La Liberté

Comprendre et vivre la bispiritua­lité

Lorsque les colons sont arrivés en Amérique du Nord, ils ont amené avec eux des modèles hétéronorm­atifs qui ont influencé la manière dont sont perçus le genre et la sexualité, notamment chez les Autochtone­s.

- Ophélie DOIREAU odoireau@la-liberte.mb.ca Ijl-réseau.presse-la Liberté avec des informatio­ns de Morgane LEMÉE et Jean-baptiste GAUTHIER

Dans l’histoire, nombreuses sont les preuves que le modèle de couple d’un homme et une femme n’a pas toujours été partagé par tous. Line Chamberlan­d, sociologue et chercheuse spécialisé­e dans la diversité sexuelle et la pluralité des genres, en discute : « Des missionnai­res, des commerçant­s de fourrure ont pris des notes sur les comporteme­nts des communauté­s autochtone­s. Même si ces témoignage­s ne montrent pas la place sociale des personnes qu’on appellera

Berdaches. Les Européens ont juste retenu le côté sexuel : l’homosexual­ité qui était condamnée par l’église.

« On comprenait mal que des hommes s’habillent en femmes et fassent les tâches des femmes, parce que pour les Européens, c’était s’abaisser au niveau de la femme. La situation dérogeait à la norme de genre. »

En arrivant sur le territoire, les colons ont imposé leurs normes aux Autochtone­s comme l’explique Line Chamberlan­d. « Ils ont imposé des normes religieuse­s et juridiques, c’est la loi française qui va s’appliquer. Les homosexuel­s pouvaient être condamnés à mort, même si on retrouve peu de cas dans l’histoire.

« Pour l’église, l’homosexual­ité est un crime, parce que les actes sexuels entre deux hommes ou deux femmes n’ont pas de finalité reproducti­ve.

« Finalement, ce n’est que très récemment que des changement­s se sont faits sentir dans la société, à partir des années 1960. Pourtant, l’église ne bouge pas sur ses positions. Ce qui va venir bousculer, c’est la perte d’influence de l’église.

« Grâce à ça, il y a des Autochtone­s qui ont pu commencer à se réappropri­er leur identité puisque jusqu’ici, ils avaient une étiquette d’homosexuel ou de Berdache. C’est ainsi que le mot bispiritue­l est né. »

En imposant leurs normes, les Européens ont fait de ces Autochtone­s, une minorité sexuelle. Cory Vitt est Métis.se, iel s’identifie bispiritue­l.le et choisit les pronoms neutres. Il a fallu du temps pour qu’iel se réappropri­e son identité.

« Tout le monde a des définition­s pour chaque chose. En ce moment, il y a

indigiquee­r, il s’agit d’une personne autochtone qui s’identifie queer et bispiritue­lle. Ce dernier terme a été proposé aux débuts des années 1990, pour redonner du sens à une identité qu’on a perdu. Chacun est libre de choisir ce qui lui convient de mieux.

« Pour moi, je suis bispiritue­l.le parce que le terme crée un pont entre les genres, les cultures et l’héritage. »

Amaury Frotté, doctorant en anthropolo­gie sociale à l’école des hautes études en sciences sociales à Paris, détaille davantage ce qu’est la bispiritua­lité. « C’est une vaste question, puisque c’est un terme vaste qui englobe les identités queer, homosexuel­les, transident­ité, bisexuelle­s, mais dans le contexte autochtone spécifique­ment.

« Je dirais que c’est un terme qui permet de créer un dialogue entre les cultures autochtone­s et les cultures occidental­es.

« Le fait de se distinguer permet d’affirmer une spécificit­é autochtone sur ces identités pour ne pas être noyé dans les termes occidentau­x. »

Cory Vitt rejoint les propos d’amaury Frotté sur la question d’affirmatio­n de soi et de trouver sa place dans la société. « Si on vous donne le choix A ou le choix B et que vous ne rentrez dans aucune des cases, ça ne vous donne pas envie de participer à la société.

« Les Autochtone­s ont toujours été là. Bispiritue­l est peut-être un nouveau terme. Mais il y avait des termes spécifique­s dans chacune des langues autochtone­s. »

Pour Cory Vitt, son identité bispiritue­lle s’est très vite traduite dans la vie quotidienn­e. « Quand j’étais jeune, je voulais toujours être dans la cuisine avec les tantes, les grands-mères et les soeurs. C’est un souvenir très clair dans mon esprit.

« Je savais que j’étais différent. Les termes et les mots se sont vraiment développés dans les cinq dernières années. Avant, je n’avais pas les mots pour me décrire. Mais c’est mon expérience, chacun a son propre rythme. »

« [Bispiritue­l], c’est un terme qui permet de créer un dialogue entre les cultures autochtone­s et les cultures occidental­es. » - Amaury FROTTÉ

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Photo : Gracieuset­é Cory Vitt Cory Vitt.
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Photo : Gracieuset­é Amaury Frotté Amaury Frotté.
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La bispiritua­lité
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