De la taxe foncière à un impôt municipal sur le revenu?
Au Québec, la taxe foncière est toujours l’outil privilégié des municipalités pour garnir leurs coffres. Mais c’est une taxe régressive qu’on aurait avantage à remplacer par un impôt municipal sur le revenu afin de respecter la capacité de payer des contribuables, soutient l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS). En 2012, la taxation foncière a rap- porté 11 G$ au monde municipal, soit 57 % de ses recettes. Cette approche, largement utilisée dans les pays du Commonwealth, comporte de sérieuses lacunes identifiées par l’IRIS dans une note publiée en janvier 2015. Les auteurs, Ève-Lyne Couturier et Louis Gaudreau, signalent qu’il existe d’autres moyens de financer les municipalités dans le monde. La Suède, la Finlande, le Danemark et la Belgique ont ainsi opté pour l’impôt municipal sur les revenus. La Hongrie a misé sur la taxe de vente et d’autres pays utilisent une combinaison de formes de perception.
Lacunes
La taxe foncière ne tient pas compte de la capacité de payer du contribuable, déplorent les chercheurs de l’IRIS. Entre 2001 et 2011, la valeur moyenne en immobilier a progressé de 53 % contre 12 % pour le revenu annuel moyen après impôt d’une famille de 2 personnes, avancent-ils. Cela dit, les taxes n’ont pas automatiquement bondi de 53 %, car les municipalités peuvent amoindrir le choc en jouant sur le taux de taxation. De plus, l’effort fiscal exigé de chaque contribuable, c’est-à-dire la part moyenne du revenu consacrée à la taxation foncière, n’est pas juste, affirment les auteurs. En effet, les plus pauvres, dont les personnes âgées, paient une proportion plus importante de leurs revenus pour acquitter leurs taxes municipales. Certains doivent quitter leur résidence faute d’avoir les ressources suffisantes pour payer leurs comptes de taxes.
En outre, la dépendance envers la taxe foncière incite les villes à adopter un type de développement visant d’abord à stimuler le marché de l’immobilier et à accroître la valeur foncière afin de maximiser les retombées fiscales, ajoutent les chercheurs. Les villes se placent ainsi dans une position où elles pourraient bénéficier de la spéculation immobilière et être tentées d’encourager l’étalement urbain.
Faire autrement
L’IRIS estime qu’un impôt municipal sur le revenu « représente l’avenue la plus prometteuse » pour une fiscalité adéquate et plus juste. Cette forme de taxation serait progressive et limiterait l’attrait de la spéculation pour les villes.
Cet impôt pourrait facilement remplacer, en partie ou totalement, la taxe foncière, avancent les auteurs. Il suffirait d’ajouter une ligne à la déclaration de revenus provinciale et le tour serait joué. Les villes conserveraient leur pouvoir de décider du niveau de cet impôt municipal. Lors d’un bref entretien, la chercheuse Couturier a précisé à la Terre « que l’impôt municipal suggéré ne serait pas prélevé sur les revenus bruts. Nous parlons plutôt d’une surtaxe tirée de l’impôt payé par une entreprise ou un contribuable », a-t-elle noté.
Au Québec, en 2012, les contribuables ont payé 9,3 G$ en taxes foncières et 29 G$ en impôts sur le revenu et les biens. Éliminer complètement la taxe foncière nécessiterait donc la mise en place d’une surtaxe de 33 %. Les revenus municipaux deviendraient ainsi entièrement indépendants de l’immobilier et s’arrimeraient aux revenus des ménages. L’effort fiscal des citoyens défavorisés serait allégé alors que les propriétaires plus aisés contribueraient davantage.
Cela dit, il faudrait revoir l’impôt sur le gain en capital pour que les propriétés ne se transforment pas en abri fiscal. Une partie des gains en capital réalisée lors de leur vente serait taxée comme les autres gains de ce type.