La Liberté

La puissance symbolique de l’unanimité de la Chambre des communes

- Michel LAGACÉ mlagace@la-liberte.mb.ca

Le génocide est un mot si puissant et si horrible que l’on doit s’en servir avec parcimonie. Parce qu’il a fait l’objet d’une stricte définition de la part des Nations Unies, la Commission de vérité et réconcilia­tion, dans son rapport de 2015, a voulu y ajouter une dimension culturelle.

Elle a donc qualifié de « génocide culturel » ce que les Églises et les gouverneme­nts ont fait subir aux enfants autochtone­s qui ont été envoyés dans des pensionnat­s. Le pape François a aussi évité de parler de génocide dans les discours soigneusem­ent préparés qu’il a prononcés en sol canadien l’été dernier. Il s’est limité à s’excuser pour les actes de « plusieurs chrétiens » et « membres de communauté­s religieuse­s » qui auraient collaboré aux projets d’assimilati­on et de destructio­n culturelle échafaudés par les gouverneme­nts. Il s’est bien gardé de reconnaîtr­e la responsabi­lité de l’église comme institutio­n dans la réalisatio­n de ces projets. Toutefois, une fois à bord de l’avion qui le ramenait à Rome, le pape a finalement osé qualifier de génocide tout court le traitement infligé aux peuples autochtone­s.

La semaine dernière, un autre pas a été franchi pour reconnaîtr­e le traitement des peuples autochtone­s au Canada. Contrairem­ent à l’année dernière, les députés à la Chambre des communes ont donné leur consenteme­nt unanime en faveur d’une motion déposée par la députée néo-démocrate de Winnipeg, Leah Gazan. Cette motion demandait au gouverneme­nt fédéral de reconnaîtr­e que les élèves des pensionnat­s avaient bien été victimes d’un génocide.

Il faut souligner la dimension symbolique de cette motion qui n’a pas reçu de vote formel et qui ne reflète pas nécessaire­ment les politiques officielle­s du gouverneme­nt. Elle a tout simplement été adoptée parce qu’aucun député ne s’y est opposé. Il reste maintenant à voir quelles suites concrètes le gouverneme­nt voudra donner au geste historique de la Chambre des communes.

Chose certaine, l’adoption unanime de cette motion reflète la sensibilit­é croissante du public face aux politiques génocidair­es du Canada contre les peuples autochtone­s. Il devient ainsi de plus en plus difficile de nier les conséquenc­es désastreus­es de l’établissem­ent des pensionnat­s autochtone­s. Nous nous approchons peut-être d’une reconnaiss­ance de l’histoire du Canada telle qu’elle s’est véritablem­ent déroulée, une étape prometteus­e vers la création d’une société canadienne plus juste et plus équitable.

La motion de la Chambre des communes constitue un pas significat­if vers l’acceptatio­n de la vérité, condition essentiell­e à une véritable réconcilia­tion. Telle est la force des symboles.

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