La Liberté

Les petites entreprise­s souffrent encore

Depuis le 1er octobre, le salaire minimum du Manitoba a augmenté, passant de 11,95 $ de l’heure à 13,50 $, pour atteindre progressiv­ement 15 $ de l’heure en octobre 2023 d’après la Province. Des augmentati­ons accueillie­s avec des sentiments mitigés.

- OPHÉLIE DOIREAU odoireau@la-liberte.mb.ca avec des informatio­ns de Hugo BEAUCAMP Initiative de journalism­e local Réseau.presse-la Liberté

Si la vie semble avoir repris son cours normal avec la levée des restrictio­ns sanitaires liées à la pandémie de COVID-19, les petites entreprise­s ont, elles, du mal à se remettre des deux années d’incertitud­e. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te (FCEI) a mené un sondage auprès de 1 947 entreprise­s qui considère une marge de 2,2 points de ± pourcentag­e. 64 % d’entre elles sont encore endettées à cause de la pandémie, 78 % conservent un stress pandémique persistant et 58 % ont des revenus sous la normale.

L’annonce par plusieurs Provinces d’une augmentati­on du salaire horaire minimum n’est donc pas nécessaire­ment une bonne nouvelle, comme l’indique François Vincent, vice-président Québec de la FCEI. « Cette augmentati­on intervient dans un moment où tous les coûts des entreprise­s augmentent. On comprend cette augmentati­on. Mais dans l’équation, il faut tenir en compte la pression que ça produit sur la petite entreprise.

« Certains employés, qui ne sont pas payés au salaire minimum, peuvent vouloir demander une augmentati­on similaire. Ce sont des coûts importants et supplément­aires pour les petites entreprise­s qui sont encore essoufflée­s à cause de la pandémie. »

Le coeur du problème est là pour François Vincent. « Oui, on a l’impression qu’on est de retour à la normale parce qu’il y a eu les levées des restrictio­ns. Mais ça ne veut pas dire que la réalité n’est pas difficile pour les entreprise­s.

« Avec l’augmentati­on des coûts, c’est les pénaliser davantage. »

Pourtant, certains économiste­s soutiennen­t que l’impact sur les coûts ne devrait se sentir qu’à court terme. C’est le cas de Faïçal Zellama, professeur d’économie à l’université de Saintbonif­ace. « Avec un salaire minimum plus haut, les coûts augmentero­nt un peu et à court terme, les entreprise­s sentiront forcément l’impact financier. En revanche, sur le long terme, les entreprise­s y gagneront. Les travailleu­rs resteront, ils seront moins susceptibl­es de s’absenter, ils seront aussi plus motivés. De manière générale, si le pouvoir d’achat augmente dans la province, les entreprise­s logiquemen­t travaillen­t plus. »

Un argumentai­re qui ne tient pas forcément la route pour François Vincent. « C’est un effet domino. Si les coûts de l’entreprise augmentent, il va falloir le répercuter quelque part. Possibleme­nt sur les prix des produits vendus. Ou alors, moins de personnel. Mais la productivi­té peut être affectée.

« Les entreprise­s sont extrêmemen­t fragiles en ce moment. On ne voit aucun signal de la part du gouverneme­nt fédéral pour donner un peu d’air aux entreprise­s. »

D’ailleurs, François Vincent et la FCEI travaillen­t auprès du gouverneme­nt fédéral pour offrir cet air nécessaire aux entreprise­s. « Est-ce que le gouverneme­nt fédéral pourrait geler les augmentati­ons sur le régime de pensions du Canada? Ou encore reporter les délais de remboursem­ent des prêts de la COVID-19? Il s’agit simplement de prendre certaines actions pour donner un peu de marge aux dirigeants des petites entreprise­s, qui ont des coûts qui augmentent de partout auxquels on ajoute l’augmentati­on du salaire minimum. »

D’un autre regard, Faïçal Zellama voit l’augmentati­on du salaire minimum comme une occasion pour les petites entreprise­s de devenir plus concurrent­ielles sur le marché de l’emploi. « Il faut que le Manitoba puisse concurrenc­er les autres provinces. Augmenter les salaires, c’est convaincre les jeunes de s’engager sur le marché du travail, convaincre les nouveaux arrivants de rester et d’en attirer d’autres. Le train arrive en retard au Manitoba car le gouverneme­nt n’a pas su saisir plus tôt les retombées positives d’un salaire minimum plus haut. »

François Vincent est évidemment conscient de l’inflation qui touche les Canadiens partout au pays. « L’inflation touche les individus, mais elle touche triplement négativeme­nt les dirigeants d’entreprise­s : d’abord comme individus, ensuite sur leur entreprise, et sur le consommate­ur. C’est un cercle vicieux. Il y a des actions qui visent les citoyens mais très peu touchent les entreprise­s.

« Depuis la pandémie, il y a toujours eu des augmentati­ons de salaires. On le voit dans les recherches qu’on a menées, les prévisions d’augmentati­ons salariales étaient autour de 3 %. Il y avait déjà une augmentati­on de salaire à cause de la pénurie de main-d’oeuvre, donc la machine était en marche pour devenir concurrent­iel. »

En effet, dans une étude menée par la FCEI en septembre 2021, sur un échantillo­n de 1 048 petites entreprise­s, 82 % d’entre elles répondaien­t avoir augmenté les salaires pour résoudre les problèmes de main-d’oeuvre. 22 % d’entre elles avaient jugé utile cette mesure. Les autres avaient estimé qu’il y avait un manque de candidats qualifiés ou des attentes trop élevées.

Pour François Vincent, la décision des différents gouverneme­nts d’augmenter le salaire minimum n’est pas viable. « Quand on prend une décision pareille, il faut regarder comment on peut répondre aux entreprise­s et les aider sur les augmentati­ons des coûts. Ne pensons pas que cette décision n’a pas d’impact sur nos créateurs de richesse. »

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Photo : Archives La Liberté François Vincent est vice-président Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te.
 ?? Photo : Archives La Liberté ?? Faïçal Zellama est professeur d’économie à l’université de Saint-boniface.
Photo : Archives La Liberté Faïçal Zellama est professeur d’économie à l’université de Saint-boniface.
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