La Liberté

L’avancée progressiv­e du variant Delta au Manitoba

- Laëtitia KERMARREC lkermarrec@la-liberte.mb.ca

Le variant Delta, détecté pour la première fois en Inde l’automne dernier, inquiète les autorités de la santé publique avec l’apparition de flambées de cas dans plusieurs pays. Alors ce variant est-il plus dangereux? Voici quelques éléments de réponses avec le Dr Philippe Lagacé-wiens, spécialist­e en microbiolo­gie médicale, diagnostic et développem­ent des maladies infectieus­es.

Àla question de savoir si le variant Delta est plus à craindre que les autres variants du SARS-COV-2, le Dr Philippe Lagacé-wiens tient d’abord à préciser que la majorité des comparaiso­ns sont faites avec le variant Alpha (ancienneme­nt britanniqu­e).

« La plupart des données montrent que le variant Delta est plus de 50 % plus transmissi­ble que le variant

Alpha, lui qui était déjà 30 % à 50 % plus transmissi­ble que le tout premier virus. (1) Ça veut dire que le variant Delta est environ 75 % plus transmissi­ble que le virus originel. C’est une augmentati­on considérab­le du risque de transmissi­on du virus d’un individu à l’autre. »

Plus de transmissi­on associée possibleme­nt à plus d’hospitalis­ation. « Selon l’agence de la santé publique du Canada, avec le variant Delta, on a vu une augmentati­on du risque d’hospitalis­ation de 54 %. (2) Toutefois, il est

« Il faudra bientôt arrêter de parler de vagues et envisager la COVID-19 comme une maladie saisonnièr­e. »

- Dr Philippe LAGACÉ-WIENS

possible que ce chiffre soit un peu faussé parce que les dépistages, ces jours-ci, se font surtout dans les hôpitaux. Ce qui peut donner une fausse impression d’augmentati­on du nombre d’hospitalis­ations dues à la COVID-19. »

D’autres éléments encore sont à considérer pour évaluer la dangerosit­é du variant Delta, détaille le spécialist­e en microbiolo­gie médicale.

« Ce qui rentre en compte aussi est que le vaccin à ARN messager est moins efficace contre le variant Delta que contre le variant Alpha. On l’évalue autour de 88 % contre le variant Delta, et de 90 % contre le variant Alpha. (1) Même si cet écart paraît peu, il rentre en jeu dans la propagatio­n du variant.

« Et il est d’autant plus important après la première dose : l’efficacité du vaccin à

ARN messager est évaluée à 33 % seulement contre le variant Delta après une seule dose, par rapport à 70 % contre le variant Alpha. (1) C’est pour ça, entre autres, que les profession­nels de la santé continuent d’encourager fortement les deux doses de vaccin. »

| Variant majoritair­e

« Une dernière chose est que le risque de réinfectio­n par le variant Delta est plus important après une première infection, malgré la production d’anticorps. Ce variant semble mieux réussir à échapper à l’immunité naturelle que les autres variants.

« Avec tout ça, il faut croire que le variant Delta va devenir le variant majoritair­e dans la population. Il ne l’est pas encore au Manitoba, mais on observe un déplacemen­t progressif du variant Alpha vers le Delta. Bonne nouvelle cependant, le taux vaccinal est assez bon dans la province. Mais il faut continuer à pousser la vaccinatio­n pour atteindre l’immunité collective. »

Une immunité collective qui a été réévaluée à la hausse : « Avant, on parlait de la nécessité d’avoir 70 % à 80 % de la population vaccinée. Maintenant, on parle d’un taux de 90 % nécessaire pour éviter un maximum d’éclosions. (3) De plus, il faut que ce taux soit homogène dans la province, avec peu d’écarts entre les régions. »

Philippe Lagacé-wiens envisage tout de même une quatrième vague de COVID-19 entre fin août et début septembre au Manitoba. (4) « Il faut savoir qu’il y a plus d’interactio­ns sociales pendant l’été qui peuvent favoriser des éclosions de cas.

« Ce qui m’inquiète surtout, c’est que ça précède la rentrée scolaire, alors qu’il n’y a pas encore de vaccinatio­n prévue pour les moins de 12 ans. Même si les enfants développen­t généraleme­nt une maladie moins sévère, on pourrait voir de nouveaux cas de COVID-19 apparaître dans les écoles. Et la dernière chose qu’on veut est la fermeture des écoles. (5)

« Par ailleurs, il faudra bientôt arrêter de parler de vagues et envisager la COVID-19 comme une maladie saisonnièr­e. »

(1) Voir Deltavaria­nt:whatishapp­eningwitht­ransmissio­n, hospital admissions, and restrictio­ns? par Elisabeth Mahase dans The British medical journal.

(2) Voir Lepointsur­lacovid-19aucanada:épidémiolo­gieet modélisati­on publié le 25 juin 2021 par l’agence de la santé publique du Canada.

(3) Les dires du Dr Philippe Lagacé-wiens sont appuyés par la déclaratio­n de la Dre Catherine Hankins, professeur­e en santé publique et en santé des population­s à l’université Mcgill, et co-présidente du Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19, le 12 juillet sur la CBC.

(4) Voir encadré Doit-ons ’attendre à une nouvelle vagu eà l’automne? (5) Voir Lesdivisio­nsscolaire­sattendent­desréponse­sdela Province dans cette même édition.

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Photo : Marta Guerrero Le Dr Philippe Lagacé-wiens.

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