Des réponses et encore bien des interrogations
Les vaccins approuvés sont-ils efficaces contre les nouveaux variants? Pourquoi continue-t-on à en produire d'autres? Voici des questions fréquemment posées au sujet des vaccins contre la COVID-19. Questions-réponses avec le Dr Jason Kindrachuk, professeur au Département de microbiologie médicale et des maladies infectieuses à l'université du Manitoba. Le vaccin Moderna à ARN a-til la même efficacité que celui à ARN de Pfizer-biontech?
On peut dire qu’ils ont la même efficacité. Quand on regarde les résultats des essais cliniques de phase trois, menés sur plusieurs dizaines de milliers de personnes pour chaque vaccin, Pfizer a une efficacité de 95 % sur les formes graves de COVID-19 après injection de deux doses. Et Moderna a une efficacité de 94,1 % après deux doses également.
Alors il n’y a pas un vaccin à ARN meilleur qu’un autre...
Ça dépend du critère appliqué. Par exemple, en termes de pourcentage d’efficacité sur la totalité des patients testés, on ne voit pour ainsi dire pas de différence dans les études.
Mais si on regardait suivant la population cible, on verrait certainement des différences. Et maintenant que les vaccins sont autorisés dans la population générale, on devrait en avoir une meilleure idée.
De même, si on regardait à la logistique, par exemple la facilité de stockage du vaccin suivant les pays, on verrait aussi des différences. Mon opinion est que le meilleur des vaccins est celui qui donne les meilleurs résultats quand on prend en compte l’ensemble des critères.
Et on parle de plus en plus des nouveaux variants de virus...
Même si le SARS-COV-2 mute moins que d’autres virus à ARN, beaucoup de variants apparaissent. Il faut savoir que plus le SARS-COV-2 reste en circulation dans la population, plus on verra apparaître de nouveaux variants du virus.
Cependant pour l’instant, peu font l’objet de préoccupations. Les plus inquiétants sont au nombre de trois : le variant anglais, le brésilien et le sudafricain. (1) Ils sont arrivés au Canada, mais seul le variant anglais circule au Manitoba pour le moment [en date du 10 février ].
On ne sait pas encore si tous les types de vaccins protègent contre ces nouveaux variants...
Les observations faites jusqu’à maintenant suggèrent que la majorité des vaccins approuvés permettent de garder une certaine protection contre ces trois variants.
Une étude publiée début février a montré cependant la non-efficacité du vaccin Astrazeneca, développé avec l’université d’oxford, contre le variant sud-africain.
Toutefois, l’étude présentait des limitations qui ne permettent pas réellement de conclure. (2, 3) Le vaccin Astrazeneca devrait arriver au Canada dans un futur proche.
Donc on ne sait pas vraiment encore...
C’est vrai. Mais les scientifiques sont tous optimistes sur l’efficacité des vaccins autorisés sur les nouveaux variants, parce qu’ils permettent de produire une protéine entière du SARSCOV-2, de la spicule du virus. Donc les anticorps produits par le corps sont capables de bloquer la protéine totale (S), et donc le virus. Ils ne reconnaissent pas seulement une toute petite partie du virus, qui pourrait muter avec le temps et ne plus être reconnue.
Quelle est la durée de protection des vaccins?
On apprend encore beaucoup à ce sujet-là, puisque la vaccination n’a été lancée que très récemment. Il ne sera possible de vérifier cette protection qu’après plusieurs mois. Ceux qui développent les vaccins sont cependant optimistes au vu des résultats préliminaires observés parmi les premiers vaccinés. (4)
Une fois vacciné, peut-on quand même être porteur du virus et transmettre la maladie?
Les essais cliniques ne regardent pas à la transmission du virus après la vaccination, seulement aux changements de la maladie. C’est-à-dire si on peut prévenir l’infection ou réduire la sévérité des symptômes grâce au vaccin. On n’a donc que peu de données sur la question de la transmission. C’est aussi pour ça qu’on préconise encore aux vaccinés de porter un masque.
Même si le SARS-COV-2 mute moins que d’autres virus à ARN, beaucoup de variants apparaissent. Il faut savoir que plus le SARS-COV-2 reste en circulation dans la population, plus on verra apparaître de nouveaux variants du virus. - Dr Jason Kindrachuk
En s’appuyant sur les données historiques des vaccins, on peut penser que le fait de réduire le nombre d’infections, ou la charge virale chez les infectés, va permettre de diminuer le taux de transmission de la COVID-19 dans la population.
Pour ça, il faut que les vaccins soient administrés selon un calendrier bien précis...
Les données suggèrent qu’il y a un certain délai à respecter entre l’administration des deux doses de vaccins, que l’on estime à entre quatre et six semaines. Dans les essais sur le vaccin Pfizer-biontech par exemple, 28 jours de délai est l’intervalle optimal.
Cependant, si on regarde à nouveau les données historiques sur les vaccins, on peut penser que même avec un prolongement du délai entre les deux doses, on aura toujours une bonne protection. Mais pour combien de temps, on ne sait pas. Ce dont on est certain, c’est qu’il faut absolument les deux doses pour que les vaccins soient neutralisants.
Une autre chose incertaine encore est si l’on peut faire un “mix vaccinal”, c’est-à-dire administrer la seconde dose avec un vaccin différent de celui utilisé pour la première injection.
Comment peut-on expliquer la rapidité de développement du vaccin contre la COVID-19?
Il ne faut pas le voir comme un développement bâclé, mais comme un développement accéléré. Les chercheurs ne sont pas partis de rien pour le développement des vaccins contre la COVID-19.
Pour la phase préclinique, beaucoup de scientifiques connaissaient déjà la famille
des coronavirus avant que la pandémie n’éclate, et les plateformes pour les étudier existaient déjà.
Ce qui fait que 10 à 15 jours après l’identification du virus, les scientifiques connaissaient déjà son génome (ADN) et ses différences par rapport aux autres coronavirus.
Ensuite, pour la phase clinique, les résultats étaient envoyés régulièrement aux autorités de santé publique, et non à la fin de l’étude clinique comme d’habitude. On a donc raccourci le temps d’étude, mais pas le nombre de résultats et de vérifications.
Et pour le développement des vaccins, les industries pharmaceutiques n’ont pas attendu de recevoir la licence pour commencer à produire des doses.
Ainsi, elles disposaient déjà d’un stock avant même que la vaccination ne soit permise.
Les scientifiques ne sont pas partis de rien non plus pour la technologie à ARN messager...
La recherche sur les vaccins à ARN est en route depuis longtemps. (5) On entend souvent parler de nouveauté, mais en réalité ce n’est pas nouveau. Ce qui change, c’est que cette fois, les vaccins ont obtenu une licence.
Il faut dire que les essais des vaccins à ARN pour traiter d’autres maladies (Zika, grippe, rage et cytomégalovirus) n’avaient pas donné de résultats franchement probants. Contre la COVID-19 en revanche, l’efficacité est très bonne.
J’entends aussi souvent des inquiétudes quant à savoir si le vaccin ARN peut modifier L’ADN. La réponse est non. L’ARN est vraiment différent de L’ADN et les deux acides nucléiques ne sont pas compatibles.
La forte efficacité des vaccins à ARN contre la COVID-19 n’empêche pas de poursuivre la production d’autres types de vaccins...
Beaucoup de nouveaux vaccins sont en développement contre la COVID-19. Là où je travaille actuellement, en collaboration avec l’université de Saskatchewan, un nouveau vaccin vient d’entrer en premier j jour d’essai clinique.
Ça peut sembler plus long, mais c’est parce que ce n’est pas facile de produire de nouveaux vaccins pour les laboratoires universitaires et académiques.
Il faut les financements et le temps. Les grandes industries pharmaceutiques sont avantagées de ce côté-là.
Quel est l’intérêt de continuer à sortir des vaccins alors que la majorité des gens seront vaccinés?
C’est important pour au moins deux raisons. La première est qu’on ne sait pas combien de temps l’immunité développée suite à la vaccination va durer.
Peut-être que les nouveaux vaccins pourront prolonger davantage l’immunité et mieux protéger de la transmission. On ne sait pas. De même que l’on ne sait pas encore si l’on devra se faire vacciner tous les ans.
La deuxième raison est que la COVID-19 affecte tout le globe, y compris les pays à faibles revenus qui ne sont pas forcément bien équipés pour stocker des vaccins à des températures extrêmement basses.
Le vaccin Astrazeneca, qui peut être stocké au réfrigérateur, est un bon exemple de ce qui pourrait être utilisé dans ce cas.
Pas d’effets secondaires sérieux ne sont à déplorer pour tous ces nouveaux vaccins...
Quel que soit le vaccin, on pourra toujours observer de potentiel effets secondaires, comme de la fièvre, de la fatigue, des douleurs articulaires, de la nausée, une baisse d’énergie. C’est commun parce que le système immunitaire s’active en réponse à la vaccination.
C’est ce qu’on a observé aussi avec les vaccins contre la COVID-19. Tous ces symptômes sont bien moins pires qu’une
COVID-19 sévère! Certaines complications sévères ont été identifiées. Toutefois, un lien n’a pas pu être établi avec la vaccination.
Toutes ces informations sont rapportées aux autorités de santé et remontées ensuite aux fabricants, ainsi qu’à Santé Canada, pour garder un rapport des effets à long terme des nouveaux vaccins.
Les plus grands risques concernent les personnes qui développent de graves allergies à la vaccination. Pour l’éviter, les patients sont priés de rester 30 minutes dans la salle d’attente après l’injection.
Pourra-t-on choisir le vaccin qui nous sera administré?
L’espoir est que l’on pourra choisir. Mais vu les limitations que l’on observe déjà dans la production des doses de vaccins, je ne pense pas qu’il y aura beaucoup de choix.
Au Canada, savoir comment envoyer des doses de vaccin au Nord et au rural est déjà un problème. Alors pouvoir choisir son type de vaccin risque d’être compliqué.