La Liberté

MARCHER AVEC L’INSPIRATRI­CE ET VOIR JUSQU’À LA MER

- Roland STRINGER, Collaborat­ion spéciale

Roland Stringer a fondé La Montagne secrète en 2000. L’an dernier, cette maison d’édition jeunesse a publié l’album musical Le vieillard et l’enfant, une adaptation du récit de Gabrielle Roy par Dominique Fortier, illustrée par Rogé et accompagné­e de chansons de Daniel Lavoie.

J ’ai les mots de Gabrielle Roy dans les bottes depuis près de 40 ans. Encore aujourd’hui, lorsque je pars en randonnée artistique à la recherche d’une idée pour un nouveau livre, je me tourne souvent vers son oeuvre et les nombreuses production­s et publicatio­ns qu’elle a inspirées. J’aime marcher avec elle et voir jusqu’à la mer! Pourtant, ma première lecture d’un roman de Gabrielle Roy ne présageait rien de bon. C’était en 1980, au Collège universita­ire de Saint-boniface, dans la classe d’annette Saintpierr­e. Au programme ? La

Montagne secrète, un conte symbolique que je trouvais à l’époque sans véritable intrigue, dépourvu de solides rebondisse­ments, un comble dans le Bouclier canadien aux tortueuses rivières. Pour tout dire, j’ai ramé fort pour terminer le livre. J’y suis allé au ralenti, deux ou trois pages à la fois, ne sachant trop si je montais ou descendais la rivière. Mille fois, j’ai voulu rebrousser chemin. Cependant, l’admiration de notre professeur­e pour celle qui, aimait-elle souligner, avait vraiment un coeur manitobain était palpable. Une graine avait été semée. J’ai quand même pu faire abstractio­n de la contributi­on de la Bonifacien­ne à la littératur­e canadienne jusqu’à sa mort. Pour changer de cap, il m’a fallu, quelques jours après son décès, une rencontre avec Léonie Guyot, son amie et collègue à l’école Provencher. À la fin d’un entretien pour La Liberté, l’enseignant­e retraitée m’avait confié que Gabrielle aimait prendre des marches en pleine nature, souvent sous la pluie. Peu après, je me suis rendu au bord du lac Winnipeg pour le tournage de l’adaptation cinématogr­aphique par l’office national du film du récit

Le vieillard et l’enfant. Un tout petit trajet qui m’a permis de faire la connaissan­ce du grand comédien québécois Jean Duceppe. Déjà bien âgé, il voyait l’immense lac manitobain pour la première fois et récitait les mots de l’auteure avec sensibilit­é. Comme si c’était les siens, vraiment. Quelques mois plus tard sortait en grande pompe le film Bonheur d’occasion.

À nouveau, le respect des créateurs pour la romancière et son oeuvre m’avait frappé. La productric­e Marie-josée Raymond avait tenu en entrevue à me souligner fièrement la réaction du célèbre éditeur canadien Jack Mcclelland : Gaby would have liked it ! Cet enchaîneme­nt de rencontres avait définitive­ment ouvert au jeune journalist­e le chemin vers l’univers de Gabrielle Roy. J’ai commencé à la lire assidûment : La petite poule d’eau, La route d’altamont, Ces enfants de ma vie, Rue Deschambau­lt, La détresse et l’enchanteme­nt… Et il y a eu une relecture de La Montagne

secrète ! Depuis que j’habite Montréal, je tente de rester à l’affût de tout ce qui se réalise en lien avec ses écrits : pièces, expos, voire des thèses. Le pays de Gabrielle Roy m’habite depuis mes jours au Manitoba. Son oeuvre m’a amené autour du monde.

C’est à ce momentlà que j’ai craqué. Je suis reparti avec une seule idée en tête : j’irais sans modération où Gabrielle Roy me mènerait. Vive l’orage !

 ?? Illustrati­on : Gracieuset­é Réal Bérard ?? Scène du Bouclier canadien dans l’esprit de La Montagne secrète, précisémen­t au portage de la grenouille.
Illustrati­on : Gracieuset­é Réal Bérard Scène du Bouclier canadien dans l’esprit de La Montagne secrète, précisémen­t au portage de la grenouille.

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