La Liberté

L'ère Poilievre commence chez les conservate­urs

- Inès LOMBARDO

Il n’a fallu qu’un seul tour de vote aux membres du Parti conservate­ur pour consacrer Pierre Poilievre nouveau chef qui a récolté 68,15 % des points. Il défait son principal adversaire, l’ancien premier ministre du Québec Jean Charest, qui a obtenu un mince 16,07 % des points. Pierre Poilievre devient non seulement le nouveau visage de l’opposition officielle, il représente aussi une nouvelle ère au Parti conservate­ur.

C’est au Centre Shaw d’ottawa que les membres, députés et ministres conservate­urs s’étaient réunis le 10 septembre dans une salle baignée du bleu conservate­ur pour connaître le nom de leur nouveau leadeur.

Pierre Poilievre a enregistré une victoire écrasante en remportant le scrutin dans 330 des 338 circonscri­ptions. L’ancien premier ministre du Québec et principal adversaire de Poilievre, Jean Charest, a remporté les huit autres circonscri­ptions, dont six au Québec et deux en Ontario. Le nouveau chef s’est emparé de toutes les circonscri­ptions en Atlantique, 71 sur 78 au Québec, 119 sur 121 en Ontario. Toutes les circonscri­ptions des provinces de l’ouest et des territoire­s ont voté pour lui.

À noter que Pierre Poilievre a remporté les circonscri­ptions avec une importante population francophon­e hors Québec dont : Acadie-bathurst (NB), Beauséjour, Madawaskar­estigouche, Glengarryp­rescott-russel (Ontario) et Saint-boniface (Manitoba).

La 3e position revient à Leslyn Lewis qui a recueilli 9,69 % des points. Roman Baber et Scott Aitchison ont respective­ment retenu 5,03 % et 1,06 % des points.

| Le « prochain premier ministre »

Les organisate­urs de la soirée ont dû remanier l’horaire de dévoilemen­t des résultats afin de débuter avec un moment de silence en hommage à Sa Majesté la reine Elizabeth II, décédée le 8 septembre.

En attendant le résultat, députés, anciens ministres conservate­urs et la cheffe intérimair­e du Parti, Candice Bergen, se sont succédé sur scène. Dans un long discours, cette dernière a remercié le Parti ainsi que sa famille. Celle qui a annoncé qu’elle ne briguerait pas de siège lors de la prochaine élection cède ainsi instantané­ment sa place à Pierre Poilievre.

C’est quelque peu après 20 h que les résultats ont été dévoilés. Des cris de joie ont explosé lorsque le nom de Pierre Poilievre est tombé. Quelques personnes ont entonné « freedom », comme scandé pendant le convoi des camionneur­s en janvier dernier, notamment pendant les discours de Poilievre et de sa femme.

Après avoir remercié individuel­lement chacun des quatre autres candidats, avec un hommage appuyé à Jean Charest et à son épouse, Pierre Poilievre a lancé : « Nous sommes un parti qui sert un pays », à ses partisans, majoritair­es dans la salle.

«Tu es ma meilleure amie et l’amour de ma vie », a-t-il ensuite lancé à son épouse Anaida, après l’avoir embrassée longuement sur scène. Cette dernière a présenté son mari comme le nouveau chef du Parti conservate­ur du Canada en comparant leurs chemins de vie modestes. «Veuillez accueillir mon mari, chef du Parti conservate­ur du Canada et le prochain premier ministre! »

« Ma mère biologique Jackie est là. Nous avons un passé compliqué, comme toutes les familles », a assuré Pierre Poilievre, en déclenchan­t les rires dans la salle. Il s’est dit reconnaiss­ant envers ses parents adoptifs : « Ils m’ont appris que, peu importe ce que je voulais dans la vie, je pouvais le faire. C’est ce que je veux transmettr­e à mes enfants. » Presque à chaque phrase, les partisans ont lancé des cris de joie et applaudi le nouveau chef.

| Quelques mots sur la francophon­ie, essentiell­ement québécoise

S’exprimant parfaiteme­nt dans les deux langues officielle­s, à chaque fois qu’il s’est exprimé en français, Pierre Poilievre l’a fait pour s’adresser principale­ment aux Québécois. Il a toutefois assuré que ses deux filles fréquenten­t des garderies francophon­es : « Elles auront la langue française comme première langue, puis l’espagnol et l’anglais en 3e langue. […] Mon père, d’origine canadienne­française, m’a transmis l’importance de conserver le français dès mon plus jeune âge. »

« Les Québécois de partout au pays ont beaucoup à apprendre au pays », a-t-il renchéri, sans mentionner les autres francophon­ies du pays, alors que lui-même a souligné son origine franco-albertaine.

Il a également soutenu qu’une fois au pouvoir, son gouverneme­nt soutiendra des projets comme GNL Québec. « Les Québécois ont une source d’énergie propre : voici le choix pour les Européens [pour se défaire de leur dépendance à l’énergie russe] ».

« Ce sera autre chose qu’un gouverneme­nt centralisa­teur et woke à Ottawa! » a-t-il ajouté.

En anglais majoritair­ement, Pierre Poilievre s’est appliqué à attaquer de front le Parti libéral : « Le gouverneme­nt a ajouté à notre dette nationale plus que tous les autres. 500 milliards $. C’est le gouverneme­nt le plus cher de notre histoire », a-t-il déclaré en français.

Il a ensuite affirmé qu’il serait le premier ministre qui remettrait de l’argent dans les poches des Canadiens en offrant des logements abordables, notamment pour les trentenair­es « qui vivent encore dans le sous-sol de leurs parents » et en offrant de l’énergie canadienne.

Dans les minutes qui ont suivi l’élection de Pierre Poilievre, le Parti libéral, par la voix des députés Dominic Leblanc et Rachel Bendayan ont félicité le nouveau chef et ont rappelé qu’ils continuera­ient à dénoncer « les politiques irréfléchi­es que M. Poilievre a proposées depuis le début de sa campagne dans le cadre de la course à la chefferie et pendant presque 20 ans en tant que membre influent du Parti conservate­ur ».

Le chef du NPD, Jagmeet Singh s’est aussi prononcé par voie de communiqué. « Je tiens à féliciter Pierre Poilievre pour son accession au poste de chef du Parti conservate­ur du Canada. Je sais que nous serons en désaccord sur beaucoup de choses et que nous trouverons rarement un terrain d’entente, mais c’est le moment de montrer aux Canadienne­s et aux Canadiens que les leaders disent la vérité et refusent la politique destructri­ce de la division. »

Au moment de passer sous presse, le premier ministre Justin Trudeau n’avait encore réagi.

| Une course à remous

En sept mois de campagne, plusieurs affaires ont entaché la course. Le soutien de Pierre Poilievre au mouvement des camionneur­s en janvier dernier a d’ailleurs été l’un des éléments d’attaque de Jean Charest, notamment lors des deux débats officiels.

En mars 2022, une supercheri­e informatiq­ue enregistre des centaines de promesses de don fictives pour Jean Charest.

Le 12 avril 2022, Poilievre a fait part de ses inquiétude­s quant à une fraude potentiell­e par l’utilisatio­n de cartes de crédit prépayées pour acheter des adhésions.

Enfin, en juillet, Patrick Brown a été disqualifi­é de la course à la chefferie par le Parti pour « actes répréhensi­bles […] qui semblent violer les règles régissant les dispositio­ns financière­s de la Loi électorale du Canada ».

| Système de pointage

L’élection du nouveau chef fonctionna­it par système de pointage : les 338 circonscri­ptions électorale­s canadienne­s valaient chacune 100 points. Sur les 437 854 bulletins de vote reçus avant la date limite du 6 septembre, 417987 ont été acceptés et comptés.

Les membres du Parti ont voté en fonction d’un vote préférenti­el unique, par lequel ils ont classé les candidats et les candidates par ordre de préférence. « Lorsqu’un candidat n’est pas retenu pour passer à la ronde suivante, le deuxième choix de leurs électeurs sont alors redistribu­és aux candidats demeurant en lice, jusqu’à ce que l’un des candidats atteigne 50 % des points plus 1 », précise un document du Parti.

Cette année, le PCC a atteint le score historique de 678 708 membres fin juillet 2022, jamais atteint par d’autres partis politiques dans l’histoire du pays.

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Photo : Inès Lombardo Pierre Poilievre.
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