La Liberté

Le mitchif se fait sa place sur les médias sociaux

- JONATHAN SEMAH jsemah@la-liberte.mb.ca

Considéré comme une langue menacée, le mitchif a peut-être trouvé un nouveau moyen de s’exprimer. Samson Lamontagne, enseignant à Saskatoon, a eu l’idée de donner des cours de mitchif sur les réseaux sociaux. Un moyen pédagogiqu­e et moderne pour préserver cette langue autochtone.

En 2016, Statistiqu­e Canada dénombrait 1 170 personnes s’identifian­t comme locuteurs du mitchif, la langue traditionn­elle des Métis. C’est en partie pour éviter que cette langue disparaiss­e complèteme­nt que Samson Lamontagne, 39 ans, a cherché un moyen de la partager. Pendant la COVID-19, quand l’enseigneme­nt se faisait à distance, c’est à ce moment qu’il a commencé ses premières vidéos sur les médias sociaux.

« J’ai posté mes premières leçons. Les classes étaient mises en pause, je voulais simplement partager ce que j’avais appris venant des gardiens de la langue de ma communauté de la naasyoon di Michif. Je suis ravi de voir et recevoir le soutien de beaucoup de monde au Canada et même aux Étatsunis. »

C’est grâce à un cours donné à l’université de la Saskatchew­an que Samson Lamontagne a appris le mitchif il y a une dizaine d’années. Sur Tik Tok, Instagram ou encore Youtube, l’enseignant offre des vidéos courtes pour connaître les bases de la langue. Se présenter, dire les salutation­s de base ou avoir un peu de vocabulair­e sont autant qu’il est possible de retrouver dans ses vidéos.

« Les réseaux sociaux, c’est gratuit, accessible, on a juste besoin d’un téléphone, un ordinateur et l’accès à Internet. »

Et sur Internet, le public est également plus jeune, notamment sur les médias sociaux. Selon Samson Lamontagne, enseignant depuis huit ans, c’est un moyen parfait pour faire connaître cette langue et surtout la partager facilement au plus grand nombre.

« La plupart des jeunes sont sur leur téléphone, c’est donc une très bonne façon de connecter avec eux. La raison pour laquelle j’ai commencé à étudier puis enseigner le mitchif, c’est parce qu’elle est en voie de disparitio­n.

« Mon souhait et mon devoir sont d’aider à préserver et promouvoir la langue de mes ancêtres. Chaque étudiant qui apprend le mitchif aide à raviver la langue, mais contribue aussi à répondre aux actions établies par la Commission de vérité et de réconcilia­tion. J’estime que chaque Canadien devrait apprendre une langue autochtone pour aider à la réconcilia­tion. »

| Une initiative saluée

Samson Lamontagne admet qu’il faut du temps pour apprendre le mitchif et que lui-même est encore en train d’apprendre. La prononciat­ion est délicate notamment. Il indique tout de même que c’est plus simple à apprendre si l’on connaît déjà le cri ou le français. « J’ai toujours dit à mes étudiants : Notre cerveau est très puissant. Les personnes qui pensent que c’est difficile commencent avec un mauvais était d’esprit. Il faut être ouvert et les progrès se font rapidement. »

Dans ses dizaines de vidéos publiées, les commentair­es sont très positifs. C’est notamment ce qui donne à Samson Lamontagne l’envie de continuer. « Je dis un gros merci aux gens. Je remercie aussi les gardiens de la langue qui m’ont appris. Ils pensent d’ailleurs que c’est bien, car leurs petits-enfants ne parlent pas le mitchif. Je suis comme un pont entre plusieurs génération­s. Beaucoup de personnes m’encouragen­t et veulent m’aider à faire plus. »

Interrogée à ce sujet, Paulette Duguay, présidente de l’union nationale métisse Saint-joseph du Manitoba (UNMSJM), voit d’un très bon oeil cette initiative. « Je ne suis pas branchée sur les réseaux sociaux, je ne suis pas de cette génération. Mais je sais que les jeunes et les moins jeunes raffolent de ces nouveaux moyens de communicat­ion, alors je dis pourquoi pas! C’est une très bonne façon d’apprendre et j’encourage tout le monde à s’y intéresser. »

Paulette Duguay voit d’ailleurs cette initiative très complément­aire avec ce que l’union propose au Manitoba pour le mitchif-français. D’abord, un dictionnai­re de mitchif-français avait été publié en 2016 puis depuis deux ans maintenant, L’UNMSJM propose des cours de mitchiffra­nçais dans le salon Empire du Centre du patrimoine, au 340 boulevard Provencher.

Les cours ont eu lieu fin octobre et début novembre, mais Paulette Duguay espère bien les renouveler prochainem­ent. « L’intérêt est là donc il y en aura d’autres. Puis ces cours représente­nt surtout pour les Métis français une autre façon de réclamer leur identité. Ça permet d’être valorisé et même célébré pour toutes ces années où ils ont été bafoués et rabaissés. Maintenant, on remonte la pente, et les cours, c’est une façon d’obtenir une validation. Je suis très contente des efforts de l’union sur ce sujet. »

Samson Lamontagne va d’ailleurs dans le sens de Paulette Duguay. Il rappelle les raisons historique­s qui font que le mitchif a quasiment disparu. « Après la Bataille de Batoche en 1885, il y a eu beaucoup de racisme et de discrimina­tion envers les Métis. C’était dangereux de parler la langue en public. Les grands-pères et les grands-mères ont dû arrêter d’enseigner la langue pour protéger leurs familles. Mais maintenant, il est venu le temps de la revitalisa­tion de langue mitchif. »

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Photo : Gracieuset­é Samson Lamontagne Samson Lamontagne, enseignant à Saskatoon.
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Photo : Marta Guerrero Paulette Duguay, présidente de L’UNMSJM.
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