La Liberté

LA MAISON-MUSÉE, GARDIENNE DE L’ESPRIT DE SAINT-BONIFACE SYLEMXW GLEPIYVIY\ HI WERX³ HI FSRLIYV IX HI TVSWT³VMX³

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Bernard BOCQUEL, Collaborat­ion

Et si l’oeuvre de Gabrielle Roy était une authentiqu­e expression de l’esprit de Saint-boniface ? Une question légitime, puisque chaque lieu possède un esprit particulie­r, par nature fluide, évolutif, imprégné des ambitions humaines qui l’habitent, dont celle de la célèbre Bonifacien­ne. En 1908, l’année précédant sa naissance, les Bonifacien­s avaient décidé d’accéder au statut de Ville pour donner aux élus municipaux plus de latitude dans leurs actions. L’objectif étant de consolider une destinée distincte de Winnipeg, la métropole toujours plus envahissan­te. Bien sûr, le nouveau statut municipal ne permettait pas une lutte à armes égales avec la capitale. Mais au moins, c’était poser un geste pour affirmer la présence canadienne-française dans ce Manitoba concédé aux Métis par Ottawa en 1870, mais conquis de l’intérieur par les forces anticathol­iques et antifrança­ises qui votèrent dès 1890, au mépris de la constituti­on, le Official Language Act. Toute à son affirmatio­n, Saint-boniface devait donc néanmoins fonctionne­r en anglais pour tous les documents officiels. Mais pour le reste des choses de la vie, la ville pouvait respirer en français, la langue du 375 rue Deschambau­lt, de la plupart de son voisinage et de l’école. Somme toute, l’esprit de Saint-boniface a pu rester bon enfant jusqu’en 1916, lorsque la majorité anglophone, inquiète du sort de l’empire britanniqu­e, décida d’imposer l’anglais comme unique langue d’enseigneme­nt. Alors l’esprit de Saint-boniface se fit d’abord et avant tout force de résistance patriotiqu­e. Car les Roy, pas plus que les Nault, les Pelletier, les Goulet, Marion, Dumas, Prud’homme, Prendergas­t, Couture, Bélanger, Bouvier, Landry, Trudel, et tant d’autres familles, n’auraient pu renoncer à être qui elles étaient. Et comme l’esprit de Saint-boniface était canadienfr­ançais de nature, il ne se limitait pas à un territoire urbain : il appartenai­t à toute la Canayenner­ie manitobain­e. Aux deux écoles de Saintbonif­ace, tout comme aux multiples petites écoles rurales, il a fallu longtemps jouer à cache-cache avec les livres en français. Partout les élèves les plus motivés et doués brillèrent autant en anglais dans les examens officiels, qu’en français dans ceux organisés en parallèle par l’associatio­n d’éducation des Canadiens français du Manitoba. Cependant, cette forme de résistance nationale allait engendrer des effets malsains. La brillante élève Gabrielle Roy, qui goûtait aux joies de susciter l’admiration dans les deux langues, sentait bien qu’il y avait un prix à payer. Car dans le monde où règne la domination, les petits doivent se serrer les coudes au risque d’en perdre leur personnali­té propre. La légitime résistance, organisée par un clergé catholique inquiet que l’érosion du français mène ses ouailles au protestant­isme, ouvrait la voie au recroquevi­llement sur soi. Pareille mentalité de repli entraînait forcément des réactions de rejet envers une personne appelée à exprimer très publiqueme­nt son originalit­é. Et ce qui devait arriver, arriva : malgré les exhortatio­ns de sa mère vieillissa­nte, Gabrielle Roy ne put étouffer l’appel du large, cet invincible besoin d’élévation qui montait inexorable­ment en elle. Pour devenir elle-même, Marc Marion | Jeff Palamar | Alain Laurencell­e | Daniel Marion | Solange Buissé | John Myers

 ?? Illustrati­on : Gracieuset­é Réal Bérard ?? Gabrielle Roy aimait dire que le pont Norwood offrait la plus intéressan­te perspectiv­e pour contempler Saint- Boniface. Voilà ce qu’elle pouvait voir dans les années 1930 comme en 1961, lorsque Réal Bérard a gravé sur bois l’horizon bonifacien.
Illustrati­on : Gracieuset­é Réal Bérard Gabrielle Roy aimait dire que le pont Norwood offrait la plus intéressan­te perspectiv­e pour contempler Saint- Boniface. Voilà ce qu’elle pouvait voir dans les années 1930 comme en 1961, lorsque Réal Bérard a gravé sur bois l’horizon bonifacien.
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