La Liberté

La faune et la flore pas épargnées

- Laëtitia KERMARREC lkermarrec@la-liberte.mb.ca

Le changement climatique provoqué par l’augmentati­on des émissions de gaz à effet de serre a allongé le nombre de jours de canicule par an. (1) Ces changement­s, relativeme­nt rapides à l’échelle de la planète, pourraient avoir un effet majeur sur la faune et la flore, explique le biologiste Fernand Saurette.

Le professeur Fernand Saurette a enseigné la biologie à l’université de Saint-boniface pendant 23 ans avant de se retirer à l’été 2019 : « Pour que les espèces de plantes et d’animaux s’adaptent d’un point de vue biologique à leur environnem­ent, il faut en réalité des millions d’années. C’est ce qu’on appelle l’évolution par sélection naturelle.

« Je pense par exemple au cactus dans le désert, qui s’est adapté pour ne pas souffrir de la chaleur en contenant des réserves d’eau. Mais avec des changement­s de températur­es aussi rapides qu’aujourd’hui, on peut s’attendre à des impacts considérab­les sur les plantes et les animaux. »

À défaut de pouvoir adopter de nouvelles caractéris­tiques génétiques pour se protéger des chaleurs, les animaux modifient leur comporteme­nt. « Tous les animaux cherchent à adapter leur rythme journalier par temps de canicule. Ils sont plus actifs le matin et le soir quand les températur­es sont plus basses, et ils prennent une sieste en après-midi. »

| Déplacemen­t vers le Nord

Toutefois, malgré ces adaptation­s, certains animaux restent plus vulnérable­s aux changement­s de températur­es, précise le biologiste. « Les animaux à sang froid (ectotherme­s), comme les reptiles, ne peuvent maintenir une températur­e corporelle à 37 degrés Celsius, contrairem­ent aux animaux à sang chaud (endotherme­s), comme les mammifères. Ils sont donc vraiment à la merci des températur­es extérieure­s. »

Si les températur­es continuent de grimper, celui qui est aussi apiculteur par passion s’attend donc à la perte de certaines population­s d’animaux dans la région. « Une partie des animaux cherchera à se protéger des chaleurs en se déplaçant vers le Nord du Manitoba où il fait plus frais.

« Le problème avec ça, c’est que toutes les espèces sont interconne­ctées. On vit dans un écosystème. La perte d’une population d’animaux pourra entraîner la disparitio­n d’autres population­s. La chaîne alimentair­e sera alors perturbée. Et il en est de même pour les plantes. Pour elles, en plus, il est beaucoup plus difficile d’adapter leur comporteme­nt à la chaleur que pour les animaux. »

| Adapter l’agricultur­e

« La flore naturelle se protège cependant un peu mieux du soleil que les plantes issues de l’agricultur­e. Car cette pratique humaine se fait sur des terrains très exposés au soleil. Par conséquent, les plantes qui y poussent sont vraiment sujettes à la sécheresse lors des canicules.

« Un des mécanismes de défense qu’elles ont développés est de stopper leur croissance, au grand détriment des agriculteu­rs. C’est ce qu’on appelle l’estivation : c’est comme l’hibernatio­n, mais pendant l’été.

« Dans cet état de dormance, il devient même dangereux pour la plante de lui donner des fertilisan­ts. Ces derniers la forceraien­t à pousser alors qu’elle n’a tout simplement pas les réserves nutritives nécessaire­s pour y arriver. »

Parmi les plantes agricoles néanmoins, certaines semblent plus résistante­s aux canicules, précise le biologiste.

« Les graminées, comme le blé, l’orge ou l’avoine, sont plus adaptées aux hautes températur­es que le canola ou le lin, par exemple. Si le nombre de jours de canicule par an continue d’augmenter, concentrer notre agricultur­e sur les grains apparaît donc comme une bonne option.

« Au Manitoba, nous sommes toutefois plus chanceux qu’en Saskatchew­an ou en Alberta, car on a plus de précipitat­ions par an. Les plantes peuvent puiser dans l’eau stockée dans les nappes phréatique­s. À l’échelle d’un petit jardin, d’ailleurs, la pratique du paillage est une bonne idée pour minimiser l’évaporatio­n de cette eau et éviter de trop arroser. (2) Mais à grande échelle, cette pratique est plus compliquée. »

(1) Voir Untempscan­iculaire,refletduch­angementcl­imatique dans cette même édition à la page 10.

(2) Le paillage est l’action de couvrir le sol avec des matériaux divers, comme des feuilles, pour minimiser l’évaporatio­n de l’eau du sol par temps de grosse chaleur. De plus, le paillage empêche le développem­ent des herbes indésirabl­es et enrichit le sol en se décomposan­t.

 ?? Photo : André Boisjoli. ?? Fernand Saurette était professeur de biologie à l’université de Saint-boniface pendant 23 ans.
Photo : André Boisjoli. Fernand Saurette était professeur de biologie à l’université de Saint-boniface pendant 23 ans.

Newspapers in French

Newspapers from Canada