La Liberté

ANNETTE SAINT-PIERRE,

OU LE TOUR DE FORCE DE LA MAISON-MUSÉE, L’HOMMAGE POSTHUME À GABRIELLE ROY

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Récit recueilli par Bernard BOCQUEL ___________________________

Annette Saint-pierre est arrivée au Manitoba en 1950 comme religieuse enseignant­e, membre de la congrégati­on des Soeurs de Saint-joseph de Saint-hyacinthe.

C’était l’année où la vallée de la rivière Rouge venait de vivre des inondation­s phénoménal­es et où Gabrielle Roy publiait La

Petite poule d’eau, son deuxième roman après le succès non moins phénoménal de Bonheur d’occasion en 1945.

Il aura cependant fallu une douzaine d’années de présence manitobain­e avant qu’annette Saint-pierre puisse prendre conscience de l’existence même de l’écrivaine. C’est au début des années 1960 à Lorette, à la lecture des livres de Gabrielle Roy inscrits au programme, que l’enseignant­e dans l’âme a éprouvé le vif désir de rencontrer l’écrivaine.

Cette chance lui a été accordée à trois reprises. Ces fortes rencontres ont été déterminan­tes dans sa volonté de participer passionném­ent, des décennies plus tard, à la restaurati­on de la maison natale de la plus célèbre des personnes nées à Saintbonif­ace.

Gabrielle Roy n’hésitait pas à reconnaîtr­e avoir passé sa vie entre la détresse et l’enchanteme­nt. Annette Saint-pierre, qui s’est tant dépensée pour que la maison de la rue Deschambau­lt soit dignement préservée, fait volontiers remarquer, à maintenant 97 ans : «J’ai toujours eu le don de l’émerveille­ment. C’est comme ça. J’ai toujours un projet en tête!»

Après Powerview et Saint-georges avec des jeunes du primaire, ensuite à Mariapolis avec des jeunes du niveau intermédia­ire, puis un retour comme directrice à l’école de Powerview, c’est finalement en 1963 que je peux enseigner au niveau secondaire. J’ai franchi cette étape à l’institut collégial de Lorette, comme titulaire de la classe de 11e année.

Parmi mes collègues, j’ai le plaisir de faire la connaissan­ce de deux francophon­es très engagés, Robert Painchaud et Gilbert Rosset. (1) La directrice de l’école est soeur Catherine Farmer, une Irlandaise qui m’a toujours dit oui sans discussion pour les activités en français.

(1) Robert Painchaud, professeur et historien, né en 1941, décédé dans un accident d’avion le 23 juin 1978, est un cofondateu­r des Éditions du Blé en 1974 et du Centre d’études francocana­diennes de l’ouest (CEFCO) en 1978. Gilbert Rosset, éducateur et comédien, décédé en 1998 à l’âge de 56 ans. Son nom a été donné à l’école de Saint-claude de la DSFM.

En consultant le programme, j’apprends que je vais devoir enseigner des oeuvres d’une certaine Gabrielle Roy : La

Petite poule d’eau et Rue Deschambau­lt. Plus tard s’est ajoutée après sa publicatio­n

La route d’altamont. Si je me souviens bien, puisque ces romans avaient été autorisés par la section française du ministère de l’éducation, les élèves recevaient chacun un livre de la Commission scolaire. Le livre restait ensuite la propriété de l’école.

La décision sur ce que les élèves francophon­es devaient étudier était prise par soeur de Moissac. La révérende soeur était impliquée auprès du ministère de l’éducation et avait la charge des programmes en français. C’était une soeur grise dont j’étais bien consciente de la grande réputation, due à son engagement avec l’associatio­n d’éducation des Canadiens français du Manitoba, que tous les enseignant­s connaissai­ent bien. (2)

Il a donc fallu que je lise ces romans manitobain­s et que je me renseigne autant que possible sur l’auteure. À Lorette, personne ne savait vraiment rien sur Gabrielle Roy. Au moins, Robert Painchaud, qui enseignait l’histoire, a pu m’indiquer où sur la rue Deschambau­lt se trouvait la maison natale de Gabrielle Roy. La première fois que je l’ai vue, une impression de délabremen­t s’est imposée. Le porche penchait, la peinture était écaillée.

Quand on sait le grand humanisme et la poésie qui ressortent des oeuvres de Gabrielle Roy, le contraste avec la réalité était frappant. Mais au moins ça me donnait des points de repère pour piquer encore plus la curiosité de mes élèves. La plupart avaient le vocabulair­e nécessaire, mais pas toujours l’intérêt pour se pencher sur les livres qu’il fallait étudier.

Il me revient d’ailleurs un commentair­e peu appréciati­f du jeune Guy Corriveau, le fils de l’inspecteur d’écoles Corriveau. (3) Sa femme était une Carbotte, la soeur du docteur Marcel Carbotte, le mari de Gabrielle. Plus tard, j’ai mentionné son commentair­e à Gabrielle, qui l’a bien pris.

Mes étés, je les passais toujours aux études à l’université d’ottawa pour parfaire mon éducation. J’avais un rituel bien établi. En sortant des cours d’été, je faisais une retraite d’une semaine à Sainthyaci­nthe à la maison mère des Soeurs de Saint-joseph. Ensuite je passais trois jours dans ma famille à Drummondvi­lle. Pas une journée de plus.

À l’été de 1966, j’ai écrit à Gabrielle Roy pour solliciter une rencontre. Elle m’a répondu qu’elle n’avait pas le temps. Il faut dire qu’elle venait d’en accorder beaucoup à Monique Genuist, qui préparait une thèse sur son oeuvre, sans doute une des toutes premières de niveau universita­ire. J’étais déçue. Mais la chance m’a souri. Pour dire toute l’histoire, Gabrielle avait en effet accepté d’être accueillie à Chambly par une jeune artiste dont j’ai gardé le nom, Jeanne Benoit, qui avait beaucoup aimé La Montagne

secrète. C’était le troisième roman de Gabrielle, publié quelques années auparavant. Le roman met en scène la quête éperdue d’un artistepei­ntre pour créer des tableaux saisissant­s. L’inspiratio­n lui est venue de son ami, l’aventurier René Richard, qui vivait dans Charlevoix, pas loin de sa résidence d’été à Petite-rivièresai­nt-françois.

Comme sa mère, Gabrielle était une voyageuse de naissance. Elle n’a pas dû hésiter bien longtemps avant d’accepter l’invitation de la jeune artiste. Ma chance, c’était que Chambly n’est pas trop loin de Saint-hyacinthe, où

justement je faisais ma retraite. Merveille, Gabrielle ne m’avait pas oubliée! Quand elle m’a appelée, j’étais folle de joie. Je sautais! Mais les soeurs n’avaient pas de voiture dans ce temps-là. Alors j’ai contacté ma soeur Rollande, qui était religieuse de la Présentati­on de Marie. Elle m’a proposé d’être conduite à mon rendez-vous.

J’étais venue avec une enregistre­use. Mais Gabrielle a catégoriqu­ement refusé d’être enregistré­e. Sinon je l’ai trouvée très chaleureus­e. Elle s’est installée dans une chaise berçante. Elle se berçait continuell­ement. Bien plus tard, j’ai appris qu’elle adorait sa balançoire à Petite-rivièresai­nt-françois. Pendant une bonne heure, elle a répondu avec vivacité à mes questions sur les personnage­s des livres que j’enseignais.

Il suffisait d’en mentionner un autre pour qu’elle se lance à nouveau.

Là, je me suis aperçue qu’elle n’avait pas tellement inventé ses personnage­s. La romancière s’appuyait sur des personnes qu’elle avait connues, ou connaissai­t. Pour les romans que j’ai écrits bien plus tard, j’ai fait pareil : je pensais à des gens et j’extrapolai­s. Il me fallait une image de départ pour lancer mon imaginatio­n.

À un moment, elle m’a demandé : Avez-vous lu La Montagne secrète ? Non, je ne l’avais pas lu. J’ai eu honte.

Car bien entendu, j’ai eu dès le début en tête de rencontrer l’auteure des livres que j’ai enseignés pendant mes quatre ans à Lorette.

Toute une atmosphère s’était créée. On aurait pu jurer qu’elle était entourée de ses personnage­s.

2) Soeur Élisabeth de Moissac, née à Draguignan en France en 1897, décédée en 1984, a enseigné 46 ans à Saintnorbe­rt, La Broquerie et Sainte-anne-des-chênes. Par la suite, bibliothéc­aire chevronnée, elle a notamment contribué aux comités de Français et de Sciences sociales au ministère de l’éducation du Manitoba.

(3) Arthur Corriveau, né à Montmartre en Saskatchew­an en 1915 de parents breton et canadien-français, épouse Léona Carbotte de Saintbonif­ace en 1946. Le couple s’installe au Manitoba en 1947. Son dévouement à la cause du français l’incite en particulie­r dans les années 1970 à activement seconder la conception d’un Institut pédagogiqu­e. Décédé en 2006.

J’aurais pu disparaîtr­e sous la chaise. À ma décharge, avec mon enseigneme­nt et mes études, je n’avais pas vraiment de temps pour d’autres lectures. Et puis je savais que les critiques n’avaient pas bien reçu le livre.

Gabrielle Roy a connu très tôt le monde des religieuse­s. Après tout, de la 1re année à la 12e, elle a été l’élève des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie à l’académie Saintjosep­h, de nos jours le Manoir de la Cathédrale, une résidence pour personnes âgées.

À l’heure du départ, avant qu’on se donne l’accolade, elle m’a regardée droit dans les yeux : Êtes-vous heureuse, ma

soeur ? J’étais évidemment déjà bien consciente de l’importance du bonheur dans son oeuvre. Il se trouve que cette journéelà, j’étais particuliè­rement heureuse. Alors ma réponse a été toute simple : Oui, je le suis.

Pour tout dire, je dois ajouter que durant toutes mes années en communauté, mes moments de dépression étaient courts. Ils se résumaient à chaque fois juste à quelques heures de découragem­ent.

Après cette belle rencontre, j’étais enfin mieux disposée à accepter la volonté d’andré Renaud, le professeur de l’université d’ottawa qui allait diriger ma thèse de maîtrise, de la faire sur Gabrielle Roy.

Moi j’aurais aimé un autre sujet, car j’avais, et j’ai toujours, une grande admiration pour Maurice Constantin-weyer, un Français qui avait immigré dans la région de Saint-claude au début du 20e siècle. Il n’avait pas persévéré dans l’aventure, mais à son retour en France, il a écrit Un Homme se penche sur son passé. Le roman lui a valu le Prix Goncourt.

Mais les profs qui dirigent des thèses veulent des sujets qui les intéressen­t. Or Renaud ne savait pas grand-chose du Manitoba. Et il voulait en apprendre plus. Alors il a décrété :

Vous allez faire une thèse sur Gabrielle Roy, parce que vous êtes du Manitoba.

En fait, je n’étais pas du Manitoba, mais au Manitoba. Après quatre années à enseigner le français aux 10e, 11e et 12e années, plus le bookkeepin­g et faire de la

guidance, j’étais fatiguée de Lorette. Après mes cours d’été à Ottawa, je ne voulais plus retourner au Manitoba. La mère générale a accepté et après avoir pu visiter avec grande joie l’expo 67 à Montréal, j’ai surtout enseigné l’anglais dans une école ménagère à Sainthyaci­nthe.

En passant, j’ai pu aller à Expo 67 grâce à mon frère Marcel, qui avait quand même mis une condition : Dans ton costume de soeur, t’as l’air d’un gros rouleau de papier noir. Je t’emmène pas comme

ça. C’est avec plaisir que je me suis habillée en laïque. Il faut dire que socialemen­t, les choses commençaie­nt à bouger beaucoup au Québec, surtout comparé au Manitoba.

Mais le Manitoba était décidément mon destin, comme le Québec l’a été pour Gabrielle. La mère générale m’a convoquée début 1969 : Annette, il faut retourner dans l’ouest. Il fallait remplacer des soeurs âgées. J’ai eu la présence d’esprit de lui répondre : Ma mère, libérezmoi de mon enseigneme­nt pour que je puisse préparer mon oral pour la maîtrise et je retourne dans l’ouest. Elle a accepté. J’ai passé l’année scolaire 1969-1970 à l’école de Sainte-anne-des-chênes.

Là, j’ai dû enseigner le français aux anglophone­s. Je détestais ça. Au moins, le directeur était Albert Lepage, un Francomani­tobain convaincu, un futur président de la SFM. Alors j’ai pu donner des cours d’histoire en français, même si ce n’était pas permis. Et surtout, dans la tranquilli­té du couvent des Soeurs Grises à Sainte-anne, j’ai pu travailler sur mon mémoire de maîtrise. L’année du centenaire du Manitoba a vraiment marqué le grand tournant dans ma vie. À l’été 1970, j’ai soutenu à Ottawa ma thèse Sous le signe

du rêve. (4) J’avais auparavant envoyé le texte à Gabrielle, qui m’avait répondu : Personne avant vous a touché à cet aspect de mon oeuvre. J’ai lu sa lettre à ma soutenance.

Au printemps de 1970, sa chère soeur Bernadette, en religion soeur Léon-de-la-croix, est décédée. Sa disparitio­n l’a beaucoup ébranlée. Un passage au Manitoba s’imposait. Un jour d’octobre, je reçois un appel de Gabrielle, qui souhaitait me rencontrer au Westminste­r Motor Hotel, un hôtel minable du centre-ville de Winnipeg.

La soeur supérieure à Lorette avait une voiture. C’est elle qui m’a conduit à l’hôtel. Comme elle n’était pas familière des méandres des rues, nous sommes arrivées vraiment en retard. On a été mal accueillie­s. Gabrielle faisait les cent pas dans le lobby. Elle n’était visiblemen­t pas contente. Je me suis abondammen­t excusée. Très mal à l’aise, je lui ai demandé ce qu’elle voulait faire, où aller. J’aimerais aller au village de Sainte-anne-deschênes.

Nous nous sommes installées toutes les deux en arrière d’une Ford Torino de couleur vert pâle, je m’en souviens. Heureuseme­nt, pendant le voyage sa bonne humeur est revenue. Elle scrutait le paysage en écrivaine et partageait des détails de rien qui la frappaient. À Sainte-anne, elle a revu un village dont elle parle dans Rue Deschambau­lt.

Mais déjà à ce momentlà, le Sainte-anne du roman n’existait plus.

Un village où moi-même je n’aurai enseigné qu’une seule année.

Comme dit, 1970 a marqué le grand tournant dans ma vie. À la fin de l’année scolaire, j’avais en effet pris l’initiative, à un temps inimaginab­le, d’aller voir le frère Fernand Marion, un Marianiste qui était directeur général de la Division scolaire de la Rivièresei­ne. Je voulais lui annoncer ma démission, mon envie de quitter le Manitoba.

Heureuseme­nt, le frère Marion

était bien branché : Faites pas ça! Le Collège Saint-boniface va ouvrir à l’automne une Faculté d’éducation.

(4) Gabrielle Roy, Sous le signe du

rêve a été publié aux Éditions du Blé dans la collection Soleil en 1975, l’année suivant la fondation de la première maison d’édition francophon­e, initiative historique à laquelle Annette Saint-pierre avait été partie prenante.

Les étoiles s’étaient enfin alignées en ma faveur. Ma maîtrise sur le rêve chez Gabrielle Roy était devenue ma clé pour accéder au monde universita­ire.

Enseigner à des adultes était une perspectiv­e extraordin­aire, qui ne m’aurait pas été offerte au Québec. La soeur supérieure m’a encouragée d’aller voir le père Valiquette. À ce momentlà, le dernier recteur jésuite du Collège, alors littéralem­ent sur son départ, était à l’hôpital. Elle m’a conseillé de me présenter avec une bouteille de scotch. J’ai été bien reçue. Il m’a embauchée sur-le-champ. Sa décision m’a permis de raconter ma deuxième rencontre avec Gabrielle dans un article au journal étudiant

Populo, que j’ai rédigé à la demande de son rédacteur en chef Gilbert Cormier. (5) Au Collège universita­ire de Saint-boniface, j’ai eu la charge d’enseigner la littératur­e en 2e, 3e et 4e année. Ça voulait dire qu’il fallait que je développe des nouveaux cours. J’avais mis Gabrielle Roy au programme à tous les niveaux. Aux romans que j’avais déjà enseignés à Lorette se sont ajoutés Bonheur d’occasion, Alexandre Chenevert, sans oublier La Montagne secrète. Comme le Collège était sous la tutelle de l’université du Manitoba, mes cours devaient être acceptés par le directeur du Départemen­t de français. Le fameux professeur Jones n’était plus là, mais son successeur était encore sous son influence. (6) Pour ces gens-là, il ne pouvait exister de littératur­e canadienne-française, mais seulement une littératur­e française. Si bien que je n’ai pas pu officielle­ment enseigner la littératur­e canadienne­française. C’était, il est vrai, il y a maintenant plus de 50 ans, à une époque où même Gabrielle Roy devait élever la voix pour dire haut et fort qu’il existait bel et bien une littératur­e française au Canada. Je me suis donnée à fond dans mon nouveau travail. Mais je dois reconnaîtr­e que j’avais beaucoup plus de temps pour bâtir mes six cours. À l’université, la charge d’enseigneme­nt était bien moins importante qu’à l’école secondaire, où il fallait enseigner sept ou huit périodes par jour. Par contre, ce qui n’avait pas changé, c’était mon désir d’en apprendre toujours plus. À ce moment-là au Collège universita­ire, personne n’était encore jamais allé à un Congrès des sociétés savantes. Heureuseme­nt, un autre regard a été porté sur ces rencontres. En 1973, le recteur Saintdenis (7), qui tenait absolument à rehausser les standards académique­s de son institutio­n, m’a demandé d’entreprend­re un doctorat. Je n’étais vraiment pas enchantée de reprendre des études de longue haleine. Je n’imaginais d’ailleurs pas que ma communauté serait d’accord. À ma grande surprise, elle n’a pas dit non. Par la suite j’ai appris que Robert Painchaud avait parlé avec soeur Farmer, son ancienne directrice à Lorette, qui était maintenant supérieure générale de la congrégati­on. Les études doctorales exigeaient d’abord une année complète obligatoir­e sur le campus à Ottawa, plus des travaux pendant l’année et ensuite des cours d’été. Mon directeur de thèse était Paul Wyczynski. Hélas, il n’a pas été question d’approfondi­r mon travail sur Gabrielle Roy. Tout simplement parce que dans le cadre de ses publicatio­ns universita­ires, Wyczynski avait besoin d’en savoir plus sur le théâtre en français dans l’ouest. Il faut quand même dire que j’ai appris beaucoup sur la richesse du courant théâtral au Manitoba. J’ai obtenu mon doctorat en philosophi­e en 1979, la même année où j’ai fondé les Éditions des Plaines avec l’aide précieuse de l’abbé Georges Damphousse. (8) C’est d’ailleurs à ce temps-là que je me suis résolue à quitter ma congrégati­on, qui considérai­t que d’être propriétai­re d’une entreprise commercial­e était incompatib­le avec l’état de religieuse. Il faut dire que j’avais tellement d’autres projets en tête, qui nécessitai­ent bien des sorties. Le règlement de la communauté ne convenait plus à ma nouvelle réalité. Comme j’étais la seule au Manitoba à enseigner Gabrielle Roy au niveau universita­ire, à plusieurs reprises au fil des années j’ai accompagné des universita­ires, du Québec ou d’ailleurs, qui voulaient voir sa maison natale. Il me revient spontanéme­nt en tête Roger Motu, de l’université de l’alberta. En voyant l’état de délabremen­t toujours plus avancé de la maison, lui comme d’autres, pour qui le 375 rue Deschambau­lt avait valeur de personnage, m’a dit : Mais pourquoi vous ne faites rien pour la sauver ? Au moins dans mes cours de littératur­e sur Gabrielle Roy, je signalais toujours à mes étudiants et étudiantes l’existence de la maison immortalis­ée. C’était déjà ça, quand même. J’incitais aussi mes étudiants à écrire à Gabrielle. (5) Dans cet article paru (Populo, vol. 1, numéro 3), la reporter d’occasion avait, entre autres, demandé à l’écrivaine :

«À quels romans vont vos préférence­s?» Réponse : «C’est un peu comme des enfants. On aime surtout ceux dont on dit le plus de mal.» Et une fois qu’un roman est terminé? : «Alors c’est un peu comme un puits vide. Il faut laisser le temps faire son oeuvre pour le remplir de nouveau. Chaque roman correspond à une étape importante de ma vie, à une évolution de mon psychisme.» Plus loin dans le même article, encore toute imbue de son travail de maîtrise, Annette Saint-pierre se fait lyrique : «J’admire Gabrielle Roy. Elle n’a jamais tué le rêve de sa jeunesse. En écoutant la voix des étangs à la lucarne de la maison des souvenirs, elle avait décidé de se mettre en route. Elle voulait courir pour rejoindre les autres et les supplier de l’écouter. Elle marche toujours sur les routes humaines et rejoint régulièrem­ent ses lecteurs pour leur faire don du fruit de ses découverte­s. »

(6) Cyril Meredith Jones a été directeur du Départemen­t de français à l’université du Manitoba de 1943 à 1969. Il avait succédé à William Frederik Osborne, qui avait fondé ce départemen­t en 1913. Il avait par ailleurs joué un rôle clé lors de la fondation de l’alliance française du Manitoba en 1915. (7) Le Québécois Roger Saint-denis était devenu en juillet 1970 le premier recteur laïc du Collège universita­ire de Saint-boniface. Il devait succomber à une crise cardiaque en juin 1974 à l’âge de 59 ans. (8) La thèse de doctorat d’annette Saint-pierre a été publiée en 1980 aux Éditions des Plaines sous le titre Le rideau se lève au Manitoba.

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Photo : Marta Guerrero Annette Saint-pierre.
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 ?? Illustrati­on : Gracieuset­é Réal Bérard ?? La route d’altamont.
Illustrati­on : Gracieuset­é Réal Bérard La route d’altamont.
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Photo : Gracieuset­é Annette Saint-pierre Annette Saint-pierre au banquet du Centenaire de Gabrielle Roy en 2009. Dans ses mains, la Maison Gabrielle-roy vue par Réal Bérard.
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Photo : Gracieuset­é Annette Saint-pierre Annette Saint-pierre au début de la restaurati­on de la Maison Gabrielle-roy. La Maison-musée a ouvert ses portes en 2003.

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