La Liberté

Il faut des solutions durables

- OPHÉLIE DOIREAU odoireau@la-liberte.mb.ca

Trois ans après la publicatio­n du rapport final de l'enquête nationale sur les femmes et les filles autochtone­s disparues et assassinée­s (FFADA), le changement structurel nécessaire est un travail de longue haleine qui peine à se mettre en place.

Dre Karine Duhamel, directrice de cette recherche, a rédigé le rapport final. Elle donne une conférence à ce sujet, le 24 novembre à l’université de Saintbonif­ace (USB).

Sous l’impulsion du Collectif Vérité et Réconcilia­tion et de l’université de Saint-boniface, Dre Karine Duhamel donne une conférence (1) dans les locaux de L’USB pour faire un point sur le rapport final de l’enquête nationale. Une initiative saluée par Dre Karine Duhamel. « La conférence est inspirée par le fait que trois années se sont écoulées. C’est une réflexion sur le progrès qui a été accompli et sur ce qu’il reste à faire. »

En effet, si la Gendarmeri­e royale canadienne reconnaît 1 200 cas de femmes et de filles autochtone­s disparues et assassinée­s, les groupes autochtone­s estiment plutôt ce chiffre autour de 4 000. Une différence significat­ive qui montre que le chemin pour instaurer un cadre structurel réparateur est encore long. L’enquête nationale avait émis 231 appels à la justice lors de la publicatio­n de leur rapport. « Ces 231 appels à la justice sont des changement­s de société, qui demandent du temps. Il y a eu de l’investisse­ment fait dans le budget fédéral de 2021 à différents endroits pour qu’on puisse travailler sur ces changement­s de société.

« Beaucoup de militantes continuent d’attirer l’attention du public sur le besoin de mettre en action les 231 appels à la justice. À date, certains n’ont toujours pas été abordés comme le système de justice, le système de la protection de l’enfance, ou encore le système de l’éducation. »

Dre Karine Duhamel reconnaît qu’il peut être difficile pour un individu de trouver sa place dans ces appels à la justice, ce qui contribue aux obstacles pour leur mise en action. Pourtant elle insiste sur quelques priorités. « Il faut que tout le monde cherche à trouver sa place pour faire une différence pour la mise en oeuvre des appels à la justice. Je comprends que ce soit difficile de trouver sa place dans ce problème qui est bien plus grand que nous. Mais par de petits gestes au quotidien, on peut alimenter le débat public pour avancer.

« Il y a deux domaines de priorités. Le premier c’est l’éducation du grand public et des institutio­ns sur les enjeux spécifique­s auxquelles font face les femmes, les filles et les personnes bispiritue­lles autochtone­s.

« Le deuxième c’est la sécurité économique des femmes, des filles et des personnes bispiditue­lles autochtone­s. Dans le rapport, il y a toute une partie sur cette question et pour moi, elle reste cruciale. »

Celle qui est aussi anishinabé­e et métisse ne peut négliger les effets de la colonisati­on dans ce qui se produit aujourd’hui. « Il faut reconnaîtr­e que les problèmes auxquels on fait face sont vraiment liés aux structures de la colonisati­on. Par exemple : la Loi sur les Indiens qui existe encore aujourd’hui et qui permet d’enraciner le désavantag­e des personnes autochtone­s.

« Une chose que les gens ne réalisent pas toujours c’est que la crise n’est pas propre à notre époque. C’est une crise qui remonte à des centaines d’années. Il faut porter un regard très critique sur les institutio­ns, les lois canadienne­s qui soutiennen­t le désavantag­e pour aborder de vraies solutions. »

Dre Karine Duhamel voit un changement de paradigme s’opérer depuis les deux dernières années. « Avec la découverte des tombes anonymes dans les pensionnat­s autochtone­s, je vois un changement. Il y a une plus grande connaissan­ce sur l’héritage des pensionnat­s autochtone­s, il y a une plus grande connaissan­ce des impacts de ce système sur la société. Il reste qu’il y a encore beaucoup de travail à faire.

« Il faut rester ouvert à l’éducation, aux personnes. C’est quelque chose qui peut être compliqué quand on vient d’une génération qui n’a pas fait ce travail d’histoire pour comprendre les pensionnat­s autochtone­s ou tout simplement les politiques coloniales. J’encourager­ais tout le monde de lire au moins le sommaire exécutif de l’enquête nationale ou encore d’entendre les histoires des familles. »

L’historienn­e de formation rebondit sur l’importance des discussion­s à ce sujet. « Si on ne prend pas action, la violence va continuer. À chaque fois qu’on perd une membre de la communauté, on perd du savoir, on perd des génération­s, on perd quelqu’un qui peut contribuer à la société. C’est un problème urgent auquel il n’y a aucune solution facile. Il faut s’assurer d’avoir de la sécurité pour les génération­s à suivre.

« Nous avons besoin d’investir dans des solutions durables. Une des choses qui existe encore aujourd’hui et qu’on avait identifié dans le rapport final, c’est la tendance des gouverneme­nts à financer des solutions sur le court terme. Pour confronter les violences, les causes profondes de la violence coloniale et moderne, il faut un investisse­ment conséquent et durable et qui sera bénéfique sur le long terme. »

(1) La conférence a lieu le 24 novembre de 13 h à 14 h 30 dans la salle Martial-caron de l’université de Saint-boniface. La conférence est gratuite et ouverte à tous et toutes.

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Photo : Marta Guerrero Dre Karine Duhamel a été directrice de la recherche pour l'enquête nationale sur les femmes et les filles autochtone­s disparues et assassinée­s. Elle a rédigé le rapport final et géré le projet d'examen des documents médico-légaux et les archives patrimonia­les.
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