâches pour les enseignants sont apparues. Pensons juste aux enfants dans un milieu anglophone. D’accord, les enseignants fournissent le travail en français. Mais si les parents ont besoin d’aide pour les devoirs, l’enseignant doit fournir des explications en anglais.
« Aussi, comme la DSFM l’a déjà évoqué, un travail plus important sera nécessaire en septembre pour les enfants qui n’ont pas pratiqué le français sur une assez longue période. D’ordinaire, c’est deux à trois mois. Là, ça pourrait être entre cinq à six mois. Rectifier le tir sera plus compliqué pour certains jeunes.
« Au moins, le gouvernement provincial comprend la situation et n’a pas les mêmes exigences en matière d’objectifs.
« Ce qui donne un peu plus de flexibilité pour les enseignants, les parents et les élèves. »
(1) Sur un total de 16 000 enseignants.
(2) Direction des ressources éducatives françaises.