La Liberté

Vivre pour sa musique exige l’appui d’un public

- Laëtitia KERMARREC lkermarrec@la-liberte.mb.ca

Puisqu’il a lancé sa carrière relativeme­nt tard, l’artiste Justin Lacroix n’a jamais été en mesure de vendre beaucoup d’albums physiques. (1) Le tournant numérique a néanmoins affecté ses revenus. D’où sa conviction : l’importance d’établir des tarifs clairs pour tous ces nouveaux formats.

«Les CD se vendaient déjà moins bien quand je me suis reconverti dans le théâtre et la chanson aux débuts des années 2000. Mes meilleures années, j’ai peut-être vendu 500 albums. Mais c’était le maximum.

« Pour ma part, la baisse des ventes a ensuite été progressiv­e, pour franchemen­t chuter vers 2012. Elle est passée de moins de la moitié de mes revenus à moins d’un tiers environ. En sachant que l’essentiel de mes revenus provenait toujours des spectacles live.

« Ma vie d’artiste a donc toujours été un peu compliquée. Il faut savoir se diversifie­r, en prenant des petits contrats ici et là. Ou en animant des ateliers d’écriture ou de chansons, par exemple. Continuell­ement, il faut chercher à s’adapter. »

Les conseils du chansonnie­r pour les jeunes artistes qui souhaitent faire carrière dans la musique se résument à une suggestion centrale : « Si c’est ce qu’ils veulent vraiment faire, le plus important est de trouver un public qui veut les appuyer. Et d’entretenir le contact avec lui.

| Multiples revenus

« Justement, le monde numérique accessible à tous, comme Youtube, Facebook ou Instagram, peut présenter des avantages. Il peut permettre de faire un pont avec le public. Et aussi d’élargir son réseau profession­nel. Parce que les artistes qui connaissen­t un gros succès sont normalemen­t des gens qui établissen­t des collaborat­ions pour combler leurs lacunes.

« Surtout que l’industrie musicale change de façon importante assez souvent. Il suffit de penser à l’évolution des vinyles vers les CD, en passant par les cassettes audios. (2) »

« Cette évolution signifie qu’il y a tout un travail à faire du côté administra­tif et légal, notamment en ce qui concerne les droits d’auteurs. Les questions abondent : Que veut dire donner un spectacle envirtuel?est-cequeçaveu­t dire qu’ il est accessible à tous en il limité sur le net?

« Il faut trouver des moyens de monétiser toute l’offre musicale. J’ai vu ces derniers mois apparaître des sortes de petits “chapeaux virtuels” attachés aux vidéos des artistes, et connectés directemen­t à Paypal pour donner la possibilit­é au public de faire un don aux artistes. (3)

« Il y a aussi maintenant des sites internet qui permettent d’appuyer les artistes directemen­t, comme Patreon. C’est l’artiste qui fixe ses prix. Il peut entre autres proposer un abonnement d’un dollar par mois qui donne accès à toute sa musique. Ou à cinq dollars par mois avec un accès à des vidéos en plus de la musique. »

En ce qui a trait aux plateforme­s numériques, Justin Lacroix pointe leur multiplici­té. « Il n’y a pas que Spotify ou

Applemusic. En fait, les artistes font appel à des distribute­urs pour mettre ensuite leurs pistes audios sur différente­s plateforme­s.

« Par contre, il faut choisir les distribute­urs en fonction des subvention­s qu’on souhaite obtenir. Je pense à mon album de Noël 2019. On souhaitait le mettre sur la plateforme CD Baby, mais on voulait aussi faire une demande de financemen­t à Musicactio­n. (4, 5) Comme CD Baby ne se trouve pas sur la liste des distribute­urs reconnus par Musicactio­n, on a dû revoir nos plans.

« Finalement le plus grand défi avec le numérique, c’est la perte de simplicité des sources de revenus. Avant, l’argent provenait des spectacles, des albums, du merchandis­ing, de la radio et des films. Maintenant, on a multiplié les possibilit­és de revenus, mais elles rapportent moins. »

(1) Voir l’ encadré Quand la musique refait surface.

(2) Voir Pourquoi la“classe moyenne” des artistes paraît vouée à la

disparitio­n dans Laliberté du 16 au 22 juin.

(3) Paypal est un système de service de paiement en ligne dans le monde entier. Il sert d’alternativ­e au paiement par chèque ou carte bancaire.

(4) CD Baby est un distribute­ur en ligne de musique indépendan­te. (5) Musicactio­n est une organisati­on à but non lucratif qui encourage le développem­ent de la musique en soutenant la production et la commercial­isation d’ enregistre­ments sonores, et les activités de promotion collective.

 ?? Photo : Gracieuset­é Justin Lacroix ?? Justin Lacroix s’est lancé dans la musique après 2001.
Photo : Gracieuset­é Justin Lacroix Justin Lacroix s’est lancé dans la musique après 2001.

Newspapers in French

Newspapers from Canada