La plaie des plaies : les bruits imprévisibles
Les études menées pour prouver l’impact des nuisances sonores sur le corps humain ne manquent pas. Mais peu s’intéressent aux conséquences sur la biodiversité. C’est justement l’un des chevaux de bataille du Natural Resources Institute, à la Faculté de l’environnement, de la Terre et des ressources de l’université du Manitoba.
La Dre Nicola Koper a suivi dans ses études son penchant naturel pour la biodiversité. « J’ai d’abord obtenu un baccalauréat en biologie de la faune sauvage, que j’ai complété avec un master en zoologie à l’université de Guelph. À la suite de ce master, j’ai fait un doctorat en biologie de la conservation.
« La nature et sa préservation ont toujours représenté un intérêt central chez moi.
« Au Natural Resources Institute, je travaille sur la conservation des oiseaux, et plus particulièrement sur la manière dont l’activité humaine les affecte. »
Forte de son expertise, la Dre Nicola Koper pointe un des enjeux inattendus de la pollution sonore.
« La pollution sonore, ce sont des sons produits par l’activité humaine qui se sont propagés dans nos environnements. Ces sons ont autant un impact sur les humains que sur les autres espèces.
« Certains d’entre nous ont assumé que si le bruit était particulièrement persistant ou bruyant, il exerçait un impact sur la vie sauvage. Ou tout simplement sur nous.
« En fait, d’après les recherches que l’on mène, là n’est pas vraiment le coeur du problème. Ce sont les bruits imprévisibles qui entraînent le plus de conséquences sur la biodiversité et sur nous. Justement parce que c’est difficile de s’adapter à ce genre de bruit.
« Donc si vous êtes dans votre maison et que vous vivez près d’une route à grande circulation, le fait d’entendre passer des camions ou les pompiers peut vous perturber. Même dans la maison, si vous travaillez et que les enfants allument la télé dans une autre pièce, il se peut que ce son vous dérange, même s’il n’est pas fort.
« Les bruits ont un large impact sur les humains, et les bruits imprévisibles sont probablement les plus dérangeants. »
Un « probablement » que les recherches de la Dre Nicola Koper transforment peu à peu en un certainement. « La plus récente de nos recherches vise à analyser l’impact de la COVID-19 sur la faune sauvage. L’une de nos questions, c’est de savoir si la diminution de l’activité humaine a pu avoir des conséquences sur elle et si oui, lesquelles.
| En harmonie avec la faune sauvage
« Dans un autre domaine, on s’intéresse au rapport de l’activité humaine sur les oiseaux à travers le Canada et les États-unis. Dans ce cadre, une étude porte sur les nuisances qui proviennent de l’exploitation du pétrole et du gaz. Quelles conséquences ont-elles sur les oiseaux qui vivent dans cet environnement? »
« On a déjà pu avoir des résultats dans ces domaines de recherche. Il y a des constats vraiment intéressants. Dans une zone proche de ces exploitations, les femelles oiseaux auront tendance à délaisser un peu leurs petits à cause du bruit des puits de pétrole. Parce qu’elles sont distraites par le vacarme, elles s’intéressent moins à la survie de leur progéniture. À long terme, on pourrait voir certaines espèces disparaître.
« La théorie des bruits imprévisibles confirme donc ce qu’on a observé sur les oiseaux. C’est bien parce qu’ils sont imprévisibles que les bruits de forage sont perturbants pour les oiseaux, au point où ils n’arrivent pas à s’y adapter.
« Ce que nos recherches nous disent aussi, c’est que nous devons nous organiser pour réduire la pollution sonore sur la faune sauvage si on veut la protéger et vivre en harmonie avec. Au Manitoba, il n’existe pas de réglementation spécifique pour protéger la faune sauvage de la pollution sonore. »
Militante et écologiste, la Dre Nicola Koper espère que la pandémie permettra de revoir les priorités environnementales. « Finalement, le véritable enjeu est de savoir quelle société on veut et jusqu’à quel point on est prêt à vivre en harmonie avec l’environnement.
« La pandémie nous aura appris à faire du télétravail. On pourrait maintenant le faire plus régulièrement. Ce qui permettrait de diminuer le nombre de voitures sur la route et d’accorder un certain temps de repos à la faune sauvage. »
Au Manitoba, il n’existe pas de protéger la faune sauvage de la pollution sonore.
- Dre Nicola KOPER