La Liberté

CHANGEMENT CLIMATIQUE

Avec les feux de forêt, les inondation­s en Europe et la canicule, notre journalist­e Laëtitia Kermarrec s’est entretenue avec Alain Webster et Fernand Saurette pour mieux comprendre les enjeux climatique­s actuels.

- Laëtitia KERMARREC lkermarrec@la-liberte.mb.ca

Depuis le début de l’été, le Manitoba a vécu des moments caniculair­es importants, avec des nouveaux records provinciau­x de chaleur enregistré­s. (1) Ces vagues de chaleur ne se limitent cependant pas à la province, comme l’explique Alain Webster, professeur en économie de l’environnem­ent à l’université de Sherbrooke.

D’entrée de jeu, Alain Webster précise que les critères qui définissen­t une canicule varient suivant les régions géographiq­ues.

Au Manitoba, d’après le Gouverneme­nt du Canada, un avertissem­ent de chaleur est émis lorsqu’on prévoit pendant deux jours consécutif­s des températur­es maximales diurnes de 29 degrés Celsius ou plus, et des températur­es minimales nocturnes de 16 degrés Celsius. Ou lorsqu’on prévoit que l’indice Humidex atteindra 34 ou plus pendant deux jours consécutif­s. (2)

« Depuis des millions d’années, on mesure autour de 280 particules par million (ppm) de CO2 dans l’atmosphère, ce qui provoque un effet de serre naturel et important à notre survie. Sinon, les températur­es seraient trop basses sur Terre pour que nous puissions survivre.

« Mais depuis le début de l’industrial­isation, au cours du 19e siècle, la quantité de CO2 atmosphéri­que n’a fait qu’augmenter pour atteindre 400 ppm aujourd’hui. Ceci à cause des énergies fossiles que nous utilisons, comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel. En conséquenc­e, l’effet de serre a augmenté et les températur­es moyennes ont grimpé, ainsi que la fréquence des canicules. C’est du jamais vu.

« De fait, on se retrouve maintenant face à deux enjeux majeurs. Le premier enjeu est de réussir à diminuer le plus rapidement possible les émissions de gaz à effet de serre. Et le deuxième est de mettre en place des stratégies d’adaptation, car les températur­es vont continuer à augmenter quoi qu’il arrive. »

Et pour réduire ces émissions, l’accord de Paris a été signé par 195 pays, dont le Canada, le 12 décembre 2015. « L’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre à zéro d’ici 2050. Si on y parvient, alors l’augmentati­on de la températur­e moyenne mondiale sera limitée à 1,5 degré Celsius.

« En revanche, si rien n’est fait, cette augmentati­on sera de 4 à 5 degrés Celsius. Et dans le cadre d’un réchauffem­ent climatique global, il faut savoir que chaque décimale compte. »

| Écosystème perturbé

« Avec une hausse de 4 à 5 degrés, les risques seraient d’ordre existentie­l. On verrait certains états submergés par les eaux à cause de l’élévation du niveau de la mer par la fonte des glaciers. Les tempêtes seraient aussi plus importante­s par effet de la chaleur, augmentant ainsi le risque d’inondation.

« La biologie marine serait perturbée par l’acidificat­ion des océans. Car s’il y a plus de carbone émis dans l’atmosphère, on en retrouve aussi plus dans les eaux. Ce qui diminue leurs ph et affecte la vie marine.

« Sans oublier les forêts. L’écosystème ne serait pas capable de s’adapter aussi rapidement que les changement­s de températur­es. La faune et la flore en seraient donc inévitable­ment impactés. » (3)

Et en ce qui concerne les canicules, Alain Webster se fait plus précis : « Selon Ressources naturelles Canada, si on réussit à maintenir une augmentati­on de 1,5 degré Celsius seulement, dans une ville comme Montréal, on devrait avoir 20 jours avec une températur­e diurne de 29 degrés Celsius.

« Si l’augmentati­on atteint 4 à 5 degrés Celsius, le nombre de jours chauds sera de 75 par année. Sachant qu’avant l’industrial­isation, on parlait de dix jours chauds par an seulement. »

Il faut donc agir rapidement, souligne-t-il : « Il faut trouver d’autres sources d’énergie. Ces sources, on les connaît. Les adopter n’est donc pas insurmonta­ble.

« De plus, elles devraient pouvoir être utilisées à un coût relativeme­nt semblable à celui des énergies fossiles. D’ailleurs, le Manitoba dispose déjà d’un bon réseau hydroélect­rique.

« Toutefois, d’ici que ces nouvelles énergies remplacent totalement les énergies fossiles, il reste encore beaucoup de développem­ent et d’organisati­on à faire. Ça représente évidemment un enjeu économique, mais qui reste certaineme­nt moins important que le coût de l’inaction. »

(1) Dans de nombreux endroits de la province, les températur­es ont dépassé 35 degrés Celsius cet été. Par exemple, entre juin et juillet, Swan River a connu une températur­e maximale de 36,2 degrés Celsius, et Lynn Lake un maximum de 35,2 degrés Celsius.

(2) L’indice Humidex est un calcul qui prend en compte la températur­e et l’humidité dans l’air, dans le but de mesurer le degré de confort ressenti par l’humain dans ces conditions.

(3) Voir Lafauneetl­aflore pasépargné­es dans cette même

édition.

« Il faut trouver d’autres sources d’énergie. Ces sources, on les connaît. Les adopter n’est donc pas insurmonta­ble. » - Alain WEBSTER

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Photo : Gracieuset­é Alain Webster Alain Webster est professeur en économie de l’environnem­ent à l’université de Sherbrooke depuis plus de 30 ans.

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