| Le Musée des Beaux-arts se passe du français
Madame la rédactrice,
La fin de semaine passée, j’ai eu l’occasion de visiter l’exposition Kwaata-nihtaawakihk: A Hard Birth au Musée des Beaux-arts de Winnipeg. L’exposition porte sur la création de la province du Manitoba, en particulier sur le rôle fondamental qu’a joué la Nation métisse à cette fin. Dans le cadre de l’exposition, on présente de nombreux artefacts historiques ainsi que de nouvelles oeuvres créées par des artistes métis et autochtones pour commémorer le 150e anniversaire de l’entrée du Manitoba à la Confédération canadienne. C’est précisément dû à la centralité qu’occupe la culture métisse dans cette exposition que j’étais si déçu de voir qu’on ne pouvait voir une seule trace de français dans toute la galerie. Les affiches, les plaques à côté des oeuvres, même une citation de Louis Riel lui-même : tout s’exprimait uniquement en anglais (d’ailleurs, il me semble que le musée en tant que tel s’éloigne de l’autre langue officielle de la province du Manitoba : aucune affiche en français dans les autres expositions, site web non traduit en français…) Selon le site web du Musée des Beaux-arts, l’exposition a pour but d’inciter aux visiteurs à penser aux évènements de 1869-1870 et leurs conséquences qui se perpétuent, bien sûr, jusqu’à nos jours.
Mais comment peut-on rendre hommage aux contributions de la Nation métisse à l’histoire de la province, voire le pays, tout en affichant un mépris complet pour l’une des demandes fondamentales que Louis Riel et le peuple métis ont proposées au gouvernement canadien avant d’entrer à la Confédération : que le Manitoba soit une province officiellement bilingue, et que l’on ait le droit de vivre sa francophonie librement?
À l’entrée à l’exposition, il y avait écrit sur le mur une citation de Riel, uniquement en anglais. Elle disait : “Deeds are not accomplished in a few days, or in a few hours. A century is only a spoke in the wheel of everlasting time.”
Si Louis Riel était en vie aujourd’hui, il constaterait peut-être que l’un des buts principaux de ses ennemis — soit, l’extinction de la langue française dans l’ouest canadien — s’accomplira quelque cent cinquante ans plus tard non pas par malveillance, mais plutôt par insouciance.
Luc Moulaison, le 20 août 2022.