Un achat manitobain qui pose question
En date du 11 février, le gouvernement provincial annonçait l’achat de deux millions de doses d’un vaccin à ARN 100 % canadien, développé par la compagnie Providence Therapeutics basée à Calgary et Toronto. Un accord qui divise les spécialistes. Réaction du Dr Philippe Lagacé-wiens, spécialiste en microbiologie médicale, diagnostic et développement des maladies infectieuses.
« C’est toujours une bonne idée de s’assurer qu’on aura à notre disposition une bonne dose de vaccins, et c’est effectivement à la Province qu’incombe cette responsabilité. Mais je redoute que cette décision soit plus d’ordre politique que médical.
« Politique, parce que c’est presque sûr que la compagnie ne va pas pouvoir sortir le vaccin avant 12 à 16 mois. Ils en sont encore au début des essais cliniques, lancés en janvier, or il y a trois phases dans les essais cliniques avant de valider un vaccin pour la mise sur le marché. Pour moi, cette décision tient donc plus de l’apparence que de la réalité. »
Le président directeurgénéral de Providence Therapeutics, Brad Sorenson, envisage en effet la commercialisation du vaccin en janvier 2022, « si tout se passe comme prévu ». La compagnie espère accumuler assez de données d’ici le mois d’avril 2021 pour passer à la seconde phase des essais cliniques.
Philippe Lagacé-wiens émet également des doutes quant au recrutement de volontaires à ce stade. « En phase trois des essais cliniques, il faut pouvoir enrôler des dizaines de milliers de volontaires.
« Or ce qu’on observe est un déclin du nombre de cas de COVID-19. Il sera donc de plus en plus difficile de trouver des participants pour les études et il faudra, par conséquent, plus de temps pour obtenir des résultats. »
En effet, l’évolution du nombre de cas de COVID-19 devrait continuer dans ce sens, comme l’explique le spécialiste en microbiologie médicale : « On continue d’annoncer qu’il y aura suffisamment de doses des vaccins PfizerBiontech et Moderna d’ici la fin 2021, pour tous ceux qui souhaitent se faire vacciner. On estime à 70 % le nombre de personnes qui seront vaccinés contre la COVID-19 à ce point-là. »
Les essais cliniques n’étant par ailleurs pas complétés, Santé Canada n’a pas encore approuvé le nouveau vaccin canadien à ARN. Philippe LagacéWiens précise toutefois que « c’est assez commun d’acheter un vaccin avant qu’il ne soit approuvé. C’était la même chose pour le vaccin Pfizer-biontech, dont les doses étaient produites et réservées avant approbation.
« Cependant, je dirais que si le gouvernement a fait un dépôt d’argent non remboursable, alors l’idée est moins attrayante. Pour moi, ce n’était pas nécessaire puisque nous avons déjà des vaccins efficaces en circulation. »