La Liberté

Deux génération­s pour une même déception

- Laëtitia KERMARREC lkermarrec@la-liberte.mb.ca

La relative absence de français au Festival du Voyageur touche l’éventail des génération­s. En témoignent Henri Marcoux, Vieux Loup du Festival, et Alex Comeault, étudiant franco-manitobain et fier Métis.

P our Henri Marcoux, président du Festival du Voyageur entre 1978 et 1979, le manque de français au Festival du Voyageur 2021 était profondéme­nt dérangeant. « C’est triste, c’est même pénible. Je ne vois pas comment la place du français a pu échapper à ce point-là au conseil d’administra­tion du Festival.

« Quand le Festival est né sous l’impulsion de la Chambre de commerce de Saint-boniface pour marquer le centenaire de la province en 1970, il y avait beaucoup d’anglophone­s impliqués. (1) Le Festival s’appelait même Festival du/ of Voyageur à l’époque. »

Toutefois, dès 1971, le « of »a disparu.

Dans les souvenirs d’henri Marcoux, « autour de 1974 ou 1975, le président Michel Monnin et moi-même comme vice-président, nous avons proposé que le français prenne sa juste place au Festival. Les quelques anglophone­s sur le conseil n’étaient pas très réceptifs, mais ça a fini par passer.

« À partir de ce temps-là, le français a occupé une place prépondéra­nte. Maintenant, ce n’est surtout pas le moment de se laisser aller. Certains disent que ce n’est pas grave. Mais le français est primordial. On doit le protéger, sinon on va le perdre. Il faut faire l’effort. Et puis les anglophone­s viennent aussi au Festival pour entendre du français. »

| La gaffe du FDV

Henri Marcoux appuie sa position sur son histoire personnell­e.

« Je suis né en 1934. À l’école, on devait cacher les livres en français. On reste touché par ces expérience­s. Il était très important pour moi que mes enfants et mes petits-enfants apprennent le français. Alors quand un organisme comme le Festival du Voyageur nous fait une gaffe comme celle-ci, et prend des aises et hésite à défendre le français, je trouve ça gênant. »

Le Saint-bonifacien étudiant à l’université du Manitoba, Alex Comeault, est sur la même longueur d’onde culturelle.

« Je suis définitive­ment quelqu’un qui n’a pas été très impression­né par la programmat­ion cette année. Le Festival a notamment démarré avec une soirée entièremen­t en anglais.

« Quand on a contacté le Festival du Voyageur, l’explicatio­n était que 65 % du public du Festival était anglophone, d’après un sondage qu’ils avaient effectué. Et on nous a aussi dit que 50 % de la programmat­ion était en français.

« Mais de ce que j’ai vu, c’est que le français était plus utilisé dans la journée et que le soir, il disparaiss­ait.

« On dirait que les moments les plus importants se passaient en anglais. Et ça, ça me dépasse.

« Moi, je pense que ça devrait être plus un mélange de français et d’anglais, que le Festival soit bilingue, et non que la moitié se déroule en français et l’autre en anglais. Par exemple, avec des maîtres de cérémonie qui font des introducti­ons en français.

« Ce qu’on voit aussi de plus en plus, ce sont des artistes qui viennent de Montréal et qui chantent en anglais. Pourquoi ne pas en faire venir qui chantent en français? Pour la famille officielle aussi, ils les ont enregistré­s dans les deux langues, alors pourquoi ne pas mettre les deux enregistre­ments à chaque fois? »

| Des jeunes sont d’accord

D’autant que pour Alex Comeault, le Festival du Voyageur est un moyen de faire connaître sa culture.

« J’avais suggéré à un de mes amis de regarder le Festival pour cette raison. Et finalement, c’était en anglais. J’étais gêné. Certains participen­t à la fête pour apprécier la culture. Donc c’est important qu’ils puissent la ressentir.

« La plateforme virtuelle a dû jouer un peu sur le choix des langues, mais quand même. Ça montre à quel point le Festival s’est anglicisé. C’était vraiment évident cette année.

« Dans ma famille, on s’identifie de moins en moins au Festival du Voyageur pour cette raison. Pourtant, on y va depuis que j’ai un an, et mes parents ont souvent été bénévoles.

« D’ailleurs, bien du monde semble assez d’accord avec nous. Même les jeunes, alors qu’on dit souvent qu’on parle de plus en plus en anglais. Des hauts placés dans divers organismes ont aussi commenté mes posts sur Facebook pour dire qu’ils étaient d’accord.

« On sait que la Ville de Winnipeg ne cherche pas toujours à défendre l’identité francophon­e.

« Mais le Festival devrait le faire. Surtout si cette défense de la culture francophon­e fait partie de la vision de l’organisati­on. »

(1) Plusieurs citoyens, dont Georges Forest, avaient pris les devants du projet du Festival en 1967. Le maire de Winnipeg, Edward Turner, avait cependant suggéré d’attendre l’année du centenaire (1970) pour profiter des subvention­s.

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Henri Marcoux.
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Photos : Marta Guerrero Alex Comeault.

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