La Liberté

Une vraie réforme scolaire doit reposer sur les éducateurs

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Madame la rédactrice,

«Réforme», «progrès», «régression», «évolution», «échec», «standardis­é». Voilà des mots que nous entendons et que nous lisons quotidienn­ement dans les journaux, les nouvelles télévisées et que nous utilisons dans nos conversati­ons avec nos amis et notre famille. Mais connaisson­s-nous vraiment leur significat­ion ou leur pouvoir?

Les circonstan­ces et le contexte, les valeurs personnell­es ou politiques seront toujours des facteurs qui influencer­ont notre interpréta­tion de ces mots. Qu'est-ce qu'ils signifient vraiment lorsque nous les utilisons dans un contexte éducatif? Que voulonsnou­s dire lorsque nous disons «progrès» ou «échec»? Le gouverneme­nt du Manitoba critique notre système d'éducation public et a décidé qu'il n’est pas à la hauteur pour nos enfants.

Ces allégation­s ont été fondées sur quelques tests internatio­naux standardis­és et sur l'opinion de quelques penseurs libertaire­s américains. Pour ces politicien­s et soi-disant penseurs, la réussite scolaire signifie que les élèves suivent leurs cours, atteignent les objectifs d'apprentiss­age énoncés dans le programme d'études, passent des tests normalisés et deviennent de bons employés aptes à assurer la réussite économique de la province. Cette façon coloniale de traiter des enfants comme des produits commercial­isables va créer un système où les écoles seront des usines fournissan­t simplement des travailleu­rs.

Toutefois, si avant de déposer son projet de loi 64, le gouverneme­nt avait véritablem­ent consulté les enseignant­s, les parents et les élèves, il aurait compris que les élèves sont et devraient être plus que des marchandis­es avec des signes de piasses (pardonnezm­oi l’expression populaire) imprimés sur leur front. La réforme du système d’éducation proposée par le gouverneme­nt Pallister repose sur des pensées et stratégies régressive­s, désuètes, anti-démocratiq­ues, et j’en passe.

Les élèves de notre système scolaire public sont depuis longtemps victimes de valeurs prônées par le colonialis­me, comme les inégalités politiques, sociales et économique­s; comme la croissance économique à tout prix; comme la marginalis­ation des citoyens noirs et autochtone­s; comme les structures hautement hiérarchiq­ues et patriarcal­es. Depuis des années heureuseme­nt, les enseignant­s ont mené une bataille très diligente contre les effets néfastes d'un système scolaire modelé sur ces fondations coloniales. Pour vraiment améliorer notre système d'éducation public, il est essentiel que le gouverneme­nt actuel recadre sa réforme et laisse aux enseignant­s la charge de la réforme.

De plus, le gouverneme­nt devrait faire sa part en se concentran­t sur les nombreux obstacles à l'apprentiss­age. À lui de trouver des moyens d'appuyer les enseignant­s dans leurs tâches quotidienn­es. Par exemple, aider un enseignant à amener de 20 à 30 enfants qui ont des expérience­s, des cultures, des valeurs et des capacités intellectu­elles différente­s à apprendre ensemble de façon cohérente. Ou encore aider un enseignant à surmonter les obstacles socioécono­miques pour s'assurer que tous les élèves sont en sécurité, en santé et prêts à apprendre.

La raison pour laquelle le gouverneme­nt, dit progressis­te-conservate­ur, n'a pas tenu compte de ces questions importante­s ou n'y a pas répondu dans ses propositio­ns de réforme, c'est tout bonnement qu'il ne veut pas entendre les réponses.

Pour vraiment améliorer le système d'éducation, nous devons premièreme­nt nous concentrer sur des valeurs progressis­tes qui placeront les besoins des enfants à l'avant-plan. Ces valeurs étaient à la base de l'éducation autochtone avant la colonisati­on. Deuxièmeme­nt, nous devons nous concentrer sur des stratégies pédagogiqu­es qui suscitent davantage la réflexion et mettent l'accent sur la pensée critique, afin que nous puissions devenir une société plus bienveilla­nte et équitable. L'éducation est un bien public, un investisse­ment qui devrait servir à façonner une meilleure société, et non à reproduire ce qui était. Pour effectuer des changement­s réels et durables, nous devons vraiment consulter les enseignant­s et enseignant­es, parce qu’ils et elles oeuvrent jour après jour en première ligne. Nous devons décolonise­r ce système afin que tous les enfants puissent apprendre de façon sûre, bienveilla­nte et durable.

Joël Tétrault, le 9 avril 2021.

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