Les inquiétudes pratiques de Murielle Bugera
Le gouvernement manitobain a décidé de fermer 21 des 38 bureaux agricoles à partir du 1er avril 2021. Pour Murielle Bugera de Saint-pierre-Jolys, la date de l’entrée en vigueur de la réforme démontre une méconnaissance de la réalité du terrain.
«Les changements, c’est bien quand tout va bien. Mais quand il y a un problème, là c’est une autre histoire. » Par cette simple formule, Murielle Bugera résume son état d’esprit face à la fermeture annoncée des bureaux agricoles. (1)
Murielle Bugera possède deux fermes centenaires, dont l’une est dirigée par son fils Ivan Bugera.
« Je ne suis pas contente de cette décision. Dès que je l’ai apprise, début janvier, j’ai écrit à Raymond Maynard, le maire de Saint-pierre-Jolys, à Justin Johnson de l’association des municipalités bilingues du Manitoba, et à M. Blaine Pedersen, le ministre de l’agriculture et du Développement des ressources.
« Ce qui se passe avec les bureaux agricoles, c’est un peu ce qui se passe avec le système de santé provincial.
« On décide que tout va bien, alors on coupe. Et puis la pandémie arrive et on est dépassé!
« Baser un nouveau système sur le fait que tout va bien est vraiment une très mauvaise idée. Et revenir en arrière sera compliqué.
« Il n’y a eu aucune discussion avec les agriculteurs pour comprendre leurs défis et leur quotidien.
« D’ailleurs, le simple fait que le nouveau système doit débuter en avril est une preuve qu’ils ne savent pas à quel point le monde agricole est occupé à cette période-là. »
Murielle Bugera estime parler en connaissance de cause, puisqu’elle a travaillé pendant 20 ans au bureau agricole de Saint-pierre-jolys.
« Il y a déjà eu pas mal de changements ces dernières années. On fait de plus en plus de démarches en ligne.
« Mais comme je l’ai déjà dit, ce qui m’inquiète, c’est quand on se trouve face à un problème. On a toujours moins de patience. Alors avoir quelqu’un qui nous connaît et qui connaît notre dossier, c’est mieux.
« Et puis pour obtenir des services en ligne, il faut être bien dans la norme et ne pas faire quelque chose qui sort de l’ordinaire.
« Avec la réorganisation, si les agriculteurs de Saint-pierre-Jolys ont besoin de quelque chose en personne, ils devront se rendre à Steinbach.
« D’accord, ce n’est qu’à 30 minutes de route. Mais quand on va au bureau agricole, ce n’est pas forcément pour une bonne raison. Alors perdre une heure aller-retour, ce n’est pas vraiment idéal. »
| Services en français
Toujours dans son argumentaire contre la fermeture, Murielle Bugera invoque le besoin de services en français.
« Moi je demande toujours les services en français. Il y a seulement deux bureaux qui en offrent. Il y a d’autres agriculteurs qui sont habitués à s’exprimer en français. Alors est-ce que dans les services en ligne on en aura? »
La langue pourrait donc devenir un stress supplémentaire lorsque les agriculteurs solliciteront les services des bureaux agricoles pour des soucis bien terre à terre.
« À certains moments de l’année, les agriculteurs ont besoin de se concentrer et de ne pas se soucier de certaines choses.
« Par exemple, si cette année on n’a pas plus de neige ou de pluie, ça pourrait vite devenir préoccupant, parce que ça va être sec. Et le nouveau système est censé commencer en avril, au moment où on aurait le plus besoin de lui…
« Avec un bureau agricole et des gens qui nous connaissent, on n’est pas seulement un numéro qui doit rentrer des informations en ligne pour compléter un dossier. On est des personnes qui font face à des défis dans leur quotidien.
« Devoir régler les affaires en ligne est un changement vraiment radical. Je pense que les choses auraient dû se faire petit à petit.
« C’est vrai aussi qu’on sera peut-être surpris et que le système va peut-être dépasser nos attentes.
« Mais quand je vois que je suis déjà en attente depuis trois mois pour une demande de programme faite en ligne, je me permets d’avoir des doutes. »
(1) Voir l’édition de La Liberté du 3 au 9 février 2021.