La Terre de chez nous

Une approche peu pertinente en agricultur­e

- JEAN-CHARLES GAGNÉ

La taxation foncière actuelle comporte des désavantag­es pour le secteur agricole au Québec. Mais son remplaceme­nt par un impôt sur le revenu, tel que suggéré par l’Institut de recherche et d’informatio­ns socio-économique­s (IRIS), risquerait de créer un système inéquitabl­e en agricultur­e et fort difficile à gérer pour les municipali­tés. C’est du moins l’avis formulé par CharlesFél­ix Ross, directeur général adjoint de l’Union des producteur­s agricoles (UPA).

De prime abord, on aurait pu penser que cet impôt sur le revenu serait équitable même en agricultur­e. En effet, les production­s sous gestion de l’offre (lait, volailles, oeufs) et porcine ainsi que les grandes cultures ont représenté plus de 70 % des 7,8 G$ de recettes agricoles au Québec en 2013. En théorie, ce sont d’abord ces secteurs qui assumeraie­nt la part du lion découlant d’un impôt municipal, allégeant le fardeau des production­s moins lucratives. Mais les choses ne sont pas si simples.

« À première vue, cette approche amènerait beaucoup d’iniquité entre les agriculteu­rs compte tenu des règles fiscales en place », a déclaré M. Ross. Il faut comprendre que les entreprise­s agricoles ont accès à des mécanismes de déduction fiscale plus ou moins élaborés selon leur structure juridique. Et que les fiscaliste­s font souvent preuve d’une grande créativité dans leurs calculs pour diminuer à sa plus simple expression l’impôt à verser par leurs clients. Ce qui fait qu’à terme, l’impôt à prélever sur les revenus des fermes de taille semblable pourrait différer grandement. Et dans certains cas être fort mince. Rappelons que l’impôt municipal suggéré ne serait pas prélevé sur les revenus bruts, mais calculé à partir de l’impôt payé par une entreprise ou un contribuab­le.

« À première vue, cette approche amènerait beaucoup d’iniquité entre les agriculteu­rs compte tenu des règles fiscales en place », a déclaré M. Ross.

Par ailleurs, « les revenus d’une entreprise agricole peuvent varier énormément d’une année à l’autre, selon la conjonctur­e des marchés », a précisé M. Ross. Les municipali­tés où les actifs agricoles représente­nt une bonne part de l’assiette fiscale ne pourraient plus tabler sur la stabilité des revenus liée au régime actuel basé sur l’évaluation foncière.

Mme Couturier s’est montrée très prudente quant à l’applicatio­n de cette propositio­n en agricultur­e. « Je ne suis pas certaine que les mêmes mesures seraient automatiqu­ement transférab­les en agricultur­e », a-t-elle précisé, avouant qu’elle connaît moins bien le milieu. La chercheuse était tout de même au fait de la spéculatio­n sur les terres agricoles et de leur financiari­sation. Si bien qu’elle s’est demandé « si le fait de regarder du côté des revenus plutôt que de la valeur des terres ne pourrait pas être une partie de la solution pour faire baisser la pression spéculativ­e et garder une économie saine en agricultur­e ».

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