La Liberté

GABRIELLE LA COMÉDIENNE EST REVENUE AU CERCLE MOLIÈRE

- Marie-thérèse FORTIN Marie-thérèse Fortin est comédienne et grande admiratric­e de Gabrielle Roy.

Fin avril 2022. J’atterris enfin à Winnipeg. Il m’aura fallu attendre deux ans pour mettre un point final à ce périple, ce spectacle de La Détresse

et l’enchanteme­nt que j’aurai adapté et interprété une centaine de fois au Québec, en Acadie, à Vancouver et, finalement, à Saint-boniface. Partie à la rencontre des communauté­s francophon­es du Canada, me voici au terme de cette tournée, qui est aussi son point d’orgue : le Manitoba. C’est la première fois que j’y mets les pieds. C’est donc ici que va se clore le chapitre de cette histoire. Ici, sur les terres de Gabrielle. Je découvre un pays où le printemps tarde à s’installer, le froid persiste et rouspète à laisser sa place. Et pourtant, la Rouge gonfle et menace de déborder, tel un coeur trop plein, lourd d’un hiver chagrin. On parle d’inondation­s à venir et des inquiétude­s s’ajoutent à celle de la pandémie, qui commence à peine à décroître. C’est dans cette saison tout en contraste que je m’installe dans un bâtiment ancien fraichemen­t rénové dans un secteur de la vieille ville de Winnipeg.

Je dépose vite fait mes valises et me précipite dehors, malgré un vent inhospital­ier, pour aller arpenter les rues, les quartiers, et rejoindre le pont Provencher, là où s’ancre le début de La Détresse et l’enchanteme­nt. Ce pont, sorte de frontière symbolique entre deux réalités, deux cultures, deux langues, qui aura marqué la jeunesse de Gabrielle. Qu’en est-il aujourd’hui de ces deux réalités? Comment vit-on de chaque côté de la Rouge?

Plantée au beau milieu du pont, je me questionne et je me prends à imaginer Gabrielle à mes côtés. Qu’est-ce qu’elle dirait de ce Manitoba d’aujourd’hui dont elle a si magnifique­ment fait le portrait, jadis.

Y aurait-il le même serrement au coeur, la même musique lancinante de la nostalgie qui traverse toute son oeuvre ? Me dirait-elle simplement : Vois, c’est ici d’où je viens. C’est ici que tout a commencé. C’est de ce pays que je suis faite. Allez, avance!

Je poursuis ma route et j’entre dans Saint-boniface pour aboutir au Cercle Molière, vaisseau amiral du théâtre francophon­e hors Québec. Je sais que je jouerai dans la salle Pauline-boutal, l’amie et la complice qui aura encouragé les aspiration­s de la jeune Gabrielle, qui rêvait de théâtre comme on rêve de voyage, comme on rêve confusémen­t d’aller plus loin… Mais où est

le loin ? Ce rêve de théâtre qui la portera jusqu’en Europe, voyage initiatiqu­e où tout se dessine, ou tout se décide. Puis le théâtre cèdera la place à la littératur­e. Et la littératur­e deviendra, à jamais, la grande destinatio­n, la grande affaire dans la vie de Gabrielle Roy.

Et je me prends à penser que presque trente ans après la parution de ses mémoires inachevés, ce chefd’oeuvre qu’est La Détresse et l’enchanteme­nt, Gabrielle sera à nouveau de retour sur la scène du Cercle Molière, parce qu’un jour, une fille du Bas-du Fleuve au Québec s’est mis en tête de faire en sorte qu’on n’oublie jamais cette immense écrivaine qui non seulement a changé sa vie, mais l’a aidée à vivre toutes ces années…

 ?? Illustrati­on : Gracieuset­é Réal Bérardet Mélina (la mère) ?? Mélina et Gabrielle sur le vieux pont Provencher, en direction de Winnipeg.
Illustrati­on : Gracieuset­é Réal Bérardet Mélina (la mère) Mélina et Gabrielle sur le vieux pont Provencher, en direction de Winnipeg.

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