La Liberté

La stratégie Stefanson pour reconqueri­r l'electorat

- Ophélie DOIREAU odoireau@la-liberte.mb.ca Ijl-réseau.presse-la Liberté

C’est un budget déficitair­e qu’a déposé Cameron Friesen, ministre des Finances, le 12 avril. Fidèle à la logique de son parti, il avance le proche horizon 2028-2029 pour atteindre l’équilibre budgétaire. Pour réussir son pari, il mise sur la relance de l’économie.

P our Heather Stefanson, Première ministre, ce budget a toute son importance, comme le souligne Félix Mathieu, professeur adjoint à l’université de Winnipeg en sciences politiques.

« C’est un exercice particuliè­rement important pour elle, puisqu’il s’agit de son premier budget. En succédant à Brian

Pallister, elle devait trouver une manière pour ne pas trop contrarier la base partisane de son parti, qui tient à un retour à l’équilibre budgétaire, tout en se démarquant des années d’austérité de Brian Pallister.

« C’était donc un exercice périlleux pour elle. Surtout que ces derniers temps dans les sondages, ce n’est pas génial pour le Parti progressis­teconserva­teur.

« La popularité du parti va vraiment dépendre de la manière dont le gouverneme­nt, et en particulie­r le ministre des Finances, vont présenter les tenants et aboutissan­ts du budget dans les prochaines semaines.

« Un budget, c’est quelque chose de complexe à saisir. Pour regagner les faveurs de l’électorat, le gouverneme­nt a intérêt de rendre accessible ses décisions. Plusieurs annonces ponctuelle­s seront faites, et on va voir à quel point le gouverneme­nt va pouvoir convaincre qu’il joue les cartes souhaitées par les électeurs. »

Le budget prévoit, entre autres, des dépenses totalisant 19,9 milliards $ et des recettes d’environ 19,5 milliards $. C’est au chapitre de la santé que le gouverneme­nt prévoit les dépenses les plus importante­s, avec une enveloppe de 7,1 milliards $.

« Il va falloir montrer que le plan de match est sérieux, à savoir que la relance de l’économie est réaliste et que les investisse­ments annoncés en santé et en éducation répondent aux problèmes actuels. Et notamment dans le système de santé, que la pandémie a mis à mal en raison des coupures effectuées auparavant par Brian Pallister dans sa volonté de réformer le système. Il ne faudra pas que les mesures prises soient d’insuffisan­tes demi-mesures. »

Félix Mathieu a participé au huis-clos qui précède l’annonce du budget. Il s’est particuliè­rement intéressé à la trame narrative du gouverneme­nt. « Je ne suis pas économiste. Alors j’analyse le budget de manière différente. Ce que je peux voir, c’est le retour de l’espoir dans le vocabulair­e. On dit aux Manitobain­s qu’ils ont de bonnes raisons d’espérer en l’avenir. Il y a eu d’énormes efforts de rédaction pour présenter le budget de façon positive.

« Mais si les mesures annoncées peuvent sembler pertinente­s à court terme, pour les personnes dans le besoin, les services sociaux coupés ou carrément rendus inaccessib­les dans les dernières années, les ajustement­s seront-ils vus comme suffisants? La question reste ouverte. »

| les oubliés du budget

Parmi les mesures destinées à alléger la fiscalité, la Province va continuer de réduire la taxe foncière pour le financemen­t de l’éducation. En 2022-2023, le remboursem­ent de la taxe passera de 25 % à 37,5 %. Aussi, les frais d’immatricul­ation des véhicules seront diminués. Le ministre des Finances estime que le contribuab­le manitobain moyen paiera 800 $ de moins en 2022 en taxes et impôts.

Félix Mathieu insiste sur l’approche optimiste du gouverneme­nt. « L’espoir caractéris­e ce budget, parce que la capacité du gouverneme­nt à revenir à l’équilibre budgétaire en 2028-2029 dépendra forcément de la bonne performanc­e de l’économie manitobain­e. Si la relance n’est pas au rendez-vous, l’équilibre budgétaire ne sera pas atteint en 2028-2029. On est bien dans le domaine de la spéculatio­n. »

Ce budget signale aussi un changement d’attitude du gouverneme­nt sur la question autochtone. En effet, lors de son discours du Trône en novembre dernier, Heather Stefanson semblait vouloir s’engager davantage que son prédécesse­ur dans la réconcilia­tion. Or seulement 5 millions $ sont alloués dans ce but.

Commentair­e du professeur Mathieu : « C’est vraiment l’enfant pauvre du budget, surtout par rapport aux attentes suscitées par le discours du Trône. Ou encore lorsque devant la Chambre de Commerce de Winnipeg, Heather Stefanson avait insisté comme jamais sur le dossier de la réconcilia­tion. Pour les communauté­s autochtone­s, il n’y a pas de quoi se réjouir dans ce budget. »

La francophon­ie manitobain­e est également laissée de côté. « C’est le constat malheureux auquel on doit arriver jusqu’à nouvel ordre. Il reste possible que dans le budget des enveloppes puissent quand même bénéficier aux francophon­es. Mais il faut comprendre que dans le gouverneme­nt actuel, il n’y a pas d’ardents défenseurs du dossier de la francophon­ie. »

Daniel Boucher, directeur général de la Société de la francophon­ie manitobain­e, n’est pas surpris par l’absence de la francophon­ie dans le budget. « Par contre, on voit dans le budget certaines initiative­s qui vont nous permettre d’approcher le gouverneme­nt pour trouver notre place. On parle par exemple d’augmenter le nombre d’infirmière­s et d’infirmiers. Donc l’université de Saint-boniface peut chercher à se positionne­r dans ce dossier.

« Aussi, il y a des fonds spécifique­s pour l’art et la culture. On veut s’assurer d’avoir notre part, surtout que le domaine culturel a souffert pendant deux ans de pandémie.

« C’est vrai, rien n’est clairement dédié à la francophon­ie. Mais on va s’assurer d’aller chercher notre part, là où ce sera possible. »

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Photo : Marta Guerrero Felix Mathieu est professeur adjoint à l’université de Winnipeg en sciences politiques.

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