Un nouveau centre de recherche pour aborder la science autrement
Un centre de recherche dirigé par des Autochtones vient de voir le jour en Saskatchewan : waniska Centre. (1) Axé sur le VIH, l’hépatite C et d’autres infections sexuellement transmissibles (IST) et par le sang, waniska Centre se concentre sur les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan.
Waniska Centre est le résultat d’un triste constat, comme l’indique Rebecca Zagozewski, directrice de recherche à waniska Centre depuis janvier 2021.
« Le taux de VIH, d’hépatite C et D’IST est plus élevé au Manitoba et en Saskatchewan que le taux national, pour les personnes autochtones. (2) Donc il y avait cette volonté de créer un centre de recherche axé sur ces enjeux et dans ces deux régions en particulier.
« Mais plus que tout, on voulait changer un peu la tendance et faire un centre de recherche dirigé par des Autochtones pour qu’ils apportent leur point de vue.
« waniska Centre mêle donc deux perspectives : celle des sciences autochtones et celle des sciences occidentales.
« C’est une manière de décoloniser la science. On le sait, le colonialisme a laissé des traces dans toutes les sphères. La science n’y échappe pas.
« Alors avoir un centre de recherche par et pour les Autochtones est une bonne manière de combattre le racisme systémique. »
En plus d’accueillir une double vision, le centre de recherche mise sur des partenariats communautaires. Laverne Gervais, coordonnatrice communautaire et de Ka Ni Kanichihk, étoffe davantage.
« Je suis anishinabée, dakota et canadienne française du Traité n°1. Depuis plusieurs années, je travaille sur des questions de VIH et d’hépatite C à Ka Ni Kanichihk. Actuellement, il y a une épidémie de syphilis à Winnipeg. Outre certaines particularités, on reconnaît qu’il y a une similarité entre nos provinces.
« C’est simplement une frontière coloniale qui nous sépare. Entre les nations autochtones, les liens se sont toujours faits et les recherches aussi. »
| Recherches révélatrices
« Si on ne fait pas attention, les recherches peuvent aussi être colonisatrices. Il faut donc
challenger les chercheurs à impliquer davantage le point de vue autochtone, afin d’avoir des recherches plus révélatrices.
« Souvent, les recherches sont faites suivant l’agenda des gouvernements, ce qui ne reflète pas forcément les préoccupations des Autochtones. La preuve, il y a eu beaucoup d’études de faites sur les Autochtones avec très peu de résultats, tout simplement parce que ce ne sont pas eux qui les dirigent, ni qui en définissent les besoins. »
Ce nouveau centre de recherche mise aussi sur une équipe expérimentée, comme le souligne Rebecca Zagozewski.
« Au sein de waniska Centre, les deux perspectives se rencontrent, se rejoignent et se confrontent. Il y a beaucoup de rôles à waniska Centre. Il y a un chercheur principal, et un connaisseur principal.
« On est aussi en train de former un conseil d’aînés et de jeunes. On voudrait quatre jeunes et quatre aînés, avec un nombre égal pour chaque province. Ce conseil permettrait un échange intergénérationnel.
« On a aussi un coordonnateur de recherche à l’université du Manitoba, et aussi un partenariat avec le bureau de l’ombudsman de l’université du Manitoba. Enfin, on a un coordonnateur communautaire à Allnations
Hopenetwork et à Ka Ni Kanichihk. »
| Un pas en avant
Pour Laverne Gervais, ce centre est un pas dans le bon sens. « C’est une reconnaissance que ce qui a été fait avant n’était pas forcément réalisé de la bonne façon. Ce centre est financé par les Instituts de recherche en santé du Canada. (IRSC)
« La direction prise par IRSC quant aux recherches autochtones est relativement nouvelle. Avant, il y avait des études qui disaient comment elles devaient changer, ou encore comment les recherches devaient prioriser la pensée autochtone. Donc rien de concret.
« Mais on voit qu’il y a de plus en plus de recherches à différents niveaux qui s’en viennent, comme celles faites à
waniska grâce au leadership des IRSC dans ce domaine. Ce qui est très encourageant. »
( 1) waniska est un mot cri et saulteaux qui signifie réveil, lever. C’est un concept d’optimisme pour le nouveau jour accueilli avec une énergie et une passion renouvelées.
(2) En date de 2016, le taux national de diagnostic du VIH au Canada parmi les peuples autochtones était de 6,4 pour 100 000 résidents. Au Manitoba et en Saskatchewan, il était de plus de 9,1.