LES AÉROSOLS : MÉFIANCE!
À ce stade de la pandémie, il est toujours plus question d’aérosols et de leur rôle dans la propagation du virus, particulièrement dans des endroits fermés mal aérés. Les plus récents constats de la science avec le Dr Raymond Tellier.
Tout le monde produit de ces micro-gouttelettes, vecteurs potentiels du nouveau coronavirus.
L’expert des virus émergents et de la transmission de virus par aérosol, le Dr Raymond Tellier, médecin microbiologiste d’expérience au Centre hospitalier Mcgill, constate :
« On a vu des flambées de cas inexplicables, si on ne considère pas la contamination par les aérosols. Par exemple au restaurant de Wuhan, ou encore lors d’une chorale à Washington. (1)
« Quand on parle d’aérosols, on parle de très, très petites gouttelettes capables de rester en l’air assez longtemps, voire de voyager plus loin. Pour donner une image, on peut visualiser une fumée de cigarette qui se disperse à mesure qu’on s’éloigne du fumeur.
« Beaucoup d’activités vont entraîner la formation des aérosols, à commencer par le simple fait de respirer. Évidemment, plus d’aérosols sont formés pendant certaines activités, comme le sport ou le chant. Et si la personne qui les émet a la COVID-19, alors ses aérosols sont infectieux.
« Les aérosols restent plus ou moins longtemps en l’air en fonction de leur taille - de un à 100 microns -, et des mouvements d’air dans la pièce. Dans une pièce où l’air est parfaitement immobile, une gouttelette de 100 microns à une hauteur de trois mètres du sol mettra dix secondes à tomber. Une gouttelette de 20 microns mettra quatre minutes, et une d’un micron mettra jusqu’à 28 heures.
« Et en imaginant qu’il y ait des ventilateurs au sol qui projettent vers le plafond, les gouttelettes d’un micron peuvent rester indéfiniment en l’air.
« Cependant, les virus que contiennent les gouttelettes ne resteront pas infectieux indéfiniment. Le temps de demi-vie du SARS-COV-2 est évalué entre une heure trente et quelques heures. Ce qui veut dire que la moitié des particules virales perdent leur capacité d’infection après cette durée.
« Le risque d’exposition au virus est plus grand dans des bâtisses comme un gymnase, où il y a beaucoup de monde et donc forcément une grande production d’aérosols. »
Pour se protéger, la distanciation reste toujours de rigueur. « En reprenant l’image de la fumée de cigarette, la production d’aérosols est moins importante quand on s’éloigne du malade. Donc les règles de maintien d’une distance de deux mètres restent importantes.
« C’est cependant difficile de savoir à quel point les aérosols sont infectieux, car il faudrait connaître la quantité de virus dans les gouttelettes au départ. Or elle varie. »
| Système de ventilation
Pour éviter la stagnation des aérosols dans les bâtiments, il faut un bon système de ventilation. « Il est très clair que les systèmes de ventilation ne sont pas les mêmes dans tous les locaux. Un bon indicateur est la mesure du taux de CO2, le gaz que l’on produit lorsqu’on respire et qui est normalement retiré par le système de ventilation.
« Si ce système est excellent, le taux de CO2 est très semblable à celui à l’extérieur. Si le système n’est pas bon, la quantité de CO2 va augmenter. La mesurer va donner une idée de l’évacuation du virus.
« Il y a un gros débat actuellement sur la ventilation des salles de classe et des magasins, entre autres. On ne peut pas forcément régler tous les problèmes de ventilation tout de suite. En attendant, une possibilité serait d’ajouter des purificateurs d’air dans les bâtiments, en plus des systèmes de ventilation. »
Le médecin microbiologiste ajoute qu’il n’y a pas de différences dans le comportement des variants du SARSCOV-2 dans les aérosols par rapport à la souche originelle.
« Ce qu’on sait des variants, c’est qu’ils sont souvent plus infectieux que la souche originelle, quel que soit le mode de transmission. Ils finissent par devenir les souches dominantes.
« Il faut donc moins de virus pour infecter quelqu’un avec un variant. Même si ça reste difficile à chiffrer, car il faudrait faire des tests chez l’humain pour savoir. Or le virus de la COVID-19 est trop dangereux pour ça. »
Pour le Dr Raymond Tellier, les règles sanitaires ne sont pas à revoir avec l’apparition des nouveaux variants, du moins pour le moment.
« Il faut continuer à porter au minimum un masque de bonne qualité, garder une distance avec les autres et éviter les grands rassemblements. Et à long terme, il faut miser sur la vaccination. »
« Le risque d’exposition au virus est plus grand dans des bâtisses comme un gymnase, où il y a beaucoup de monde et donc forcément une grande production d’aérosols. » - Dr Raymond TELLIER
(1) Voir COVID-19 Outbreak Associated with Air Conditioning in Restaurant, Guangzhou, China, 2020 dans Emerging Infectious Diseases publié en juillet 2020. Et High SARS-COV-2 Attack Rate Following Exposure at a Choir Practice - Skagit County, Wacshington, March 2020 publié dans Morbidity and Mortality Weekly Report en mai 2020.