Le Manitoba : le tremplin d’une voix radiophonique
Parti à la découverte de nouveaux horizons, Jean Fontaine a commencé sa carrière à CKSB. Originaire de Montréal, le Manitoba a su séduire l’animateur D’ENVOL 91 par des occasions de projets professionnels.
Jean Fontaine est arrivé à Winnipeg en 1986. Auparavant, il n’avait pas conscience de la francophonie hors Québec. « Je me rappelle à l’école Promédia, un jour dans un cours de radio, on nous a parlé que Radio-canada possédait des antennes régionales un peu partout dans le Canada.
« Un professeur m’avait dit : Tu devrais postuler dans
l’ouest. Je lui avais répondu :
Dans l’ouest? Je parle anglais, mais je ne sais pas si je me sentirais capable de travailler en anglais. Je n’avais aucune idée qu’il était possible de travailler en français dans l’ouest canadien.
« Alors j’ai postulé à plusieurs endroits. RadioCanada Manitoba m’a offert ma première opportunité professionnelle : un contrat de trois mois à CKSB. Je n’avais aucune idée où j’allais. C’était l’aventure. Maintenant, avec le recul, je dirais que c’est une belle aventure! »
Cet emploi à Radio-canada s’accompagnait d’une vraie volonté d’étendre ses ailes.
« Je suis resté au Manitoba parce que j’avais un travail en premier lieu, dans un domaine où je savais que je pourrais évoluer par la suite. J’étais très conscient qu’au Manitoba, j’aurais plus de possibilités d’entreprendre des projets qu’au Québec. J’ai pensé déménager quelques fois, mais par la force des choses, je suis resté.
« Au Québec, j’aurais été un petit poisson dans un océan. Au Manitoba, je suis un petit poisson dans un terrain de jeu plus petit. J’ai pu fonder la LIM (voir encadré), jouer dans des pièces avec le Théâtre Cercle Molière, et faire tellement d’autres choses encore.
« Je me rappelle avoir joué dans Je m’en vais à Regina.
Il fallait jouer un jeune francomanitobain de 15 ans. Je n’avais aucune idée comment m’y prendre. Mais on m’a donné l’occasion de le faire. »
| Une anecdote
Au fil de la conversation, Jean Fontaine revient de lui-même sur ses débuts manitobains. « Il y avait cette perception que les Québécois n’étaient que de passage. C’est vrai, beaucoup sont partis. Mais certains sont restés.
« Il y a une anecdote que je dois absolument partager. Quelques temps après mon arrivée, je sentais bien que j’étais Québécois. Mais je m’en
accommodais parfaitement. Un jour au Centre culture francomanitobain, je croise deux dames qui me disent : C’est vous
Jean Fontaine de CKSB? Je leur réponds oui. Elles continuent : On adore votre émission, on écoute CKSB pour vous et patati
et patata. Je les remercie, évidemment. Et puis elles me demandent : Vous venez de
Sainte-agathe? Je réponds que je viens de Montréal. Elles étaient tellement déçues qu’on pouvait le lire sur leur visage. La conversation s’est terminée comme ça.
« Je raconte cette scène pour dire que j’ai longtemps senti que j’étais Québécois. Mais aussi pour souligner que les choses changent. Les mentalités évoluent. Pour le mieux, j’espère. »
D’ailleurs, le temps faisant son office, Jean Fontaine a fini par se sentir pleinement Franco-manitobain.
« Je ne peux renier mes racines québécoises. Mais mon cercle d’amis est francomanitobain. Mes enfants sont Franco-manitobains et mon chez-moi, c’est ici.
« J’étais là quand les fruits de la victoire de Georges Forest en Cour suprême ont commencé à se faire sentir. J’étais là à la création de la Division scolaire franco-manitobaine. J’ai été et je suis un témoin de la lutte des Franco-manitobains pour préserver leur français afin de pouvoir s’épanouir dans cette langue.
« J’ai pu voir l’évolution du visage de la francophonie, qui s’est produit dans le prolongement des politiques de l’agrandissement de l’espace francophone, à l’aube des années 2000. L’objectif a toujours été de garder une masse critique de personnes qui parlent français.
En pro du micro qui sait intimement la nécessité de boucler une entrevue à caractère biographique en ouvrant sur l’avenir, Jean Fontaine, après une petite pause méditative, y va de son message :
« Si je pouvais souhaiter quelque chose pour la francophonie manitobaine, c’est qu’on soit encore plus fiers. L’assimilation fait encore des ravages à certains endroits du Canada. Il faut chérir notre diversité. C’est une force, pas une menace. »