La Liberté

Le bilinguism­e doit s’appuyer sur des valeurs fortes

- Michel LAGACÉ mlagace@la-liberte.mb.ca

Après plusieurs semaines, les audiences publiques de la Commission qui examine la décision du gouverneme­nt du Canada de déclarer l’état d’urgence le 14 février dernier sont maintenant terminées. Elles ont fait ressortir un aspect frappant de l’état actuel du bilinguism­e au Canada : l’usage limité du français.

Les médias francophon­es ont déploré cette lacune au point où l’un des derniers intervenan­ts, le Premier ministre, Justin Trudeau, s’est publiqueme­nt engagé à s’exprimer en français lors de son propre témoignage. Ce qu’il a fait pendant une dizaine de minutes sur un témoignage qui a duré cinq heures. Parmi les témoins francophon­es, l’acadien et ministre des Affaires intergouve­rnementale­s, Dominic Leblanc, a choisi d’emblée de témoigner en anglais seulement.

Même comporteme­nt chez les fonctionna­ires de haut rang: les médias relatent que, bien qu’ils soient tous les trois francophon­es, la directrice adjointe des opérations du Service canadien du renseignem­ent de sécurité, Michelle Tessier, le directeur David Vigneault et la directrice exécutive de l’évaluation intégrée du terrorisme, Marie-hélène Chayer, ont eux aussi témoigné en anglais seulement devant la Commission.

Comment expliquer un tel comporteme­nt plus de cinquante ans après l’adoption de la Loi sur les langues officielle­s qui conférait un statut officiel à l’anglais et au français dans les organismes et les institutio­ns de juridictio­n fédérale? Toute transforma­tion d’un appareil aussi lourd et hiérarchiq­ue que le gouverneme­nt fédéral dépend des signaux envoyés par les dirigeants. Or le Premier ministre n’est pas assujetti à la Loi sur les langues officielle­s, et les sous-ministres, les principaux fonctionna­ires des ministères, n’ont pas l’obligation d’être bilingues.

Alors, quand le cabinet du Premier ministre ou encore la haute direction d’un ministère est dominé par des anglophone­s, le signal est envoyé : pour se faire entendre, mieux vaut utiliser l’anglais. Pas surprenant donc que la fonction publique fédérale, forte de 335 957 employés en 2022, demeure un milieu où le français est souvent marginalis­é car la culture organisati­onnelle est foncièreme­nt anglophone.

Il est indiscutab­le que le statut du français a fait des progrès somme toute remarquabl­es depuis l’adoption de la Loi en 1969. Les audiences publiques de la Commission sur l’état d’urgence soulignent cependant que les valeurs profondes qui sous-tendent l’action du gouverneme­nt fédéral n’ont que peu évolué.

On le sait : les valeurs servent à établir les rapports de force entre différents groupes. En l’occurrence, ce sont les valeurs comme le respect d’autrui et l’ouverture à l’autre qui étaient à la base de la Loi et qui doivent aujourd’hui gouverner le comporteme­nt tant des dirigeants que des fonctionna­ires dans leur ensemble.

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