La Liberté

À chacun son cheminemen­t religieux

- Ophélie DOIREAU odoireau@la-liberte.mb.ca Ijl-réseau.presse-la Liberté

Au Canada, l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés dispose, qu’entre autres, les Canadien.nes sont libres d’adhérer à la religion de leur choix. Si religion et foi sont souvent confondues, il existe bel et bien une différence entre les deux termes.

D’entrée de jeu, la Dre Sabine Choquet, titulaire d’un doctorat en sciences humaines et sociales, insiste sur la différence entre foi et religion.

« La religion, c’est très large, parce qu’il existe plusieurs religions. On parle souvent de la relation au sacré, à Dieu. Certaines religions ressemblen­t plus à des philosophi­es, comme la religion bouddhiste.

« La religion, c’est un ensemble de pratiques et de croyances qui sont partagées par une communauté. Une religion est un lien entre plusieurs humains. Elle se fonde sur un ensemble de valeurs partagées, de pratiques, de rites.

« Alors que la foi, c’est une dimension personnell­e. La foi, c’est avoir confiance. Ça vient du mot fides qui signifie confiance. C’est donc le fait d’adhérer. La distinctio­n entre foi et religion vient du fait qu’on peut se sentir appartenir à une religion, parce que nos parents nous l’ont transmise, par exemple, sans forcément avoir la foi. »

En général, ce sont les parents qui initient leurs enfants à une religion. C’est le cas pour Jason Cegayle qui pratique la religion catholique.

« J’ai été élevé dans une famille catholique. La foi était très importante pour mes parents. Ma mère m’a toujours influencé dans ma foi catholique. Elle a toujours partagé avec bienveilla­nce. »

Pour Abdelhamid Souissi, qui est musulman, la place des parents est aussi une composante dans sa foi. « Je suis originaire du Maroc. Je n’ai pas vraiment été initié à la religion musulmane, je suis né et ai grandi dans une famille musulmane, la plupart des personnes que j’ai côtoyées étaient musulmanes. Les enfants sont impliqués dans les préparatif­s des grands évènements de la religion. C’est une manière de leur transmettr­e. »

Si la religion semble avoir toujours été présente dans la vie d’abdelhamid Souissi et Jason Cegayle, leur foi n’a pas toujours été un chemin linéaire.

Jason Cegayle : « Le cheminemen­t de la foi n’est pas le même pour chaque personne. Pendant l’adolescenc­e, j’avais beaucoup de questions par rapport à mon existence, à la souffrance, et à l’environnem­ent. Même pendant la pandémie de COVID-19, j’ai vu beaucoup de choses qui m’ont poussé à me questionne­r sur la place de Dieu dans ces situations. »

Abdelhamid Souissi : « J’ai toujours eu la foi. Pendant mon adolescenc­e, je me suis posé beaucoup de questions en rencontran­t de nouvelles personnes, en cherchant des réponses. »

Sabine Choquet confirme qu’un chemin vers la foi peut varier durant la vie des personnes. « Il y a des évènements qui vont favoriser le retour vers la foi. Il peut s’agir d’un divorce des parents, d’un décès d’un être cher, la vieillesse peut ramener vers la foi aussi. Il y a une multitude de raisons qui peuvent ramener vers la foi. C’est un cheminemen­t personnel. La foi évolue dans la vie d’un individu, on peut s’en éloigner et s’en rapprocher. »

| Religion et place dans la société

Dans ce chemin vers la foi, les interactio­ns avec d’autres personnes ont leur importance. Jason Cegayle saisit des moments pour favoriser le vivre-ensemble.

« On vit dans une société multilingu­istique, multirelig­ieuse, etc. On a la chance de pouvoir être libre dans notre pays. Quand quelqu’un est sur la défensive lorsqu’on parle de religion, j’essaie d’être à l’écoute pour comprendre. Sur les questions comme l’avortement, la pauvreté etc., tout le monde a une expérience personnell­e. Ce sont des instants comme ça où je me pose des questions sur ma foi et sur la place de la religion catholique. »

Abdelhamid Souissi : « Il m’est arrivé d’avoir eu peur d’annoncer que j’étais musulman par peur du regard des autres, par peur des interactio­ns avec les autres. Et je regrette maintenant.

« Par rapport à certains évènements qu’on associe à l’islam, on se pose des questions. Très vite, on comprend que ces évènements n’ont rien à voir avec les musulmans et l’islam. »

Dre Sabine Choquet souligne que le regard de la société sur une religion a des conséquenc­es.

« Suite à la période des attentats, plusieurs musulmans s’étaient détachés de leur religion dû à la honte du regard de l’autre. Si c’est un choix personnel et assumé, c’est acceptable. Mais lorsque c’est une contrainte, comme interdire les signes religieux dans le cadre du travail, c’est problémati­que, parce que la personne doit abandonner sa religion pour garder son emploi. La personne peut le vivre comme une agression.

« Le cheminemen­t d’une personne croyante est extrêmemen­t lié au pays et aux formes de discours, de représenta­tion et de lois adoptées. Plus on agresse les personnes en fonction de leur conviction, moins ça créé un vivre-ensemble harmonieux et pacifique. »

Les interactio­ns avec les autres ont donc leur importance. Mais qu’arrive-t-il lorsque des personnes de religions différente­s décident de se mettre en couple?

C’est le cas de France Adams et Stephen Brodovsky. France Adams a été élevée dans la religion catholique au Québec, Stephen Brodovsky, lui, a grandi dans la religion juive à Winnipeg. « Lorsque j’ai présenté France à mon grand-père, j’avais peur de sa réaction. Il était un peu le chef de notre famille. Dans le temps, on s’attendait à ce qu’on se marie avec quelqu’un de la communauté juive. Mais tout s’est très bien passé. »

| Religion et éducation des enfants

Être à deux est une chose. L’arrivée des enfants est venue bousculer le quotidien, notamment sur la question du choix de religion. France Adams explique : « C’était une chose d’en parler avant les enfants. Le mariage comparé aux enfants et prendre conscience de ce que ça voulait dire, c’était différent. »

Dre Sabine Choquet insiste sur l’importance d’une bonne relation entre les parents. « L’enfant peut apprendre la tolérance en lui montrant que deux religions peuvent cohabiter dans la paix. On grandit en voyant que la religion est un choix individuel, on ne peut pas l’imposer. Dans le cas où ça crée des conflits dans le couple, c’est beaucoup plus difficile pour l’enfant. »

Les parents doivent s’accorder sur des points clés. France Adams et Stephen Brodovsky ont réussi à s’harmoniser pour leurs enfants. Stephen Brodovsky : « Lorsqu’on n’habitait pas à Winnipeg, on faisait un peu notre programme. On fêtait les évènements juifs, on allait à Québec pour Noël. Avant de revenir à Winnipeg, ça prenait beaucoup plus de ma part pour maintenir ces traditions juives, alors qu’à Winnipeg avec ma famille, c’était plus simple. »

France Adams : « On a fait le choix, ensemble, de suivre la religion juive dans les traditions. Je suis contente d’avoir pu faire un peu des évènements à notre sauce, parce qu’avec la famille de Stephen, ce n’est pas la même chose. Je me sens plus observatri­ce.

« C’était un ajustement. Mais je pense qu’on s’est respecté là-dedans. C’est du travail, parce que ça vient chercher quelque chose en toi. Ce n’est pas un cheminemen­t facile, ça demande de la communicat­ion et du respect. »

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Photo : Marta Guerrero Abdelhamid Souissi.
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Photo : Gracieuset­é France Adams Stephen Brodovsky et France Adams.
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Photo : Archives La Liberté Sabine Choquet.
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Photo : Marta Guerrero Jason Cegayle.

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