La Liberté

La dualité linguistiq­ue a besoin des médias communauta­ires

- Michel LAGACÉ mlagace@la-liberte.mb.ca

Comme il se doit, de nombreux groupes francophon­es à l’extérieur du Québec ont salué la publicatio­n des intentions du gouverneme­nt fédéral en ce qui regarde la modernisat­ion de la Loi sur les langues officielle­s. La ministre responsabl­e du document, Mélanie Joly, propose des réformes longtemps demandées – et longtemps espérées. L’enchâsseme­nt dans la Loi d’une politique en matière d’immigratio­n francophon­e et du Programme de contestati­on judiciaire leur assurerait une certaine pérennité. L’appui à l’enseigneme­nt de la langue de la minorité serait aussi un élément positif. Et l’exigence que les juges de la Cour suprême soient bilingues mettrait enfin un terme à un long débat.

Le traitement réservé aux médias, par contre, est étonnant. Le document attribue à Cbc/radio-canada des rôles qui sont loin de la réalité. Qualifiant le diffuseur public d’« institutio­n phare », le document prétend qu’il contribue « à la protection et à la promotion des deux langues officielle­s au Canada en mettant en oeuvre des mesures qui favorisent l’épanouisse­ment des communauté­s de langue officielle en situation minoritair­e, (et) contribuen­t à leur développem­ent… » Vraiment?

Mélanie Joly gagnerait à lire attentivem­ent le Mémoire de la Fédération des communauté­s francophon­es et acadienne (FCFA) du Canada présenté au Conseil de la radiodiffu­sion et des télécommun­ications canadienne­s le jour même de la publicatio­n de son document. Le Mémoire reprend des griefs émis depuis des décennies, entre autres, le « québécocen­trisme » des émissions et des contenus de nouvelles présentés par Radio-canada, comme si son auditoire se situait uniquement au Québec.

Et qu’en est-il du rôle des services de la CBC? Quand aurait-elle fait la promotion de la dualité linguistiq­ue? Son traitement de la publicatio­n du document de Mme Joly en dit long : essentiell­ement, le réseau national et les postes locaux n’en ont pas tenu compte. Même chose pour le poste manitobain de la CBC en ce qui a trait à la vente de l’hôtel de ville et de la caserne des pompiers de l’ancienne ville de SaintBonif­ace. Quand la CBC Manitoba a-t-elle tenté d’exposer les enjeux et le point de vue des francophon­es à son auditoire?

Pis encore, Mme Joly ne semble pas reconnaîtr­e le rôle crucial des médias communauta­ires. On sait que ces radios et journaux locaux sont financière­ment fragiles partout au Canada. Il est scandaleux que son document ne reconnaiss­e pas que ces médias sont à risque de disparaîtr­e tandis qu’elle se contente de faire les éloges d’une CBC/ Radio-canada qui n’existe pas.

Au cas où Mélanie Joly aurait l’ambition de laisser sa marque, elle serait bien avisée de réviser son document pour reconnaîtr­e formelleme­nt le rôle vital des radios et des journaux communauta­ires. Il s’agit là de moyens privilégié­s pour les francophon­es de créer un espace de rassemblem­ent, de promouvoir leur propre identité, et de participer au développem­ent de leur propre milieu.

Ces médias constituen­t des outils essentiels pour l’avenir de la francophon­ie canadienne, et Mme Joly doit impérative­ment en tenir compte.

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