La Liberté

Briser normes et tabous autour de l'identité sexuelle

- Ophélie DOIREAU odoireau@la-liberte.mb.ca Ijl-réseau.presse-la Liberté avec des informatio­ns de Morgane LEMÉE et Jean-baptiste GAUTHIER

Au Canada, avant 1969, les activités sexuelles entre deux adultes du même sexe étaient considérée­s comme un crime. En 2019, les données de la police indiquaien­t que 263 crimes haineux étaient motivés par l’orientatio­n sexuelle de la victime. Un chiffre probableme­nt sous-estimé étant donné que de nombreuses agressions ne sont pas rapportées. Il reste donc du chemin à faire pour que la société canadienne soit davantage inclusive.

Il est important tout d’abord d’expliquer ce qu’orientatio­n sexuelle signifie. La sociologue et chercheuse spécialisé­e dans la diversité sexuelle et la pluralité des genres, Line Chamberlan­d, fait le point.

« L’orientatio­n sexuelle, c’est l’attirance vers d’autres personnes. L’attirance vers des personnes du même sexe ou du sexe opposé. Plus précisémen­t, l’attirance, c’est le désir et les fantasmes qu’on a.

« Il faut aussi penser à l’identité. Est-ce que cette caractéris­tique de mon identité est suffisamme­nt importante pour que je lui laisse une place et que je me décrive comme tel? Il n’y a pas toujours convergenc­e entre ces points. »

Pour Maxine Robert et Chantale Lavack, en couple depuis plus de 20 ans, il n’était pas question de se cacher. Maxine Robert : « On ne s’est jamais cachées. Même si parfois, il y avait des situations plus difficiles. C’était important d’affirmer qui on était. »

Chantale Lavack : « D’une certaine manière, Maxine, elle, peut le cacher, si elle le souhaite. Même si elle ne le fait pas. Mais moi, avec mon look, on sait que je joue pour l’autre équipe. Les gens l’assument avant que je leur dise. Pour moi, je suis juste là, je ne peux pas le cacher. Mais en même temps, je l’assume et je suis confortabl­e avec qui je suis. »

Cette volonté de s’affirmer, elle est nécessaire lorsqu’on fait partie d’une minorité, comme le rappelle Line Chamberlan­d.

« Les personnes qui ne correspond­ent à la norme doivent pouvoir nommer qui elles sont. Alors que les personnes dites dans la norme ne se questionne­nt pas.

« Si notre vécu est en dehors de la norme, on peut facilement être effacé. Quand on rencontre quelqu’un, généraleme­nt, il va assumer qu’on est hétérosexu­el, parce que c’est l’orientatio­n sexuelle la plus commune. C’est là où il y a un besoin de s’affirmer. »

Pour Chantale Lavack, les choses sont un peu différente­s : « Moi je m’identifie comme lesbienne. Depuis l’âge de 19 ans je suis out. J’ai l’impression que, maintenant, pour les gens, ce n’est plus un point de discussion. On peut tomber en amour avec qui on veut sans forcément s’identifier à une lettre du sigle LGBTQ2S+. C’est peut-être plus facile pour moi, parce que ma lettre a toujours été là. »

| Étiquettes ou pas?

Maxine Robert : « Je me suis toujours pensée hétéro (rires). Je ne m’étais jamais questionné­e. J’avais toutes sortes d’ami.es et puis avec Chantale, je me suis demandée qui j’étais. J’ai décidé que j’étais lesbienne, parce que j’avais l’impression que c’était mieux connu. J’aime les gens pour leur cerveau et pour leur personnali­té, plus que pour le corps dans lequel ils sont. Je n’ai pas de lettre et c’est tant mieux!

« J’imagine que suivant ton parcours, t’es content d’avoir une lettre, parce que tu peux retrouver une famille. Ça dépend des personnes. »

Pour Line Chamberlan­d, il est important de ne pas confondre affirmatio­n de soi et étiquette. « Les termes ne doivent pas devenir des étiquettes qui vont définir toute la personne. Les étiquettes sont réductrice­s. Il faut faire attention, surtout que bien souvent les étiquettes sont liées à des préjugés. »

Au Manitoba, on peut être une minorité dans la minorité linguistiq­ue. Kevin Prada, étudiant en psychologi­e spécialisé dans la recherche sur les population­s marginalis­ées, dont les population­s de minorité linguistiq­ue, sexuelle et de genre :

« Dans une recherche menée pour le Collectif LGBTQ* du Manitoba, on a remarqué que des personnes francophon­es LGBTQ2S+ ne se sentaient complèteme­nt acceptées ni dans l’une ou l’autre des communauté­s. C’est comme s’il était obligatoir­e de taire l’une de ces identités. Ça arrive généraleme­nt parce qu’on manque de ressources. »

Si on manque de ressources, c’est parce que la société vit dans un contexte d’ hétéro normativit­é, comme l’indique Kevin Prada.

«L’ hétéro normativit­é, c’est un thème qui revient très souvent. Pour moi, c’est un cadre dans lequel on a été socialisé : un homme et une femme forment un couple et c’est la seule chose possible. Le reste est difficilem­ent accepté, voire pas du tout.

« On a toujours un petit trac quand on rencontre de nouvelles personnes. On a l’impression de faire exploser la vision du monde de certaines personnes. Avoir le sentiment que ma vie c’est toujours un message, c’est beaucoup. »

Comme beaucoup de choses, chaque individu vit différemme­nt son expérience. Maxine Robert en parle : « Oui j’ai senti cette pression-là dans le passé. Il y a des drôles de questions : Oh t’es mariée? As-tu des enfants? Les gens sont généraleme­nt confus. »

Chantale Lavack : « Moi je n’ai jamais eu de pression de la part de personne de devoir être hétérosexu­elle. »

C’est avant tout une question de représenta­tivité et de visibilité dont parle Kevin Prada.

« Ce n’est que très récemment que l’on voit des personnage­s homosexuel­s qui ne sont pas juste des clichés. On peut enfin se voir avec des aspiration­s, des rêves, de manière organique. C’est important pour les jeunes d’avoir des modèles, pour qu’ils ne se sentent pas marginalis­és. »

Du travail reste cependant à faire, comme le pense Line Chamberlan­d.

« Un problème, c’est au niveau de l’absence d’éducation sexuelle ou alors quand il y en a une, elle repose sur des schémas binaires. Il faut changer cette manière de penser pour évoluer et que la norme inclut tout le monde. »

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Photo : Palud Photograph­y Chantale Lavack et Maxine Robert.
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Photo : Marta Guerrero Kevin Prada.
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Photo : Archives La Liberté Line Chamberlan­d.
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La diversité sexuelle
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