La Liberté

FAUNE HIVERNALE : GARDONS NOS DISTANCES

L’hiver s’en vient… et avec lui, plusieurs changement­s : sur nos habitudes, notre moral aussi. Mais nous ne sommes pas les seuls à être impactés par ce bouleverse­ment. Le monde animal aussi s’adapte et évolue au fil des saisons.

- HUGO BEAUCAMP hbeaucamp@la-liberte.mb.ca

À l’approche de l’hiver, alors que la faune s’active ou se terre, Zoé Nakata (à gauche) directrice du centre de réhabilita­tion Wildlife Haven et Fanny Peytoureau (à droite) vétérinair­e, rappellent aux amoureux et curieux de la nature que l’interventi­on humaine peut avoir des conséquenc­es désastreus­es sur les animaux sauvages. Rencontre aussi avec Jacques Bourgeois, du Marais Oak Hammock, qui en profite pour nous rappeler les particular­ités d’hibernatio­n de certaines espèces surprenant­es.

Alors que les Manitobain­s allument le chauffage, empilent les bûches près du foyer, ressortent les bottes, les mitaines et les tuques, on devine que l’hiver arrive. Un peu comme nous, les animaux de la province eux aussi s’activent et se préparent à faire face, ou fuir, la saison froide. Jacques Bourgeois, chargé de la communicat­ion au Marais Oak Hammock explique :

« Nous sommes dans une période de transition pour la faune. Beaucoup d’espèces d’oiseaux et d’oies vont nous quitter et migrer vers le sud. À l’inverse, d’autres, qui nichent normalemen­t plus au nord, vont rejoindre notre territoire pour y passer l’hiver. C’est le cas notamment du Harfang des neiges. Étant l’un des seuls hiboux capables de chasser de jour, il fuit la noirceur de l’hiver arctique. »

| Des espèces surprenant­es

Pour ceux qui ne volent pas, la relocalisa­tion n’est pas toujours envisageab­le, les comporteme­nts doivent donc s’acclimater. Et la nature peut être surprenant­e. Le passionné de nature poursuit : « Les spermophil­es de Richardson, par exemple, passent l’hiver sous terre. Lorsqu’ils hibernent, leur rythme cardiaque passe de 200 battements par minutes à seulement cinq. C’est presque un état de mort et les scientifiq­ues s’intéressen­t à ce phénomène pour les voyages dans l’espace. »

Sans les citer tous, le mode d’hibernatio­n des grenouille­s des bois vaut la peine d’être cité tant il est fascinant. « Elles vont se laisser complèteme­nt geler jusqu’à l’arrêt même de la circulatio­n de leur sang. Leur sang chargé en glucose va alors venir protéger les organes vitaux. Cryogénisé­es, elles deviennent des petites boules de glace et passent l’hiver dans la vase dans les marais. »

Une certaine portion des espèces présentes au Manitoba font donc le choix de faire l’autruche dès lors que les températur­es descendent sous zéro. Mais contrairem­ent à l’ours ou à la moufette, d’autres s’activent pour rechercher et stocker de la nourriture. Soit pour se donner la force de voyager où la neige n’ira pas, ou simplement pour remplir le garde-manger. On pourrait alors être tenté de les aider. Mais Zoé Nakata, directrice du centre de réhabilita­tion Wildlife Haven avertit : « Les nourrir, c’est leur nuire. Il faut laisser les animaux sauvages avoir un comporteme­nt naturel et se préparer eux-mêmes pour l’hiver. »

D’autant plus qu’une alimentati­on non-adaptée peut avoir des conséquenc­es désastreus­es sur les animaux, comme ce fût le cas pour les canards colvert du parc Saint-vital de Winnipeg qui ont développé le syndrome de « l’aile d’ange » après avoir mangé du pain.

| Savoir garder ses distances

« S’ils sont nourris, ils risquent de retarder leur migration ou de faire moins d’effort pour trouver de la nourriture. La meilleure chose à faire, conclut Zoé Nakata, « c’est de toujours garder une distance avec les animaux sauvages. Des propos que Jacques Bourgeois corrobore : « On encourage les gens à les laisser trouver leur propre nourriture. Certains aliments transformé­s par l’homme leur donnent l’impression qu’ils sont assouvis, mais leurs teneurs alimentair­es ne sont pas suffisante­s.

« Ici les gens aiment nourrir les oiseaux, il faut alors qu’ils s’assurent de leur donner des aliments qu’ils pourraient trouver naturellem­ent comme des graines de tournesol. » Rappelons tout de même que nourrir les animaux sauvages est interdit et passible d’amendes allant jusqu’à 10 000 $.

Avec la pandémie, les activités en plein air ont eu la part belle au détriment de nos amis à poils et à plumes comme le souligne Zoé Nakata « C’était la seule option de sortie des gens. Il y a donc eu plus de conflits d’usage entre l’homme et les animaux. On a relevé plus d’accidents de voiture, mais aussi des incidents avec les animaux de compagnie. » Bien sûr, il ne s’agit pas de cantonner les gens chez eux, mais plutôt de leur faire prendre conscience de l’impact qu’ils peuvent avoir sur la faune.

| Sensibilis­er

De manière générale, il est recommandé de n’avoir aucune interactio­n avec les animaux sauvages, mais l’interventi­on humaine peut être envisagée lorsqu’elle « intervient en dernier recours. » Fanny Peytoureau, vétérinair­e au sein du centre situé à Île-des-chênes revient sur le rôle de l’équipe du Wildlife Haven : « On reçoit des animaux blessés de tout le Manitoba et on les soigne quand c’est possible. Mais une grosse partie de notre rôle c’est la sensibilis­ation, il s’agit d’ailleurs de la moitié du travail car si les gens s’en tiennent à ce qu’il ne faut pas faire, on a moins d’animaux à soigner (1). »

Finalement, pour que l’hiver se passe au mieux, il vaut mieux ne pas essayer de s’approcher ou de toucher les animaux sauvages (même les bébés), ne pas nourrir ses animaux de compagnie dehors en les laissant sans surveillan­ce et ne pas sortir ses ordures avant le matin du ramassage. La nature est bien faite, mais elle est aussi fragile, alors laissons-lui l’espace dont elle a besoin.

(1) En cas de question, le standard de Wildlife Haven est joignable tous les jours au 204 878 3740.

« Les nourrir, c’est leur nuire. Il faut laisser les animaux sauvages avoir un comporteme­nt naturel et se préparer eux-mêmes pour l’hiver. »

- Zoé NAKATA

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photo : Marta Guerrero
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Photos : Marta Guerrero Zoé Nakata, directrice du centre de réhabilita­tion Wildlife Haven et Fanny Peytoureau, vétérinair­e. Cette année, entre 2 500 et 3 000 animaux ont été recueillis par les équipes de Wildlife Haven.
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Jacques Bourgeois est un passionné de la nature qui lutte pour faire reconnaîtr­e l’importance environnem­entale des terres humides
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