La Liberté

Vers un nouveau parti politique fédéral?

Dans le cas d’une victoire de Pierre Poilievre à la tête du Parti conservate­ur du Canada, le 10 septembre, la formation d’un nouveau parti par Jean Charest n’est pas à exclure.

- OPHÉLIE DOIREAU odoireau@la-liberte.mb.ca

A lors que Pierre Poilievre caracole dans les sondages pour remporter la course à la chefferie du Parti conservate­ur, le 10 septembre, l’idée de la création d’un nouveau parti fédéral par Jean Charest est une possibilit­é. Félix Mathieu, professeur adjoint à l’université de Winnipeg en sciences politiques, donne son avis.

« C’est envisageab­le de faire démarrer un nouveau parti de la part de M. Charest. D’ailleurs, Tasha Kheiriddin, la co-présidente de campagne de Jean Charest l’évoquait dans une entrevue à Radiocanad­a. Dans son livre, The Right Path, elle dit que son objectif n°1, c’est de rassembler la famille conservatr­ice sous un même toit, sous un même parti politique et de prendre le pouvoir.

« Toujours dans son livre, on comprend que si c’est Pierre Poilievre qui remporte la course et que ça crée un schisme, la nouvelle meilleure solution ça serait peut-être de créer un nouveau parti politique libéralcon­servateur. »

Cette posture de parti libéral-conservate­ur n’est pas forcément gagnante comme l’indique Félix Mathieu. « C’est un peu jouer avec les mots et je ne sais pas si en ce moment, ça serait gagnant. Mais son idée, c’est de créer une grande coalition à l’image de ce que John A. Macdonald gouvernait.

« Le problème avec cette posture idéologiqu­e centredroi­te c’est qu’actuelleme­nt, le Parti libéral représente un peu cette posture. Tant que le Parti libéral parvient à s’imposer comme parti de centre avec le Nouveau Parti démocratiq­ue à la gauche, ça va être difficile pour le Parti conservate­ur d’y arriver.

| Des décisions à prendre

« Après les résultats de septembre, il va y avoir des décisions qui vont s’imposer. Mais ça serait un scénario très intéressan­t pour le Parti libéral. Ça garantirai­t jusqu’à un certain horizon, le maintien au pouvoir des troupes libérales parce que l’opposition à la droite ou à la gauche seraient divisées. »

Pour Félix Mathieu, cette idée de la création d’un parti de coalition est significat­ive de l’état du Parti conservate­ur actuelleme­nt. « Ce qui risque de se produire avec la création d’un parti de coalition, c’est le renforceme­nt des divisons entre les familles conservatr­ices de l’est et celles de l’ouest.

« Parce que du côté de l’est, on est plus attaché à l’idée d’un Parti progressis­te-conservate­ur et du côté de l’ouest canadien, on se sent désillusio­nné de la politique fédérale qui se concentre sur les provinces de l’ontario, du Québec et de l’est. Alors ce schisme régional pourrait s’accentuer davantage, ce qui ne serait pas une bonne chose pour l’unité du pays.

« Cet aspect-là pour Jean Charest qui veut renforcer l’unité, qui a démarré sa campagne en Alberta, ça serait un revirement de situation. Il devrait prendre position malgré lui. »

Il semblerait que récemment seul Stephen Harper ait réussi à rassembler les membres conservate­urs autour de lui. Une stratégie bien pensée comme le relève Félix Mathieu.

« On a l’impression qu’il manque de leadership au sein du Parti conservate­ur pour réconcilie­r ces deux bases conservatr­ices. Le succès de Pierre Poilievre c’est de surfer sur cette base de mécontente­ment en plus d’être un orateur extrêmemen­t habile.

« À l’inverse, Jean Charest essaye d’être plus rationnel, moins dans l’émotion et cette stratégie semble moins payante. Il y a donc quelque chose de plus profond dans cette campagne.

| Des opinions différente­s

« Stephen Harper avait réussi à rassembler, il avait été très habile dans sa refonte du parti puisqu’il avait proposé un ensemble de valeurs sur lesquelles il était convenu que les membres s’accordent et ce qui était à l’extérieur de ces valeurs, on n’en parlerait pas parce que ça allait diviser. Cette stratégie marche tant que le chef du parti parvient à rassembler la famille autour de ces valeurs mais lorsqu’il part c’est extrêmemen­t difficile pour un nouveau chef d’y parvenir. »

Rhéal Teffaine, membre du Parti conservate­ur, préfère prôner l’union à quelques jours des élections. « Dans notre parti, il y a évidemment plusieurs tendances à l’intérieur. Les conservate­urs sont par principe des personnes avec des opinions. Ce n’est pas facile de réunir toutes ces opinions pour n’en former qu’une qui sera gagnante. Ça sera l’une des priorités du prochain chef : unir les positions des membres. Il y aura un effort à faire làdessus. »

Ces divisions, la potentiell­e création d’un nouveau parti, autant d’éléments qui montrent que les partis politiques tels qu’on les connaît ont besoin d’un renouveau. C’est un constat qu’a observé dans ses classes le professeur en sciences politiques.

« Les partis traditionn­els souffrent. Je fais un exercice avec mes classes à mon premier cours en demandant qui est membre d’un parti politique et aujourd’hui sur une classe de 60, il y en a seulement cinq ou six.

« Alors que des années en arrière, à cette question, il y aurait eu plus de la moitié de la classe qui était membre d’un parti. On comprend qu’il y a un militantis­me à la carte, on ne veut plus s’engager pour un programme englobant, on va militer en faveur de quelque chose de spécifique et on va se désengager une fois que le projet a été accompli ou qu’il a échoué. À cause de ce phénomène, l’adhésion de tous les partis est en déclin. »

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Photo : Marta Guerrero Félix Mathieu, professeur adjoint à l’université de Winnipeg en sciences politiques.
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