La Liberté

L’enfant de l’affaire Forest

- Me Guy Jourdain

L’ancien directeur général de l’associatio­n des juristes d’expression française du Manitoba a été honoré lors d’une réception le 11 octobre dernier. Il a bien voulu partager son discours avec La Liberté pour expliquer en ses mots comment il a fait du Manitoba sa province d’adoption.

Je suis un petit gars de Rivière-du-loup dans l’est du Québec. Comment diable se fait-il que j’ai consacré quarante ans de ma vie à défendre et à promouvoir le français au Manitoba. Et bien, la réponse est toute simple : je suis un enfant de l’affaire Forest. Dans ce célèbre arrêt, la Cour suprême du Canada a invalidé The Official Language Act de 1890 et elle a rétabli le bilinguism­e des lois et des tribunaux au Manitoba.

Dans la foulée de cette décision, toutes sortes de choses se sont produites au début des années 1980. En premier lieu, l’assemblée législativ­e du Manitoba a recommencé à adopter ses lois en français et en anglais. Par conséquent, le gouverneme­nt du Manitoba a lancé une campagne nationale pour recruter des traducteur­s juridiques, c’est-à-dire des juristes s’intéressan­t aux langues. C’était moi tout craché et j’ai été engagé. L’affaire Forest m’a donc donné un gagne-pain.

En second lieu, l’affaire Forest et, peu de temps après, l’affaire Bilodeau ont entraîné des négociatio­ns qui ont débouché sur un accord historique. La Constituti­on allait être modifiée pour garantir aux Franco-manitobain­s l’accès à des services dans leur langue de la part du gouverneme­nt provincial. Tout cela a créé un climat d’optimisme, de frénésie et d’exubérance absolument incroyable­s chez les francophon­es et, en particulie­r, chez les juristes francophon­es. J’ai eu la piqûre et j’ai pleinement embrassé ce rêve un peu fou d’insuffler une vie nouvelle au contrat social ou au pacte solennel conclu lors de l’entrée du Manitoba dans la fédération canadienne en 1870. Les retombées de l’affaire Forest m’ont ainsi donné un idéal qui m’a guidé et m’a animé pendant toute ma carrière.

Reportons-nous maintenant au passé plus récent, soit à mon retour à L’AJEFM en 2019. Je suis profondéme­nt heureux d’avoir choisi d’investir mes talents et mon énergie pour aider à relancer cet organisme qui avait été essentiell­ement inactif pendant plusieurs années. Je me sentais véritablem­ent chez moi à L’AJEFM et je crois avoir a eint mes objectifs.

Je ne vous cacherai pas que, pendant mon parcours profession­nel, il y a eu des moments où j’avais l’impression de prêcher dans le désert. Cela dit, je suis fortement encouragé par la nouvelle donne ou le nouveau paradigme au sein de la francophon­ie manitobain­e. En ce qui a trait au domaine du droit, je répète souvent que le nombre croissant d’immigrants francophon­es et de diplômés des écoles d’immersion française engendre une dynamique très prome euse concernant l’offre et la demande de services juridiques en français.

À ce chapitre, je suis enchanté que L’AJEFM joue un rôle de leadership, en collaborat­ion avec ses partenaire­s, pour aider à créer une nouvelle génération d’avocats et d’avocates qui possèdent les compétence­s juridiques, linguistiq­ues et intercultu­relles nécessaire­s pour offrir des services de qualité à la clientèle francophon­e.

Je tiens à remercier chacun et chacune d’entre vous d’avoir partagé mon idéal et de m’avoir épaulé pendant les dernières années. Je veux adresser des remercieme­nts particulie­rs aux membres du conseil d’administra­tion et du personnel de L’AJEFM. Je désire exprimer ma gratitude à mes présidents, Me Alain Laurencell­e et le professeur Gerald Heckman, qui m’ont toujours soutenu, dans les bons comme dans les moins bons moments. Je veux aussi dire un merci tout spécial à Tarik et à Aarti qui prennent la relève avec conviction et déterminat­ion et qui sauront mener le navire à bon port.

Enfin, mon trajet de carrière n’aurait pas été possible sans l’appui constant et indéfectib­le de Rika, ma femme. Entre autres, elle a su écouter pendant des décennies mes palabres interminab­les sur la francophon­ie. Je la remercie du fond du coeur et je l’embrasse très fort.

Je n’occupe plus un poste à temps plein mais ma participat­ion et mon engagement ne sont pas terminés. Par exemple, vous me rencontrer­ez peut-être sur votre chemin à décortique­r le sens des mots et à expliquer la distinctio­n entre « légal », « juridique » et « judiciaire » ou encore la différence entre « royauté » et « redevance ».

En bout de piste, je ne vous dis pas adieu. Ce n’est qu’un au revoir!

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