La Liberté

LES RESSOURCES DE LA FORÊT

Les feux de forêt ne sont pas seulement destructeu­rs. Ils peuvent être aussi bénéfiques. Jacques Tardif, professeur au départemen­t de biologie à l’université de Winnipeg, souligne cette réalité souvent oubliée.

- ZOÉ CLOUTIER zcloutier@la-liberte.mb.ca

Les changement­s climatique­s sont au coeur des enjeux des partis politiques pour ces élections fédérales. Au Canada, cet été, les feux de forêt ont été particuliè­rement violents. Pourtant, outre les effets négatifs, les feux de forêt ont aussi des effets bénéfiques pour la forêt comme l’explique Jacques Tardif, professeur au départemen­t de sciences et de l’environnem­ent et de biologie à l’université de Winnipeg.

«La forêt boréale (1) est dominée par le feu. D’après moi les feux de forêt sont positifs. » Cette opinion pourrait s’avérer surprenant­e, surtout avec les récents évènements climatique­s, mais le spécialist­e dans la croissance des arbres, Jacques Tardif, assure que les feux de forêt naturels ont un rôle essentiel d’un point de vue biologique.

« Il y a beaucoup d’espèces d’arbres dans la forêt boréale qui se sont adaptés aux feux. Il y a principale­ment trois types de feux : les feux de couronne qui vont jusqu’à la cime des arbres. Ils sont très destructeu­rs. Le pin gris et le peuplier y sont habitués.

« Ensuite, il y a des feux de surface qui couvrent le sol mais ne montent pas. Le chêne à gros fruit, le chêne liège, ainsi que le pin rouge dans l’est du Manitoba y sont résistants. Ces arbres ont des écorces épaisses, la flamme va lécher l’extérieur de l’arbre mais la températur­e du feu ne va pas être assez forte pour tuer l’arbre.

« Et puis, il y a les feux de sols. Ils brûlent sous le sol, tuent toutes les racines des arbres et sont difficiles à arrêter. Il n’y a presque pas de flammes, juste un peu de boucane et nécessiten­t peu d’oxygène. Ce sont les feux de forêt les plus dommageabl­es. Mais très rares.

« Certains arbres, en plus de s’être adaptés aux feux, en ont besoin pour pousser. Par exemple, le pin gris. Cet arbre a des cônes sérotineux. Les graines sont enfermées et les cônes vont seulement s’ouvrir s’il y a un feu et que l’arbre meurt. Les parents meurent pour laisser les arbres régénérer les forêts. On a peu d’espèces qui vivent des milliers d’années. »

| Contre les maladies

« Le peuplier faux-tremble, lui, a un système de racines important. Quand l’arbre est vivant, le feuillage produit certaines substances qui sont des régulateur­s de croissance qui s’assurent que les petits pouces dans les racines ne sortent pas de la terre. C’est seulement quand le feu passe et que l’arbre principal meurt que les racines vont se mettre à faire d’autres arbres. »

En plus d’agir comme élément déclencheu­r, Jacques Tardif continue son argumentai­re sur le côté positif des feux de forêts.

« Les feux vont brûler les parasites qui se sont installés dans les arbres. Il y a beaucoup de maladies qui peuvent être éliminées à l’aide du feu. Par exemple, à la plage de Victoria, dans la forêt de Belair on a beaucoup de balais de sorcière. (2)

« Comme nous contrôlons maintenant les feux de forêt, on voit des arbres qui sont déformés. Les nouveaux arbres se font aussi infecter plus rapidement. Par des champignon­s, des insectes, et des parasites.

« Les feux vont aider les arbres à mieux repousser car au niveau des sols forestiers, le feu va brûler la couche d’humus sur les sols organiques pour faire relâcher les nutriments dans le sol que la nouvelle forêt pourra utiliser.

« Il y a beaucoup d’études qui disent qu’on devrait mettre le feu après la coupe des arbres pour recycler des éléments nutritifs afin qu’ils soient libérés pour la repousse.

« Normalemen­t, les feux créent une mosaïque dans les forêts avec certaines parties qui sont brûlées. En essayant de supprimer tous les feux de forêt, les feux deviennent de plus en plus dangereux. La matière morte qui s’accumule rend le feu beaucoup plus intense et catastroph­ique.

« C’est bon que les forêts aient des âges différents, différente­s compositio­ns et différente­s biodiversi­tés. Les forêts ont évolué avec les feux pendant des millions d’années. Les feux sont donc importants pour maintenir l’équilibre de la forêt, la biodiversi­té et le processus écologique. »

(1) Cette forêt s’étend sur 270 millions d’hectares, elle couvre 28 % des forêts mondiale et 55 % de la masse terrestre du pays. https://www.thecanadia­nencyclope­dia.ca/fr/article/foret-boreale

(2) C’est une maladie qui peut être causée par les acariens, bactéries, champignon­s, guis nains, insectes, phytoplasm­e et virus.

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Photo Rémi Chevalier
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Photo : Rémi Chevalier Jacques Tardif avec dans sa main une coupe de pin gris qui montre les traces de plusieurs feux de forêt.
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