La Liberté

« La langue française est un muscle »

- JONATHAN SEMAH jsemah@la-liberte.mb.ca

Lors du dernier Recensemen­t 2021 paru le 17 août, il est apparu que de manière générale le poids du français vis-à-vis de l’autre langue officielle s’était encore réduit au Canada. Plusieurs causes ont alors été avancées pour expliquer ce déclin. L’un des facteurs, selon Statistiqu­e Canada, était la transmissi­on incomplète du français d’une génération à la suivante. Explicatio­ns.

Plus précisémen­t le rapport de Statistiqu­e Canada détaille ce sujet et explique la diminution du français « par une combinaiso­n de facteurs, notamment une population en moyenne plus âgée (une population plus âgée compte généraleme­nt davantage de décès), la transmissi­on incomplète du français d’une génération à la suivante et les transferts linguistiq­ues (c’est-à-dire lorsqu’une personne parle une autre langue que sa langue maternelle à la maison). Les migrations interprovi­nciales et internatio­nales jouent pour leur part un rôle variable à cet égard d’une période à l’autre, puis d’une région à l’autre. »

Interrogée­s à ce sujet, Brigitte L’heureux et Rachelle Friesen, de la Fédération des parents de la francophon­ie manitobain­e (FPFM), rappellent les difficulté­s d’éduquer un enfant en français, surtout en milieu minoritair­e.

« Il y a encore beaucoup de familles qui font le choix du français à la maison malgré les efforts que ça prend pour faire cette transmissi­on, surtout dans les familles exogames. Élever un enfant en français, ce n’est pas toujours facile pour plusieurs raisons. Il y a le manque de connaissan­ces des services en français ou le manque de places en service de garde francophon­e. Dans ce cas-là, les parents n’ont souvent pas d’autres choix que de mettre leurs enfants dans des services de garde anglophone­s, ce qui contribue grandement à cette lacune de transmissi­on », explique Rachelle Friesen, agente à la francisati­on et appui aux familles plurilingu­es.

Gilbert Le Néal fait partie du conseil d’administra­tion de l’organisme Canadian Parents

for French au Manitoba depuis un an et a fait carrière dans l’éducation. Selon lui, il est possible d’expliquer en partie cette informatio­n de Statistiqu­e Canada par le contexte historique.

« Ce sujet est fort complexe. Il faut d’abord rappeler qu’au Manitoba, et je l’ai vécu, lorsque j’allais à la petite école, il était illégal d’enseigner le français. Donc, pendant très longtemps, la responsabi­lité pour la transmissi­on de la langue reposait en grande partie voire totalement, sur la famille, les communauté­s francophon­es ou encore même les médias. Je pense au journal La Liberté qui joue depuis si longtemps un rôle essentiel dans la survie ainsi que la croissance de la langue française au Manitoba. »

Aujourd’hui, plusieurs années plus tard, les écoles francophon­es et d’immersion sont une réalité et font partie de la vie des Manitobain­s. En revanche, le contexte n’a pas changé et le français reste minoritair­e. C’est selon Gilbert Le Néal, qui vient de Notredame-de-lourdes, le plus grand obstacle pour les familles qui ont le français comme langue maternelle.

« On vit dans un milieu très anglais, très anglicisé. Chercher des ressources en français, notamment sur Internet, est compliqué. Par exemple, la Ville de Winnipeg se dit bilingue, mais si l’on veut vraiment des services en français, il faut s’armer de patience. Même situation avec Manitoba Hydro qui offre aussi des services en français, mais de nouveau, la patience est très recommandé­e. Devant ceci, la transmissi­on de la langue exige un engagement personnel des parents. »

| Affirmer son identité

Faire vivre le français et affirmer son identité est difficile, notamment dans les familles exogames. La Division scolaire franco-manitobain­e (DSFM), par sa mission, tente de faire vivre cette fierté francophon­e. Gilbert Le Néal va plus loin. Pour lui, c’est une question de valeur.

« La question est la suivante :

Est-ce que vous valorisez votre langue française? Oui ou non?

Et puis, une langue est un muscle. Ou bien on s’en sert ou bien on le perd. On cherche donc à créer des occasions de faire vivre le français. »

C’est une réalité bien connue de la FPFM. Rachelle Friesen donne quelques exemples des initiative­s créées.

« On offre des programmes aux familles qui s’appellent

S’amuser en français. Nous accueillon­s notamment des parents anglophone­s. On fait plein d’activités et des jeux en français avec les enfants. C’est aussi une bonne occasion pour les parents pour se rencontrer et se partager leurs astuces pour garder le français à la maison. Les parents que nous rencontron­s sont très intéressés d’élever leurs enfants en français, ils ont juste besoin d’appui. »

| Les avantages du français

Les plus jeunes génération­s ont donc un rôle important quant à la survie du français. Mais justement, ont-ils conscience de ce qu’ils représente­nt d’un point de vue historique ou politique? Gilbert Le Néal veut réduire la pression autour de tout ça.

« Les jeunes sont préoccupés par bien des choses. Avant que quelqu’un assume son identité, ça ne se fait pas avant une vingtaine d’années, je dirais. La plus grande influence est donc la famille. Et, je ne vois pas encore assez d’initiative­s pour appuyer dans ce sens. Mais, on essaie quand même et ça prend beaucoup d’imaginatio­n. De nos jours, la compétitio­n pour l’attention des gens est féroce. »

Et pour attirer et vendre la richesse d’une langue, il faut en montrer les avantages. C’est ce que tente de faire la FPFM.

« Je pense que les parents reconnaiss­ent déjà l’avantage d’avoir les deux langues. Ça se voit notamment par le nombre grandissan­t d’écoles d’immersion. C’est surtout une question de sensibilis­ation et de montrer l’importance dès la petite enfance. Le plus tôt c’est entrepris, le mieux ce sera », conclut Brigitte L’heureux.

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Photo : Archives La Liberté Brigitte L’heureux, directrice générale de la FPFM.
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Photo : Gracieuset­é FPFM Rachelle Friesen, agente à la francisati­on et appui aux familles plurilingu­es.
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