Vers une ère des pandémies?
La pandémie du SARS-COV-2 a rappelé que les interactions entre les humains et les animaux pouvaient conduire à l’émergence de nouvelles maladies, difficilement contrôlables une fois répandues à travers le monde. Ibrahima Diallo, professeur de microbiologie et zoologie à l’université de Saint-boniface, fait le point.
O n appelle zoonose, une maladie qui atteint la population humaine à partir d’une source animale. Il s’agit de maladies très fréquentes comme le souligne Ibrahima Diallo, professeur de microbiologie et zoologie à l’université de Saint-boniface. Le SARS-COV-2 en est la preuve récente : « L’origine animale, on en parle de plus en plus, car les coronavirus sont présents chez les animaux, notamment chez les chauve-souris, les pangolins et aussi la civette. D’ailleurs, lorsqu’il y a eu l’épidémie du SARS-COV en 2003, on parlait déjà de la civette. »
Ces animaux ont en commun d’être carnivores et de ne pas tomber malades. « Ce sont juste des espèces-réservoirs, décrit Ibrahima Diallo, c’est ce qui rend difficile la détection et le contrôle des épidémies. Ces espèces-réservoirs participent majoritairement au cycle de reproduction d’un agent pathogène. »
La transmission du virus Ebola pourrait également être liée à des espèces-réservoirs : « Les chauves-souris, le pangolin et d’autres animaux de brousse pourraient servir de réservoir, affirme Ibrahima Diallo. Quand on mange ou manipule ces mammifères sans précaution, on peut attraper le virus. Des recherches sont encore en cours. »
Ibrahima Diallo évoque d’autres exemples de contamination de l’humain par l’animal : « L’être humain peut également être contaminé par la maladie du charbon en ingérant de la viande ou en entrant en contact avec le sang d’animaux infectés. Le sang contaminé est tellement dangereux que les champs contaminés ont été nommés les champs maudits.
« La trichinose est une zoonose due à un parasite et les humains peuvent être contaminés en mangeant de la viande de porc ou de sanglier.
« Enfin, des prions peuvent également se transmettre dans la viande d’un animal atteint par la maladie de la vache folle et provoquer la maladie de Creuztfeldt-jakob chez les humains. »
Dans d’autres cas, les maladies se propagent par l’intermédiaire d’un vecteur, comme le moustique : « On peut citer les exemples de la dengue, de la malaria, la fièvre du Nil, la fièvre jaune, le chikungunya, l’encéphalite équine. » Un autre vecteur est la tique, dont la piqure transmet la bactérie Borrelia burgdorferi, responsable de la maladie de Lyme.
Ibrahima Diallo insiste sur la malaria, également connue sous le nom de paludisme : « La malaria c’est un tueur silencieux. Toutes les deux minutes, un enfant en meurt et chaque année plus de 200 millions de nouveaux cas sont identifiés à travers le monde. » D’après le Rapport 2021 sur le paludisme dans le monde, publié par l’organisation mondiale de la santé, le paludisme est responsable, en 2020, de 627 000 décès à travers le monde. Le rapport souligne d’ailleurs que 47 000 décès ont résulté des perturbations dans les services de santé à cause de la pandémie de la COVID-19.
| L’activité humaine, principale responsable
Pour le docteur en zoologie, l’apparition et la propagation des zoonoses sont directement imputables à l’activité humaine :
« De plus en plus, l’être humain interfère sur son environnement. En se rendant dans des forêts tropicales par exemple, il entre en contact avec une faune sauvage, potentiellement porteuse de nouveaux patho-gènes et auxquels son système immunitaire n’a jamais été exposé. » Les voyages et les échanges internationaux facilitent ensuite la propagation des nouvelles maladies. « On va vers les microbes et on les disperse ensuite avec les moyens de transport », commente Ibrahima Diallo.
En 2020, un rapport à l’initiative du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et de l’institut international de recherche sur l’élevage (ILRI), liait l’émergence des zoonoses à sept facteurs humains. Parmi eux, la demande accrue de protéines animales, l’intensification des pratiques agricoles non durables, l’exploitation accrue de la faune, l’augmentation des voyages et le changement climatique. (1)
Le réchauffement climatique est d’ailleurs une grande source d’inquiétudes pour Ibrahima Diallo : « Avec la fonte du pergélisol, on va peut-être avoir l’apparition de nouveaux virus vieux de plusieurs milliers d’années. Est-ce que ça va être dramatique? C’est une des préoccupations des scientifiques. » Ibrahima Diallo évoque aussi les migrations des espèces animales provoquées par le réchauffement climatique : « Cela peut être des mammifères, cela peut être des oiseaux, cela peut être des insectes, et c’est comme ça que l’on peut faire des rencontres non-voulues. »
Pour Ibrahima Diallo il faut donc s’attendre à l’apparition de nouvelles zoonoses dans l’avenir : « Dans la nature, quand il y a action, il y a réaction. Tant qu’on n’aura pas pris conscience de ce principe et tant qu’on continuera à interférer dans des environnements qui ne sont pas les nôtres, il faudra qu’on s’attende à des conséquences. »
À l’image de la pandémie du SARS-COV-2, la lutte et la prévention de ces maladies passera par tout le monde : « Être vigilant c’est continuer à faire des recherches et profiter des expériences du passé. La recherche pour lutter contre les maladies, ce n’est pas seulement l’aspect scientifique mais aussi l’aspect comportemental. Par exemple, avec Ebola, des Africains ont compris que certaines pratiques ancestrales et courantes, comme toucher ou embrasser le corps d’une personne décédée, favorisaient la propagation. Il s’agira donc de modifier nos comportements et nos habitudes. »
(1) Prévenir de prochaines pandémies, zoonoses et comment briser la chaîne de transmission, Programme des Nations Unies pour l’environnement et Institut international de recherche sur l’élevage, 2020.
« Être vigilant c’est continuer à HCKTG FGU TGEJGTEJGU GV RTQƂVGT des expériences du passé. » - Ibrahima DIALLO