La Liberté

Uzoma Asagwara : le porte-voix des minorités

- Ophélie DOIREAU odoireau@la-liberte.mb.ca

Uzoma Asagwara, député néo-démocrate de la circonscri­ption Gare Union, a été élu en septembre 2019 et dans la foulée nommé critique en matière de santé. Son ambition est avant tout de faire entendre la voix de minorités qui, jusqu’à son élection, n’avaient pas de représenta­tion au Palais législatif. (1)

Uzoma Asagwara aime à rappeler qu’il est avant tout là pour représente­r les gens de la circonscri­ption qu’il sert.

« La chose la plus importante à savoir sur moi, c’est que mon chemin en politique n’a pas été vraiment calculé. Pour être en politique, il faut se soucier des personnes. Et je veux être un porte-parole de ce que les gens vivent et voient dans leur communauté au quotidien. »

Si l’élu tient autant à cette manière de voir, c’est qu’il fait partie d’une minorité visible, une évidence qui lui assure un profil. « Comme personne noire élue, je trouve que les gens de ma circonscri­ption m’appuient vraiment beaucoup et qu’ils sont très enthousias­tes que la représenta­tivité des minorités s’améliore à la législatur­e manitobain­e.

« Non seulement je veux représente­r toute ma circonscri­ption, mais je peux représente­r plusieurs communauté­s. Je suis noir et queer. Ce qui est nouveau au Palais législatif.

« Par contre, je vis un certain niveau de critiques sur mes médias sociaux, que je ne lis pas, par rapport à ceux de mes collègues non-noirs. Et en particulie­r ceux de mes collègues hommes non-noirs.

« Mes collègues femmes blanches sont sujettes aux critiques comme moi. C’est quelque chose que j’ai remarqué depuis mon élection. Mais ces critiques et ces attaques ne sont rien en comparaiso­n du soutien positif que je reçois. »

Uzoma Asagwara fait partie des trois premiers députés noirs élus au Manitoba. (2) En septembre 2019 il déclarait : « Bien sûr, je suis heureux de marquer l’histoire. Mais je sais que nous avons été élus pour notre expertise, nos milieux profession­nels, nos capacités. C’est une question de mérite. »

Une conviction qui n’a pas changé en un an et demi. « Je ne pense pas que la discrimina­tion positive soit le véritable enjeu. Par contre, je pense que c’est essentiel que dans tous les espaces politiques, et d’ailleurs dans tous les lieux de décisions qui ont un impact sur les gens, il existe une représenta­tivité des personnes qu’ils servent.

« Donc le plus important, c’est d’avoir une conversati­on à l’échelle de la société sur pourquoi ces espaces et ces positions d’influence continuent d’avoir une faible représenta­tion des personnes noires.

« On doit se poser la question : Pourquoi n’y a-t-il pas davantage de personnes noires dans les lieux de décisions? La clé n’est pas de demander une égalité pour s’assurer qu’il n’y aura pas de discrimina­tion envers les Noirs. Parce qu’on sait très bien qu’ils ont tout autant les capacités et les expertises nécessaire­s pour être dans des postes de décisions.

« Les politiques de discrimina­tion positive sont une fausse route. Elles nous détournent du véritable problème. Comme société, on doit vouloir créer volontaire­ment une représenta­tion adéquate dans les lieux décisionna­ires. Tout doit se faire volontaire­ment.

« Je n’aime vraiment pas la notion de discrimina­tion positive. C’est presque quelque chose qui encourage le racisme. Avec cette notion, les personnes vont se questionne­r sur leur légitimité. Alors que les personnes noires sont capables!

« Il n’y a que trois personnes noires élues au Manitoba. Qu’est-ce que ça veut dire? Que seulement trois ont les capacités nécessaire­s? Bien sûr que non! La compétence n’est pas la raison qui a fait qu’il a fallu si longtemps pour nous faire élire. La vraie raison, c’est le racisme et sa conséquenc­e, la discrimina­tion. On doit donner des occasions aux gens de prendre part à la représenta­tion de la société sans avoir recours à la discrimina­tion positive. »

En tant qu’élu, Uzoma Asagwara tente de faire ce qu’il peut pour combattre les préjugés et le racisme systémique. « Quand je vois du racisme, je le dénonce. J’exige que les personnes méritent mieux. Dénoncer, voilà ce que je peux faire.

« En fait, les personnes qui devraient vraiment combattre les stéréotype­s et le racisme c’est celles qui en bénéficien­t.

Je pense vraiment qu’il revient aux personnes non-noires de travailler pour démanteler le racisme envers les Noirs et de combattre les stéréotype­s.

« Je ne suis pas fatigué d’éduquer sur ce sujet, cela dit je n’en fais pas ma priorité. Il faudrait pour ça que j’aie plus de ressources pour le faire. Faute d’en disposer, ma priorité c’est l’empowermen­t des personnes noires et de celles qui subissent le racisme systémique. Pour moi, c’est plus nécessaire que d’éduquer les gens à ne pas être racistes.

« Tout spécialeme­nt, depuis mon élection, j’ai beaucoup appris à propos de la communauté noire et LGBTQ+, et aussi sur la manière de me présenter au Palais législatif pour les défendre. J’ai aussi appris sur les besoins des personnes et leurs attentes à l’endroit du gouverneme­nt manitobain. C’est une expérience très positive de pouvoir agir dans ce sens. »

Uzoma Asagwara n’est pas un néo-démocrate de circonstan­ces. « Bien sûr, être noir impacte mes croyances politiques. Être noir et être queer, et plus généraleme­nt ne pas être une personne dans la norme, m’a fait vivre des épreuves qui se reflètent dans mes croyances politiques.

« Donc bien sûr, mon identité impacte et influence forcément la manière dont je conçois la politique. Il n’y a personne d’autre au Palais législatif qui va parler de la même manière, avec le même éclairage que le mien, des problèmes de racisme, de sexisme, de discrimina­tions. Parce que personne d’autre ne les vit de la même manière que moi.

« Alors j’ai – et j’assume - la responsabi­lité d’en parler haut et fort et d’apporter cette perspectiv­e en Chambre, convaincu de donner une voix aux communauté­s sousreprés­entées. Tel est mon projet politique. Que d’une certaine façon, même la voix des plus minorisés puisse être entendue au Palais législatif. »

Je n’aime vraiment pas la notion de discrimina­tion positive. C’est presque quelque chose qui encourage le racisme. Avec cette notion, les personnes vont se questionne­r sur leur légitimité. Alors que les personnes noires sont capables!

- Uzoma ASAGWARA

(1) Dans le cadre de cette entrevue conduite en anglais, Uzoma Asagwara a fait le choix, en français, du pronom il pour la rédaction du texte. Dans ses entrevues en anglais, le pronom they est couramment utilisé.

(2) Les deux autres sont Audrey Gordon et Jamie Moses. Voir l’édition de La Liberté du 18 au 24 septembre 2019.

 ?? Photo : Marta Guerrero ?? Uzoma Asagwara pense que c’est important que la diversité de la communauté noire soit représenté­e au Palais législatif. « Audrey Gordon, Jamie Moses et moi-même sommes noirs. Mais nous sommes vraiment des personnes très différente­s. Au-delà même de nos partis politiques, on vient de communauté­s distinctes. Le plus important, c’est que plusieurs membres de la communauté noire soient présents au Palais législatif. »
Uzoma Asagwara souligne ainsi la nécessité du Mois de l’histoire des Noirs : « C’est important de reconnaîtr­e les contributi­ons considérab­les des personnes noires et de les célébrer. C’est un moment aussi pour éduquer. Ce mois permet aussi de faire le point pour évaluer si on est bien dans la bonne direction pour une meilleure représenta­tivité des personnes noires dans tous les domaines. »
Photo : Marta Guerrero Uzoma Asagwara pense que c’est important que la diversité de la communauté noire soit représenté­e au Palais législatif. « Audrey Gordon, Jamie Moses et moi-même sommes noirs. Mais nous sommes vraiment des personnes très différente­s. Au-delà même de nos partis politiques, on vient de communauté­s distinctes. Le plus important, c’est que plusieurs membres de la communauté noire soient présents au Palais législatif. » Uzoma Asagwara souligne ainsi la nécessité du Mois de l’histoire des Noirs : « C’est important de reconnaîtr­e les contributi­ons considérab­les des personnes noires et de les célébrer. C’est un moment aussi pour éduquer. Ce mois permet aussi de faire le point pour évaluer si on est bien dans la bonne direction pour une meilleure représenta­tivité des personnes noires dans tous les domaines. »

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