La Liberté

L'éradicatio­n de la COVID-19 est utopique

- LAËTITIA KERMARREC lkermarrec@la-liberte.mb.ca

Les premiers vaccins et tests de détection développés contre la COVID-19 gardent une certaine efficacité contre les nouveaux variants. Cependant, plus le virus va rester en circulatio­n, plus cette efficacité risque de diminuer. En sachant que sous une forme ou une autre, le virus est là pour rester.

C oncernant les vaccins, le spécialist­e en microbiolo­gie médicale Philippe Lagacé-wiens explique que « les premiers vaccins ont été conçus avec les premières souches du virus SARS-COV-2. Sauf qu’un virus évolue et des variants dominants font leur apparition. (1) On s’attend donc à ce que les vaccins perdent de leur efficacité, quels qu’ils soient.

« À ce jour, les vaccins à ARN semblent mieux conserver leur efficacité que les vaccins à vecteurs viraux. (2) Est-ce que ça veut dire que la vaccinatio­n sera aussi efficace qu’avec les souches originelle­s? Non. Mais on garde une certaine protection quand même.

« Contre le variant sudafricai­n, le vaccin Astrazenec­a a montré une efficacité entre 20 et 25 %, alors que celle du vaccin de Pfizer-biontech serait proche de 100 %. On ne sait pas encore exactement pourquoi les vaccins à ARN sont plus efficaces. On pense que ça pourrait être lié à la configurat­ion tridimensi­onnelle de la protéine synthétisé­e lors de la vaccinatio­n pour déclencher l’immunité. » (3)

Pour le spécialist­e en maladies infectieus­es, ces premiers résultats sur l’efficacité des vaccins contre les nouveaux variants restent rassurants. L’objectif étant d’éviter les formes sévères de COVID-19, celles qui engorgent les services de soins intensifs des hôpitaux.

Le docteur Lagacé-wiens souligne que les chercheurs ne sont qu’au début des études de comparaiso­n d’efficacité des vaccins pour les différents variants, puisque les plans de vaccinatio­n ont été mis en place très récemment.

« Pour vraiment conclure à des différence­s d’efficacité, il faudrait pouvoir comparer en temps réel et non sur différente­s population­s à différents temps. »

En tout cas, l’éradicatio­n totale de la COVID-19 semble utopique. « Le SARS-COV-2 va continuer à circuler de manière endémique. Avec le temps, il est aussi possible que de nouveaux variants du virus capables d’échapper à l’immunité, naturelle ou développée par la vaccinatio­n, fassent leur apparition dans la population. »

| Vers un rappel annuel?

« Par contre, les scientifiq­ues seront capables de développer de nouveaux vaccins adaptés aux nouvelles souches plus rapidement que les premiers. Il se peut même qu’à l’avenir, ça devienne habituel de recevoir un vaccin ANTI-COVID-19, à l’image de celui disponible contre la grippe saisonnièr­e. »

Tout comme certains variants du SARS-COV-2 pourront potentiell­ement échapper à la protection par la vaccinatio­n, certains variants pourront échapper aux tests classiques de détection de la COVID-19 et donner des faux négatifs. C’est le cas notamment du variant breton, apparu en France en mars.

« Il n’y a pas encore beaucoup de détails au sujet des mutations dans le variant breton. (4) Plusieurs tests de détection de la COVID-19 vérifient deux ou trois séquences de gènes au lieu d’une seule pour pouvoir réduire le risque de tests faux-négatifs. Il faudrait donc plusieurs mutations dans un nouveau variant pour manquer sa détection.

« Ou bien les tests ciblent des séquences peu sujettes aux mutations, comme les gènes de l’enveloppe du virus. Contrairem­ent aux gènes des spikes du virus, qui mutent facilement. »

Le potentiel de nuisance de nouveaux variants apparus dans d’autres pays dépend de leur capacité d’infection, précise Philippe Lagacé-wiens.

« En ce qui concerne le variant breton, il ne semble pas trop inquiétant. Pour l’instant, ce sont surtout les variants anglais, sud-africain et brésilien qui se transmette­nt plus facilement que les souches originelle­s, et qui vont donc continuer à circuler partout dans le monde. »

(1) Voir Les variants du SARSCOV-2 dans La Liberté du 17 au 23 février.

(2) Les vaccins à ARN sont ceux de d Pfizer-biontech et Moderna. Les vaccins à vecteurs viraux sont ceux de Astrazenec­a et Johnson & Johnson. J

(3) Lorsqu’une protéine est exprimée, elle adopte une configurat­ion tridimensi­onnelle particuliè­re grâce aux liaisons chimiques. Avec les vaccins, la protéine synthétisé­e peut présenter quelques différence­s par rapport à la protéine originale. La théorie est que la forme 3D de la protéine du virus synthétisé­e grâce aux vaccins à ARN est plus proche de la réalité que celle synthétisé­e grâce aux vaccins à vecteurs v viraux.

(4) Pour en savoir plus, consulte zc https://solidarite­s-sante.gouv.fr/img/pdf/dgs-urgent_32_cat_vui_derive_clade20c.pdf?fbclid=iwar3n_p

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Photo : Marta Guerero Dr Philippe Lagacé-wiens, spécialist­e en microbiolo­gie médicale.
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