Deux étudiantes interpellent sur la précarité menstruelle
Dans le cadre d’un exercice d’écriture en français, Chloe Crockford et Isabel O’brien, élèves en 10e année au Collège Jeanne-sauvé, ont chacune rédigé une lettre au directeur général de la Division scolaire Louis-riel (DSLR), Christian Michalik. Un travail qui a permis à la DSLR de faire le point sur son offre en produits menstruels.
«Si les visages étaient en train de saigner, quelqu’un ferait quelque chose ». Chloe Crockford, 15 ans, a choisi le slogan de l’organisme à but nonlucratif Period pour conclure sa rédaction sur la stigmatisation de la précarité menstruelle. L’élève a choisi d’écrire sur ce sujet pour son côté à la fois personnel et universel. « Je voulais m’impliquer dans un projet qui affecte beaucoup de personnes et qui me touche aussi. »
Isabel O’brien, 15 ans, s’est également emparée de ce sujet. « On parle beaucoup du corps. Mais pas beaucoup des produits menstruels.
« Je pense qu’on pourrait mieux s’occuper de la stigmatisation des produits menstruels, pas seulement dans notre école mais dans toutes les écoles. C’est pourquoi j’ai écrit à Christian Michalik. »
À l’origine des deux lettres, il y a un projet scolaire encadré par l’enseignante bibliothécaire, Véronique Reynolds et l’enseignante de français, Victoria Gundmundson. Avec pour thème la solidarité. « Je voulais leur faire explorer les mouvements de solidarité à travers le monde et dans les dernières années », explique Véronique Reynolds.
« C’est important d’apprendre à faire de la bonne recherche et trouver les bonnes sources d’information. Grâce à ce travail, les élèves peuvent développer leur sens critique », commente Véronique Reynolds.
| Des différences entre les écoles de la division
Dans sa lettre, Chloe Crockford se réfère à un rapport réalisé par Plan International Canada, organisme de bienfaisance spécialisé dans l’avancement des droits des enfants et de l’égalité pour les filles. En 2019, Plan International Canada a réalisé un sondage auprès de 2 028 femmes au Canada et a établi que 38 % des femmes et des filles au Canada ont dû, régulièrement ou occasionnellement, sacrifier un élément dans leur budget pour pouvoir se payer des produits menstruels. 63 % des femmes et des filles ont manqué, régulièrement ou occasionnellement, une activité à cause de leurs règles et parce qu’elles ne pouvaient pas accéder à des produits menstruels selon le même sondage. (1)
« C’est un besoin nécessaire qui coûte beaucoup d’argent », confirme Isabel O’brien.
D’après un rapport élaboré en 2021 par le Conseil du statut de la femme au Québec, évaluant le coût moyen des principaux produits menstruels, l’achat de produits jetables tels que les serviettes et les tampons représente entre 72,22 $ et 85,76 $ de frais à l’année. Le coût d’achat de produits réutilisables est estimé à 40 $ pour une coupe menstruelle, 3,75 $ à 17 $ pour une serviette menstruelle et 20 $ à 55 $ pour une culotte menstruelle. (2)
À ces dépenses se rajoutent également des coûts indirects, liés à la fatigue ou l’achat de médicaments contre les maux causés par les menstruations. C’est ce que révèle Erin Bockstael, cheffe d'équipe pour le programme des mères et de la promotion du Centre de santé des femmes de Winnipeg :
« Avoir un accès à des médicaments ça peut beaucoup aider. Mais il y a des coûts additionnels liés à la fatigue. On va dépenser de l’argent pour prendre un taxi au lieu du bus, ou acheter quelque chose à manger plutôt que de cuisiner. »
| L’impact des lettres
Après avoir reçu les lettres des deux élèves, Darcy Cormack, directrice adjointe en charge de la diversité, l’équité et l’inclusion à la DSLR, a réalisé un sondage auprès des 40 écoles de la division, pour savoir de quelle manière des produits menstruels y sont proposés.
« Toutes nos écoles mettent des tampons et des serviettes gratuitement à la disposition des élèves. Nous avons beaucoup de chance d’avoir des produits gratuits grâce à la campagne Always #Endperiodpoverty.»
Si les produits sont gratuits dans toutes les écoles, la façon dont ils sont distribués varie selon les établissements.
« Quelques établissements scolaires disposent de produits menstruels dans les toilettes, c’est le cas de l'école George-mcdowell ou au Bureau du Conseil de Monterey. Les produits sont également disponibles par l'intermédiaire des enseignants des services aux élèves, du personnel de bureau, du personnel d'éducation physique et des agents de liaison communautaire. »
Au Collège Jeanne-sauvé, on trouve des produits menstruels gratuits au bureau des services pour les élèves. Pour Isabel O’brien et Chloe Crockford, le fait de devoir passer par le service aux élèves pour avoir des produits menstruels est problématique. « Tu ne devrais pas à avoir à demander ces produits », signale Chloe Crockford.
Isabel O’brien témoigne également d’une gêne à demander des produits menstruels à une personne adulte : « Beaucoup de personnes préfèreraient demander à une amie, c’est plus difficile d’en parler à une adulte. »
Darcy Cormack envisage également d’autres dispositifs : « Nous avons aussi parlé de réaliser une campagne d'affichage pour aider à la compréhension de ce qu'est la précarité menstruelle et s'assurer que notre communauté est informée sur le sujet. »
(1) Plan International Canada, Female and male views on menstruation in Canada, May 2019 : https://bit.ly/3gpssdz
(2) Faciliter l’accès aux produits menstruels, Mesures possibles (2021) : https://bit.ly/3utl3u8