La Liberté

Bonnes intentions, louanges et réels espoirs

- CAMILLE HARPER charper@la-liberte.mb.ca

Le document de réforme présentant les intentions du gouverneme­nt fédéral en matière de modernisat­ion de la Loi sur les langues officielle­s réjouit à l’unisson les groupes minoritair­es francophon­es partout au Canada. Mais le travail est loin d’être terminé.

Le document Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielle­s au Canada, présenté le 19 février par la ministre des Langues officielle­s Mélanie Joly, est vu comme une étape majeure dans le cheminemen­t vers la modernisat­ion de la Loi sur les langues officielle­s promise par le gouverneme­nt Trudeau en juin 2018. (1)

Christian Monnin, président de la Société de la francophon­ie manitobain­e, l’affirme : « C’est une liste remarquabl­e de points positifs. Les gains qui y sont présentés sont énormes pour les francophon­es. C’est un véritable tour de force. »

Parmi les gains majeurs, il mentionne notamment la volonté du gouverneme­nt de rendre obligatoir­e pour le

Fédéral, en collaborat­ion avec les Provinces et Territoire­s, l’adoption d’une politique en matière d’immigratio­n francophon­e qui tient compte des besoins des communauté­s de langue officielle en situation minoritair­e (CLOSM) ; ou encore l’enchâsseme­nt du Programme de contestati­on judiciaire dans la Loi.

Jean Johnson, président de la Fédération des communauté­s francophon­es et acadienne du Canada (FCFA), est du même avis :

« Ce document de réforme sur les langues officielle­s nous donne beaucoup d’espoir. Il répond à nos demandes. C’est vraiment un moment de célébratio­n, un moment charnière dans l’histoire de notre pays. »

Il souligne en particulie­r la volonté du gouverneme­nt d’inscrire dans la Loi l’importance d’un continuum en éducation disponible dans les deux langues officielle­s, de la petite enfance au postsecond­aire, ainsi que l’obligation d’adopter une politique en matière d’immigratio­n francophon­e.

« Ça va changer nos conversati­ons avec le ministère de l’immigratio­n. Ce sera un travail de moins à faire pour convaincre que l’immigratio­n francophon­e est un atout. »

| Assurer la pérennité

Rémi Léger, professeur de science politique à l’université Simon Fraser, précise que « la politique d’immigratio­n francophon­e n’est pas une nouveauté, tout comme plusieurs autres mesures présentées dans ce document, mais les consigner dans la Loi permettra d’assurer leur pérennité en cas de changement de gouverneme­nt. C’est très positif ».

La FCFA, dont la SFM est membre, avait déposé ses recommanda­tions au gouverneme­nt en vue d’une modernisat­ion de la Loi sur les langues officielle­s. Christian Monnin estime que « nos demandes se retrouvent à 82 % dans le document. Ce n’est pas 100 %, mais on est très contents ».

Il souligne même « de belles surprises, comme par exemple la volonté du gouverneme­nt d’inscrire dans la Loi que les juges à la Cour suprême doivent être bilingues. On ne s’y attendait pas ».

En revanche, la demande de la FCFA de créer un tribunal administra­tif des Langues officielle­s n’a pas été retenue. « À la place, le gouverneme­nt propose d’augmenter les pouvoirs du Commissair­e aux langues officielle­s. Il faudra voir ce que ça veut dire concrèteme­nt, et quel sera l’impact réel quand nos droits linguistiq­ues ne seront pas respectés. »

Si les organismes sont unanimes à célébrer, Jean Johnson rappelle toutefois qu’ils n’oublient pas qu’il ne s’agit-là que d’une expression d’intentions. « On va maintenant devoir veiller à ce que ces intentions se retrouvent bien dans la Loi, en approchant les partis d’opposition pour s’assurer qu’ils appuient nos CLOSM et qu’on travaille tous ensemble sur cette Loi ».

Si rien n’est acquis, les membres de la FCFA restent confiants. Christian Monnin remarque : « Ce qui est positif, c’est qu’avant l’élection fédérale de 2019, tous les partis politiques s’étaient mis d’accord qu’il était nécessaire de moderniser la Loi sur les langues officielle­s. On peut donc s’attendre à de la bonne volonté de la part de tout le monde. »

Rémi Léger conseille lui aussi de ne pas baisser sa garde, malgré un document « plein de bonne volonté, sincère, et qui présente de très bonnes propositio­ns. Il va certaineme­nt y avoir des débats au Parlement sur les détails, et le diable est dans les détails! »

L’universita­ire rappelle par ailleurs qu’il y a toujours eu « un vrai débat au sein même du caucus libéral au sujet de ce qu’il fallait faire au niveau des langues officielle­s. Et ces camps ne sont toujours pas réconcilié­s autour d’une vision commune.

« D’ailleurs, ça se voit dans le document de la ministre Joly. Beaucoup d’idées qui y sont lancées sont contradict­oires, comme par exemple protéger les anglophone­s au Québec ou protéger le français au Québec. Je m’attends donc à des tensions, des embûches.

« Ce document, ce n’est pas l’aboutissem­ent d’un processus, c’est plutôt le début. On entre dans une nouvelle phase de la discussion. »

La FCFA et ses membres espèrent une promulgati­on de la nouvelle Loi sur les langues officielle­s d’ici le printemps 2021, avant un possible déclenchem­ent d’élections fédérales.

(1) Pour télécharge­r le document de réforme : https://www.canada.ca/ fr/patrimoine-canadien/organisati­on/ publicatio­ns/publicatio­ns-generales/ egalite-langues-officielle­s.html

 ?? photo : Archives La Liberté ?? Christian Monnin.
photo : Archives La Liberté Christian Monnin.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada