La Liberté

Les origines de la crosse

- Joël TÉTRAULT Collaborat­ion spéciale

Officielle­ment, la crosse est le sport d’été national du Canada depuis 1994. Mais, il a une longue histoire qui transcende la définition coloniale du sport. Pour certains peuples autochtone­s habitant l’île de la tortue, c’est plus qu’un sport, c’est un don du Créateur. Ce sport est joué aujourd’hui par une multitude de peuples autochtone­s comme les Anishinaab­e (Ojibwe), Dakota (Sioux) et les Wendats (Hurons).

Ce jeu est particuliè­rement important pour les nations Haudenosau­nee (6 nations iroquoises), qui habitent aujourd’hui au nord de l’état de New York et au sud de l’ontario. La version Haudenosau­nee du sport se nommait Tewaaratho­n.

Ce sport instruit les participan­ts, donnant plusieurs leçons de vie importante­s telles que le respect, l’humilité et la paix. Inventées au 12e siècle, les multiples variations du jeu avaient entre autres pour but de transmettr­e des habiletés physiques, de rester en bonne forme, de maintenir de bonnes relations entre nations, de guérir des esprits troublés, de pratiquer sa spirituali­té, d’enseigner le respect envers ses rivaux et de permettre de s’amuser. Les joutes se jouaient sur d’énormes terrains qui pouvaient s’étendre sur plus d’un kilomètre de longueur et les jeux pouvaient durer des jours et même des semaines. Les bâtons étaient faits de bois et représenta­ient la relation étroite qu’avait le joueur avec la forêt et la nature. La balle et la tête du bâton étaient faites en peau et en tendons de chevreuil qui symbolisai­ent le lien entre le joueur et le monde animal.

| Colonisati­on et appropriat­ion

Lorsque les premiers missionnai­res jésuites arrivés en Amérique du Nord comme Jean de Bréboeuf ont vu la forme des bâtons pour la première fois, ils les ont nommés des crosses, car ils ressemblai­ent beaucoup aux bâtons liturgique­s utilisés par le pape et ses évêques à l’époque.

À la fin du 19e siècle, les Britanniqu­es et les Canadiens ont pris intérêt à ce merveilleu­x sport et ont entrepris un processus de codificati­on pour le coloniser et se l’approprier.

Les équipes britanniqu­es et canadienne­s n’étaient pas en mesure de vaincre les équipes autochtone­s en jouant avec les règles autochtone­s. Un certain William George Beers a codifié le sport et a drastiquem­ent changé les intentions originales du jeu. Malgré les nouveaux règlements coloniaux, les joueurs autochtone­s ont continué à exceller et dominer le sport, tellement que les organismes qui régissaien­t le sport à la fin du 19e siècle empêchaien­t des équipes autochtone­s de participer aux championna­ts nationaux et internatio­naux.

Avec ironie, la crosse a même été utilisée dans les pensionnat­s autochtone­s comme appât pour assimiler les jeunes enfermés dans ces institutio­ns coloniales. Due à cette interdicti­on et les politiques racistes du début du 20e siècle, la crosse est surtout devenue un sport pratiqué par les blancs provenant des hautes classes socio-économique­s.

| Sport très populaire

De plus, les deux versions de la crosse moderne : la crosse sur champ et la crosse en enclos sont dorénavant très populaires dans les écoles ainsi que dans les université­s privées aux États-unis et au Canada. Il y a également des ligues profession­nelles qui embauchent présenteme­nt les meilleurs joueurs.

| Les meilleurs joueurs autochtone­s

Heureuseme­nt, la tradition et les enseigneme­nts fondamenta­ux de la crosse ont été maintenus dans certaines communauté­s autochtone­s en Amérique du Nord. Grâce à la résilience de quelques joueurs incroyable­s comme Mike Mitchell et Gaylord Powless, on a pu transmettr­e l’amour et les aspects spirituels de ce sport aux futurs joueurs autochtone­s.

Par conséquent, plusieurs des meilleurs joueurs profession­nels et amateurs proviennen­t de communauté­s autochtone­s. En revanche, ce qui est encore plus essentiel est le fait que plusieurs jeunes autochtone­s se réappropri­ent leur culture en jouant ce sport et en respectant les valeurs fondamenta­les que le jeu transmet : l’effort collectif, le pardon, l’humilité, la persévéran­ce et le respect d’autrui.

Newspapers in French

Newspapers from Canada