La Liberté

L’art, le moyen pour aborder les sujets difficiles

- Propos recueillis par Laëtitia KERMARREC lkermarrec@la-liberte.mb.ca

Anna Binta Diallo, fille du scientifiq­ue d’origine sénégalais­e Ibrahima Diallo et de l’ écrivaine francomani­tobaine Lise Gaboury-Di allo, revient bientôt de Montréal où elle a développé sa carrière artistique. Récemment récompensé­e par deux prix importants, elle deviendra professeur­e d’art à l’université du Manitoba en 2022. Ça fait un moment maintenant que vous avez quitté les Prairies manitobain­es...

J’ai terminé mon baccalauré­at en art à l’université du Manitoba il y a presque 15 ans, après quoi j’ai déménagé à Montréal. De là, j’ai suivi une maîtrise (MFA en Creative

Practice) au Transat Institute, à Berlin (2013). C’est un programme décentrali­sé pour les artistes visuels, avec lequel j’ai passé trois étés à Berlin, et deux étés à New York.

Depuis, je travaille comme artiste visuelle. Mes oeuvres ont été exposées un peu partout au national et à l’internatio­nal, lors d’exposition­s à Winnipeg, Montréal, Toronto, Vancouver, Taipei, Berlin, en Finlande... J’assure aussi un poste de designer à temps partiel pour la Fondation David Suzuki.

Comment fait-on pour devenir artiste lorsqu’on a un père professeur d’anatomie et de physiologi­e?

En fait, il y a un fort côté artistique dans ma famille. Mon grand-père maternel, Étienne Gaboury, était architecte et ma grand-mère maternelle, Claire Breton-gaboury, faisait de la céramique et de la poterie. Elle a même tenu un studio pendant plusieurs années.

Il est vrai qu’au début, mon père était un peu inquiet que ce métier d’artiste ne m’apporte pas de pain sur la table. Mais il a été rassuré par la force de mon intérêt pour les arts, ainsi que les opportunit­és qui m’étaient offertes.

Ce que j’aime vraiment avec l’art, c’est la manière dont il nous autorise à aborder des sujets difficiles à travers la création. C’est son pouvoir d’appartenan­ce, de rassemblem­ent.

Comment définiriez-vous votre art?

Je dirais que je suis une artiste multidisci­plinaire et multi-médiatique. La peinture est mon premier amour, mais j’utilise différents médiums au profit des concepts artistique­s que je souhaite explorer. Par exemple, je touche aussi à la vidéo, à la sonorisati­on, au collage et au dessin. Les thématique­s qui me sont chères sont toutes les questions liées à l’identité, l’altérité, la mémoire et la nostalgie.

L’identité en particulie­r est à la base de vos inspiratio­ns...

Quand je terminais ma maîtrise, je faisais un travail sur mes origines. Je suis née à Dakar au Sénégal, et j’ai grandi à Saint-boniface sur le territoire traditionn­el des peuples Anishinaab­e, Cree, OjiCree, Dakota et Dénés, et de la nation Métisse. Ça m’a inspirée à faire des recherches pour comprendre ce que ça veut dire, être Métis.

J’ai passé beaucoup de temps à regarder ma propre famille d’abord, avant de porter mon attention sur des histoires collective­s, et la façon dont on apprend à traiter les autres. C’est là que j’ai trouvé plusieurs sources visuelles qui ont inspiré ma collection d’histoires.

Une de ces histoires est le projet que vous développez depuis 2019...

Ça s’appelle Errances/ Wanderings. Ce projet examine la manière dont les contes populaires influencen­t la formation de l’identité. Pour ce faire, j’ai créé tout un univers de personnage­s tirés d’histoires folkloriqu­es. C’est une installati­on de collages photograph­iques en deux et trois dimensions qui évolue suivant l’espace qui m’est alloué à chaque exposition.

Précédemme­nt à Toronto, Vancouver, Montréal, et à l’automne à l’université du Manitoba.

Errances/wanderings vous a aussi valu quelques prix...

En 2019, mon oeuvre a été sélectionn­ée comme finaliste pour le Saltsp ring national

Artpri ze. Puis, en mars 2021, elle a reçu l’un des deux

Bar bar asp oh rawards offert s par le Banff Centre. (1) En février, j’avais obtenu un des 100 Black Designers of Canada Awards of Excellence attribués à des artistes noirs au Canada. Ce Prix devait m’emmener à Dakar, une occasion pour les artistes noirs de se rencontrer. Malheureus­ement, avec la pandémie, l’évènement a été annulé. Mais ce n’est que partie remise. (2)

La pandémie ne semble pas avoir affecté votre productivi­té...

J’ai été plus sollicitée que jamais. Un projet en amenait toujours un autre. Ainsi, j’ai participé à diverses présentati­ons d’artistes et critiques de fin d’année pour des étudiants, des panels de discussion sur l’art, ou encore des ateliers de collage avec les jeunes... J’ai beaucoup aimé ça.

Je travaille aussi sur un nouveau projet artistique, Voyageur/almanach, qui parle de la relation entre les humains et la nature. Un thème vers lequel ma pensée artistique a naturellem­ent évolué à force de travailler sur des histoires folkloriqu­es qui parlent souvent de plantes et d’animaux.

Winnipeg devrait vous apporter autant de satisfacti­on profession­nelle...

Je pense que l’art, tu peux le faire de n’importe où. Il est vrai qu’à Montréal, les artistes disposent de beaucoup de ressources, mais Winnipeg dispose aussi d’une certaine richesse artistique.

Ce n’est pas une affaire de quantité d’art produit, mais plutôt de qualité. Ce qui peut être à l’avantage des artistes. Quand il y a beaucoup d’oeuvres réalisées, comme au Québec, notre art peut se retrouver dilué. Quoi qu’il en soit, la comparaiso­n entre les deux villes reste difficile. Ce sont deux univers bien différents.

(1) L’autre récipienda­ire d’un Bar bar aspohr me mo rial award

s’appelle Logan Mcdonald. Le Prix est de 6 000 $, à dépenser dans une autre résidence artistique au Banff Centre.

(2) Anna Binta Diallo avait aussi, auparavant, reçu des bourses de distinctio­n du Conseil des arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec.

« Ce que j’aime vraiment avec l’art, c’est la manière dont il nous autorise travers la création. C’est son pouvoir d’appartenan­ce, de rassemblem­ent. » - Anna Binta DIALLO

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photo : Anna Springate-floch. En 2020, l’artiste Anna Binta Diallo affairée à mettre en place les oeuvres de son projet Errances/wanderings pour une exposition à Banff.
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Photo : Gracieuset­é Anna Binta Diallo. Anna Binta Diallo.

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