La Liberté

GABRIELLE L’INSTIGATRI­CE, EN PROFONDE RECONNAISS­ANCE

- Suzanne KENNELLY, Collaborat­ion spéciale Suzanne Kennelly est une dramaturge, auteure, compositri­ce et interprète.

J ’ai toujours connu Gabrielle. Tout d’abord à travers l’image donnée par mon éducation littéraire du Québec des années 1960 : celle d’une écrivaine au talent remarquabl­e. De ses origines manitobain­es, rien n’a filtré, ou presque. Enfin, juste assez pour que l’informatio­n s’évanouisse, comme tant d’autres, de mon baluchon de souvenirs d’enfance. Mais, étant moi aussi née Roy, je la comptais instinctiv­ement parmi mon clan.

Gabrielle Roy semblait craindre le succès et l’admiration dont elle savait d’emblée qu’elle aurait à en payer le prix. Sa dévotion était réservée aux mots toutpuissa­nts qu’elle juxtaposai­t d’une manière envoûtante. J’ai croisé le fer avec sa verve dans les dictées scolaires. La romancière remportait souvent la victoire.

La vie nous réservant de belles surprises, je pose mes valises au Manitoba en 1986. La Société historique de Saintbonif­ace m’apprend que je partage effectivem­ent des liens de parenté avec Gabrielle.

S’il est vrai qu’on ne choisit pas ses ancêtres, certaines déclinaiso­ns généalogiq­ues sont particuliè­rement agréables à découvrir.

Quelques années plus tard, je plonge dans un projet fascinant. Grâce à la Maison Gabrieller­oy, j’ai eu le bonheur d’écrire sur commande La visite chez

Mélina (2012) et Léon et sa maison (2019). L’objectif premier était de fournir aux visiteurs une expérience humaine, interactiv­e et informativ­e de la résidence familiale de la rue Deschambau­lt qui a vu naître Gabrielle.

Mais je souhaitais aussi faire entendre la perspectiv­e de ses parents pour cette maison dont ils étaient si fiers, ainsi qu’esquisser leur propre histoire et celle de la vie des francophon­es du Manitoba au tournant du 20e siècle.

En lisant et en relisant toute son oeuvre, j’ai été confrontée à l’insaisissa­ble de sa personnali­té d’auteure, elle qui vivait à une époque qui laissait bien peu de place à une femme en quête d’épanouisse­ment profession­nel, aussi unique soit-elle.

En faisant fi des barrières qui se dressaient constammen­t devant elle, et malgré les souffrance­s évidentes de l’âme et du corps que son travail lui a infligées, Gabrielle a persévéré. Sa force de caractère nous a laissé en héritage des moments de grâce couchés sur papier pour l’éternité.

Je me rappelle avoir admiré en entrevue à l’écran d’une télévision radio-canadienne naissante une femme érudite, indépendan­te, fière mais suspicieus­e. Gabrielle est donc l’instigatri­ce de mes premières expérience­s d’écrivaine. Je lui en suis profondéme­nt reconnaiss­ante.

 ?? Photo : Gracieuset­é Archives de la SHSB, Fonds Marie-anna Roy, SHSB49298 ?? La famille Roy en janvier 1912. À l’avant de gauche à droite : Léon (le père), Gabrielle, Germain et Mélina (la mère). À l’arrière : Bernadette, Clémence, Adèle, Anna et Rodolphe.
Photo : Gracieuset­é Archives de la SHSB, Fonds Marie-anna Roy, SHSB49298 La famille Roy en janvier 1912. À l’avant de gauche à droite : Léon (le père), Gabrielle, Germain et Mélina (la mère). À l’arrière : Bernadette, Clémence, Adèle, Anna et Rodolphe.

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